« J’ai vu son visage, je pourrais le reconnaître. Il ressemblait à n’importe qui. Il ne nous tenait pas en joue. Il tenait sa kalachnikov tranquillement, serein, comme un militaire de Vigipirate. On aurait dit qu’il était là pour nous évacuer. Il n’avait même pas l’air menaçant. » Son frère a vu un autre tireur, « un grand blond aux cheveux ras ». « Ça avait l’air préparé, froid. Il n’y avait rien d’inorganisé. Ils étaient positionnés correctement pour être efficaces. »
Quand la lumière revient, « assez rapidement », il n’y a plus un bruit. Et là, « ils se sont mis à tirer sur les gens un par un. Ils marchaient autour de nous. Nous les entendions recharger leurs armes. Parfois, des gens essayaient de partir en groupe et alors ils tiraient dessus en rafales. D’autres les ont insultés. J’ai entendu des “Connards”, “Bande d’enculés”. Et ils leur tiraient dessus. Ils tiraient de façon méthodique. Ils ont parlé assez fort mais de façon posée. J’ai entendu : “C’est la faute de François Hollande et de ses frappes en Syrie. Vous avez voté pour lui.” » Son ami Anthony, 33 ans, aperçoit des gens qui essayent de se lever. « Ils les abattent. » Lui ferme les yeux et fait le mort. « Une femme crie que son copain est mort. Ils l’abattent. » Le sol est une piscine de sang. Des lambeaux de chair se sont répandus. Un homme à côté de Cécile la soutient comme il peut : « Courage. Il faut faire le mort. » (Le Monde du 16 novembre 2017)
Sur les centaines de tweets que nous avons ramassés ce soir-là, en voici une douzaine qui rendent compte de la sidération et de la confusion qui se sont emparées des Français :
Allisson FQSP©
Les spectateurs du stade de France sifflent sans comprendre le match a repris problème à la sortie un corps déchiqueté a été retrouvéNain Portekoi
Tu passes une bonne soirée, tu rentres chez toi, tu allumes la radio, tu vis un cauchemar.julien sartre
Rue de Charonne les policiers crient "rentrez chez vous, à l’abri, ils sont encore dans la rue !!"Philippe Corbé
Au moins 13 morts rue Bichat et une quinzaine de morts près du Bataclan #EditionSpecialeRTLNicolas Demorand
18 morts selon la @prefpolice plus prise d’otages au Bataclan. Mais PUTAIN DE MERDE !!!canyourepeat !?
Louis, présent au #Bataclan avec sa mère témoigne sur @franceinfo : "ils ont crié Allah Akbar et ont tiré sur la foule" #paris #fusilladeEL ЯAFA
Il y aurait une centaine d’otages au Bataclan #fusilladeStalker
"Selon un policier, le bilan pourrait atteindre les 100 morts ..... !"Mabrouk Sonia
Le plan Rouge Alpha déclenché, plan multi-attentats lors d’attaques massives. La France entre dans une nouvelle èrePauline Lallement
Mehdi rescapé :"ils étaient organisés lorsque l’un tirait lautre rechargait." @ParisMatchGuillaume Auda
D’après le préfet de police de Paris , 4 terroristes au #bataclan avaient des ceintures d’explosif qu’ils ont actionné lors de l’assautJSSNews
Vidéo : #Netanyahu avait prédit des attaques musulmanes contre la #France… http://goo.gl/fb/KS7jrE #occidentHaziza Frédéric
Plus de 100 morts à Paris : qui pourra encore dire que nous sommes pas en guerre contre les #barbares #nazislamistes ?
Nous étions en poste ce soir-là et avons appris les premiers faits sur Twitter, juste après 21h, avec les « pétards » du Stade de France. Puis, très vite, les tirs, les morts, les infos – invérifiables –, les bilans – fluctuants –, les premiers témoignages bruts de l’intérieur du Bataclan (ensuite ceux qui allumaient leur portable se faisaient abattre), les prises de position politiques, le déchaînement de soutien et de rage, et enfin le bilan officiel, le discours du président de la République, et le début de l’enquête.
François Hollande à 23h54 (alors que l’assaut au Bataclan n’est pas terminé) : « Nous savons d’où elle vient, qui sont ces criminels, qui sont ces terroristes… Il y a effectivement de quoi avoir peur, il y a l’effroi. »
Deux ans après, Salah Abdeslam campant sur son mutisme, les familles des 130 victimes, les 495 blessés et les Français n’en savent toujours pas plus sur cette soirée de cauchemar. Certes, il y a eu un rapport officiel de 341 pages, que nous avons lu scrupuleusement, mais que la plupart des Français n’ont pas lu. Ce texte est le résultat de l’enquête de la commission parlementaire menée par deux députés, l’un de gauche (Pietrasanta), l’autre de droite (Fenech), scellant ainsi une sorte d’union sacrée devant le danger « terroriste ». Un terrorisme aveugle, aveuglant, et toujours sans revendications.
Vincent Hervouët, chef du service étranger de TF1, à 0h22 : « Il y a aucun chantage aucune revendication. »
Un terrorisme apolitique qui ne fait qu’augmenter le ressentiment contre – par ordre décroissant – les djihadistes, les islamistes, et en fin de compte les musulmans, qu’ils soient au Proche-Orient ou en France.
mathieu Kassovitz
Mes amis musulmans. Descendez dans la rue et faites vous entendre. Sinon vous méritez l’amalgame dont vous êtes victime.
Une opération qui n’a pas vraiment servi les intérêts de Daech, qui a revendiqué l’attentat via son agence de « communication ». Daech, ce faux nez d’intérêts croisés entre Saoudiens, Israéliens, Britanniques et Américains. Les Français, sous la férule du trio de choc Hollande-Valls-Fabius, ont eux pris fait et cause pour les « rebelles » d’Al-Nosra en Syrie. Une façon de prendre tous les Français en otages. Les responsables des attentats multi-sites du 13 novembre 2015 étant morts, à l’exception de Salah Abdeslam, on peut dire qu’il s’agit d’une affaire irrésolue, ou sans commanditaire précis, et dont l’enquête a été officiellement gelée puis enterrée. Comme ses 130 victimes.
On ne reviendra pas sur les nombreux témoignages « glaçants » – terme à la mode chez les journalistes à sensation – des survivants, sur les hypothèses des uns et des autres qui vont de l’attentat « nazislamiste » pour l’axe BHL-Haziza-Valls à l’opération de « services » pour les sceptiques. Nous n’avons pas de preuves, uniquement des zones d’ombre, et on ne construit rien sur des zones d’ombre. Pourtant, elles sont nombreuses, comme pour l’attentat contre Charlie Hebdo, et elles s’accumulent. Donnant l’impression que la version officielle, pour tenir, est elle aussi obligée de fluctuer dans le temps. Si l’on veut bien admettre que la rationalité et la précision sortent rarement indemnes d’un acte de guerre à 130 morts et 500 blessés, plus le choc national qui en résulte, le bruit et la fumée mettant parfois des mois à retomber, on se doit de relever les éléments qui ne collent pas dans le discours officiel.
Nous en avons choisi deux en conflit, le témoignage brut d’un des otages de la prise d’otages du Bataclan, de ceux qui ont été gardés plus d’une heure par les deux terroristes survivants (le troisième ayant été abattu par un seul commissaire entré dans la salle, alors que des Sentinelle armés de Famas restaient l’arme au pied), et celui du patron du RAID à l’époque, Jean-Michel Fauvergue. De cette expérience traumatisante, même pour un dur à cuire habitué aux situations sanglantes, Fauvergue a tiré un livre, qui lui vaudra d’ailleurs convocation chez le ministre de l’Intérieur – Cazeneuve à l’époque – et mise à pied immédiate. Il était le samedi 21 octobre 2017 l’invité de Laurent Ruquier dans ONPC.
Nous sommes à 9’46 de l’entretien, Ruquier « attaque » l’intervention du RAID au Bataclan devant son invité :
La séquence qui nous intéresse :
« On doit monter à l’assaut des deux terroristes qui sont bardés d’explosifs »
Il faut savoir que le RAID et la BRI se sont partagés le travail dans la salle de concert, le RAID sécurisant le bas, la BRI partant à l’étage, là où se trouvent encore des spectateurs apeurés, cachés dans les travées et derrière toutes les portes possibles, et enfin les deux terroristes tenant une quinzaine d’otages. Quand Fauvergue dit « on » pour l’assaut, c’est en fait la BRI avec deux colonnes de 20 hommes qui grimpent prudemment les escaliers de gauche et de droite, libérant au fur et à mesure de leur avancée les spectateurs intermédiaires cachés, atterrissant enfin devant la dernière porte, celle de l’assaut final.
En voici le descriptif par Christophe Molmy, le patron de la BRI (source Le Figaro du 24 novembre 2015) :
La première mobilisée est la force d’intervention rapide (FIR). Une unité de quinze hommes, imaginée par la BRI après le braquage du joaillier Cartier sur les Champs-Élysées en novembre 2014, et créée au lendemain de la prise d’otages de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes.
[…]
Il est 22 heures. En route vers la rue de Charonne, ils rebroussent chemin après cinq minutes. Des informations indiquent « un carnage » au Bataclan. Seule la deuxième FIR continue vers Charonne. Les équipes arrivent à 22h15 au Bataclan.
[…]
Un commissaire de la BAC a pu tuer l’un des trois terroristes qui se trouvait près de la scène, et « figer l’action ».
[…]
À cet instant, dans cette salle du bas, les policiers ignorent où sont les autres terroristes. « Il faut alors agir prudemment, explique le chef de la BRI, on ne sait pas si un terro est planqué, prêt à nous canarder, ou s’ils ont mis une ceinture d’explosifs à un otage ». Du temps est nécessaire pour « investiguer les lieux et les sécuriser avant de monter à l’étage », dit-il. Il est 22h30. Ses hommes sont alors une trentaine, rejoints par la deuxième FIR.
[…]
À 22 h 45, le reste de l’équipe arrive : deux douzaines d’hommes, plus les effectifs des PC, pour la logistique et la technique. Le Raid arrive aussi.
[…]
Peu avant 23 heures, les rôles sont répartis. Le Raid reste dans la fosse, « pour nous couvrir », explique Christophe Molmy, tandis que deux équipes de 20 hommes de la BRI montent à l’étage. Une colonne par l’escalier de droite, une autre par celui de gauche. Douze tireurs d’élite se positionnent à l’extérieur, avec en vue les deux façades du Bataclan. À l’intérieur, la progression est longue. L’accès au couloir à l’étage prend 15 minutes. Un dépiégeur d’assaut doit vérifier chaque porte avant de la franchir, et des grappes de gens se trouvent derrière chacune d’elles, dans chaque recoin. Des gens « apeurés, blessés » qu’il faut évacuer au fur et à mesure, à chaque mètre gagné dans la pénombre. L’avancée des forces est d’autant plus ralentie que les otages, parfois « sidérés », « n’obéissent pas toujours aux consignes ». Et toujours ce silence, sans aucun tir.
[…]
À 23h15, arrivés devant une énième porte, les hommes de la BRI entendent enfin du bruit. Quelqu’un hurle. Un otage sert de porte-voix aux deux terroristes retranchés au fond du couloir. « C’est seulement à ce moment-là qu’on sait qu’il y a deux kamikazes avec des otages », indique Christophe Molmy. Une vingtaine peut-être. « Ils nous demandent de partir, sans quoi ils tueront, poursuit-il. Ils portent des ceintures d’explosifs, ils communiquent un numéro de portable ».
[…]
Les policiers leur demandent de relâcher les femmes et les enfants. « Ils refusent, sont super-instables, ils ne veulent rien lâcher, il n’y a pas de négociation possible », dit Christophe Molmy. Il sort de la colonne, à 23h35. Pour rejoindre le PC à l’extérieur et demander l’autorisation d’assaut auprès de son directeur et du préfet de police. Il l’obtient à 23h45.
[…]
Nouveau coup de fil à 00h18. Alors l’assaut final est lancé. Sans explosif, en poussant la porte. Les terroristes canardent aussitôt les policiers protégés par le bouclier « Ramsès ». Ce dernier essuie des tirs à hauteur d’homme, les otages évitent donc les balles en se jetant à terre. Les terroristes reculent. Mais le bouclier chute en avant, sous l’effet d’une marche ratée. Les deux policiers en tête de colonne se retrouvent sans protection. L’un d’eux tire sur un terroriste, dont la ceinture explose à l’avant, pas à l’arrière, remarquent les policiers. L’autre déclenche alors la sienne. Les otages sont indemnes. Seul un homme de la BRI est touché à la main, par le ricochet d’une balle.
Un descriptif relativement cohérent avec la version officielle du fameux rapport parlementaire (page 53 et suivantes), sauf en ce qui concerne l’exfiltration des otages « les uns après les autres » :
À 23h09, M. Jean-Michel Fauvergue, chef du RAID, arrive au Bataclan avec une colonne d’assaut. À l’occasion de son audition, celui-ci a indiqué s’y être rendu d’initiative, ce qu’a réfuté devant la commission d’enquête le directeur général de la police nationale, M. Jean-Marc Falcone. Une fois sur place, il prend immédiatement contact avec le chef de la BRI de Paris : « Nous nous répartissons les missions de façon simple : je prends le bas, il prend le haut ». Un tireur de précision – ou sniper – du RAID accompagne la colonne de la BRI à l’étage.
[…]
À 23h15 également, la progression de la BRI, dans les étages, est stoppée devant une porte close, derrière laquelle se trouvent les deux membres du commando terroriste et une douzaine d’otages. Les premiers demandent d’abord, par le truchement d’un otage, le départ des policiers, requête à laquelle ceux-ci disent ne pouvoir donner suite. Puis, la colonne de la BRI obtient, par l’intermédiaire d’un ou plusieurs otages, un numéro de téléphone : « c’est le coup de téléphone du négociateur à ce numéro qui est le premier contact avec les terroristes, lesquels l’ont rappelé ensuite à plusieurs reprises » a précisé M. Christophe Molmy lors de son audition. Le premier des cinq échanges téléphoniques a lieu à 23h27, les suivants à 23h29, 23h48, 0h05 et 0h18.
[…]
À 0h18, l’assaut est donné, sur autorisation du préfet de police de Paris, par les fonctionnaires de la BRI de Paris, soutenus par les effectifs du RAID, positionnés au rez-de-chaussée. Progressant, dans un couloir très étroit, sous le feu des Kalachnikov, la colonne enjambe les otages, bouclier tactique en tête, et les exfiltre les uns après les autres jusqu’à parvenir à neutraliser les deux terroristes et à libérer tous les otages, vivants. Au cours de l’assaut, l’un des kamikazes réussit à actionner son gilet explosif. Un policier de la BRI est grièvement blessé.
Confirmation là encore de ce dernier événement par RMC qui, ce lundi 13 novembre 2017, révèle que le téléphone d’une des otages a été utilisé par un des kamikazes, en l’occurrence Foued Mohamed Aggad. Il a appelé sa mère 5 minutes avant l’assaut de 0h18 pour lui dire qu’il allait « bientôt rencontrer Allah ». C’est cet homme dont la charge explosera.
Voici la reconstitution rapide de l’opération au Bataclan en 3D par le journal de France 2 :
Pourtant, il est un témoignage de l’intérieur de la pièce des 15 otages menacés par les deux terroristes qui contredit cette version officielle :
Le comportement erratique des deux derniers terroristes ne cadre pas avec le calme et la détermination des trois tueurs de la fosse, « froids » et « sereins » (voir le premier témoignage en haut de l’article). Ils improvisent, tergiversent, mais ne tuent personne dans le local. Ils se feront abattre non sans résistance mais sans commettre d’autres crimes. De plus, le témoin précise qu’il n’a pas vu de ceintures d’explosifs (à 13’03) :
« Ensuite il y a Ismaël donc celui qui est, dont je me souviens le visage, et qui est mort ensuite, c’est un des deux, qui demande à quelqu’un “qui a du feu”. Donc comme j’avais mon briquet dans la poche, voilà donc, quelque part je me sacrifie parce que je sais pas ce qu’il va faire avec ce briquet-là, je sais pas s’il va allumer une dynamite, allumer sa ceinture explosive que je n’ai jamais vue, mais enfin bon, paraît-il qu’ils avaient des ceintures d’explosifs… »
Le même témoin raconte l’assaut final, toujours de l’intérieur de la dernière salle, insiste sur l’amateurisme des tueurs, et « se demande encore pourquoi ils nous ont pas tués », ce qui interpelle également l’intervieweuse (à 5’03) :
Et à 9’25, ce témoin ne comprend pas pourquoi son expérience ne cadre pas avec la description officielle par les médias, qui sera aussi celle du rapport parlementaire. Seule explication rationnelle selon lui et les autres survivants : une « descente » de Captagon...
Comment ces mêmes hommes ont pu commettre une tuerie aussi implacable dans la fosse et perdre leurs moyens lors de la prise d’otages ? Étaient-ce vraiment les mêmes ? Pourquoi ont-ils si radicalement changé en un temps aussi court ?
Cette contradiction rappelle les témoignages sur le commando des terrasses, venu peu avant le commando du Bataclan apporter la mort devant les cafés bondés : certains ont certifié avoir vu des tueurs froids et déterminés, d’autres des kamikazes erratiques.
Plus qu’un attentat aveugle, il s’agit d’un attentat destiné à aveugler, à choquer la population et à brouiller l’entendement. Chose réussie puisque deux ans après, rien n’est clair dans le déroulement de cette terrible soirée du 13 novembre.
Jean-Michel Fauvergue est aujourd’hui député LREM de Seine-et-Marne.
#Terrorisme "Les terroristes passent à l'acte avec des moyens low-costs : des camions par exemple" Jean-Michel Fauvergue #GGRMC
— Les Grandes Gueules (@GG_RMC) 2 novembre 2017