La Grande-Bretagne est le pays aux quatre millions de caméras de surveillance et où la police a le droit, sans mandat judiciaire, de capturer et de lire en temps réel le courrier électronique des citoyens. Elle présente aussi la particularité selon laquelle les législations antiterroristes précèdent les attentats auxquels elles sont censées répondre. Ainsi, elle fut le premier pays à adopter une loi antiterroriste de la nouvelle génération : The Terrorism Act 2000. Par rapport aux législations anciennes, destinées à lutter contre l’IRA, la nouvelle loi prend des mesures qui limitent les libertés de l’ensemble des citoyens. The Terrorism Act 2000 présente un caractère directement politique et crée un délit d’intention. Ce qui spécifie un acte terroriste est le fait qu’il est accompli dans l’intention de faire pression sur le gouvernement ou sur une administration. Cette loi permet ainsi de criminaliser tout mouvement social. Elle a servi de modèle à la Décision-cadre de l’Union européenne relative au terrorisme, intégrée maintenant dans les codes pénaux des Etats membres, dont la Belgique.
En février 2001, sept mois avant les attentats aux Etats-Unis, le gouvernement Blair a fait adopter The Terrorism Act 2001. Cette loi permet, comme le Patriot Act américain, l’incarcération indéfinie, sans jugement ni inculpation, d’étrangers simplement soupçonnés de terrorisme. L’absence de preuves contre les individus emprisonnés et ainsi l’impossibilité de les présenter devant un tribunal, explique le caractère administratif de leur détention.
En décembre 2004, la Cour d’Appel de la Chambre des Lords, la plus haute instance judiciaire britannique, a condamné cette détention administrative illimitée, en la considérant comme contraire à la Convention européenne des droits de l’Homme. Le jugement considérait également comme discriminatoire la différence de traitement entre nationaux et étrangers.
La fin de l’habeas corpus :
Le gouvernement a utilisé ce jugement pour légitimer la généralisation de dispositions d’exception à l’ensemble de la population. The Prevention of Terrorism Act, voté en mars 2005, permet au ministre de l’Intérieur de prendre des mesures de contrôle pouvant conduire au placement d’un bracelet électronique ou aux arrêts domiciliaires d’une personne, lorsqu’il soupçonne que celle-ci est "impliquée dans une action liée au terrorisme". Il peut également lui interdire l’utilisation d’un téléphone mobile, limiter son accès au Net, l’empêcher d’avoir des contacts avec certaines personnes, autoriser la police et les services secrets à avoir accès à tout moment à son domicile. Ces dispositions peuvent être prises, en l’absence de tout élément de preuve, sur base d’un simple avis donné par les services secrets.
Ce qui justifie ces mesures prises c’est le soupçon qui porte sur la personne ou l’intention qui lui est attribuée. Le champ d’application de la loi est quasiment illimité et incontrôlable.
The Prevention of Terrorism Act se présente comme non discriminatoire, puisqu’il concerne tout autant les citoyens britanniques que les étrangers. La suppression de l’habeas corpus est généralisée à l’ensemble de la population. Cette loi donne au ministre de l’intérieur des prérogatives de magistrat. Une personne est désignée comme terroriste par un certificat établi par un représentant du pouvoir exécutif. Ce dernier ne doit, à aucun moment, justifier une décision qui s’applique à de simples suspects.
Des délits "d’insouciance" et "d’atmosphère" :
En mars 2006, la Chambre des Lords a voté une nouvelle loi antiterroriste, the Terrorism Act 2006 qui crée les nouvelles infractions d’incitation indirecte et de glorification du terrorisme. Ces incriminations ne requièrent pas qu’il y ait intention de pousser d’autres personnes à commettre des actes criminels. Ces délits existent si une personne, qui publie une déclaration est simplement "insouciante" quant à la possibilité que son discours soit ou non compris comme un encouragement au terrorisme. La personne qui parle est donc responsable de la manière dont ses déclarations peuvent être reçues, quelle que soit son intention. Il n’est pas non plus nécessaire qu’il y ait un lien matériel entre le contenu du discours prononcé, par exemple des paroles de soutien à la résistance palestinienne, et les actes qu’elles ont "incités", par exemple la pose de bombes dans le métro de Londres. Pour être poursuivi, il suffit qu’un tribunal estime que ces paroles ont créé un "climat", une "atmosphère" favorable au terrorisme.
La fin du politique :
Cette loi représente un nouveau pas en avant dans la capacité offerte au gouvernement britannique de criminaliser ses opposants politiques. Il instaure également une solidarité entre pouvoirs constitués en criminalisant tout acte de résistance armée ou toute action de solidarité matérielle et de soutien, verbal ou écrit, vis-à-vis de personnes qui défendent ou qui ont défendu de tels actes. Se positionner différemment du gouvernement britannique en ce qui concerne un conflit violent partout dans le monde peut devenir un délit. Quiconque commet un de ces délits à l’extérieur du Royaume-Uni peut être poursuivi par un tribunal britannique. Cette disposition ne concerne pas seulement les nationaux, mais toute personne impliquée, quelle que soit sa nationalité.
Ainsi, the Terrorism Bill 2006 a un caractère directement impérial. Sa portée est immédiatement globale. Il donne au pouvoir exécutif et aux tribunaux britanniques le pouvoir, non seulement de criminaliser toute forme de soutien à un mouvement social, à une action destinée à faire pression sur le gouvernement anglais, mais aussi de déterminer ce qui est bon et ce qui mauvais partout dans le monde. Cette loi nie l’essence même du politique. Il n’y a plus de conflits d’intérêts, mais une lutte mondiale du bien contre le mal.
Le recul des libertés en Grande-Bretagne ne semble pas terminé.
Paradoxalement, Tony Blair a déclaré que, jusqu’à présent, la politique, consistant à faire passer les libertés civiles devant les exigences de la sécurité nationale, était "une erreur". Une nouvelle loi antiterroriste, défendue également par Gordon Brown, devrait donner à la police plus de pouvoirs pour contrôler les individus ainsi que la capacité d’incarcérer administrativement, pour une période de 3 mois au lieu de 28 jours actuellement, toute personne soupçonnée de terrorisme, mais contre laquelle il n’y a pas le moindre début de preuve ou un simple indice matériel.
Jean-Claude Paye / auteur de Global War on Liberty. Telos Press Publishing. 2007
Source : http://lejournal.euskalherria.com
En février 2001, sept mois avant les attentats aux Etats-Unis, le gouvernement Blair a fait adopter The Terrorism Act 2001. Cette loi permet, comme le Patriot Act américain, l’incarcération indéfinie, sans jugement ni inculpation, d’étrangers simplement soupçonnés de terrorisme. L’absence de preuves contre les individus emprisonnés et ainsi l’impossibilité de les présenter devant un tribunal, explique le caractère administratif de leur détention.
En décembre 2004, la Cour d’Appel de la Chambre des Lords, la plus haute instance judiciaire britannique, a condamné cette détention administrative illimitée, en la considérant comme contraire à la Convention européenne des droits de l’Homme. Le jugement considérait également comme discriminatoire la différence de traitement entre nationaux et étrangers.
La fin de l’habeas corpus :
Le gouvernement a utilisé ce jugement pour légitimer la généralisation de dispositions d’exception à l’ensemble de la population. The Prevention of Terrorism Act, voté en mars 2005, permet au ministre de l’Intérieur de prendre des mesures de contrôle pouvant conduire au placement d’un bracelet électronique ou aux arrêts domiciliaires d’une personne, lorsqu’il soupçonne que celle-ci est "impliquée dans une action liée au terrorisme". Il peut également lui interdire l’utilisation d’un téléphone mobile, limiter son accès au Net, l’empêcher d’avoir des contacts avec certaines personnes, autoriser la police et les services secrets à avoir accès à tout moment à son domicile. Ces dispositions peuvent être prises, en l’absence de tout élément de preuve, sur base d’un simple avis donné par les services secrets.
Ce qui justifie ces mesures prises c’est le soupçon qui porte sur la personne ou l’intention qui lui est attribuée. Le champ d’application de la loi est quasiment illimité et incontrôlable.
The Prevention of Terrorism Act se présente comme non discriminatoire, puisqu’il concerne tout autant les citoyens britanniques que les étrangers. La suppression de l’habeas corpus est généralisée à l’ensemble de la population. Cette loi donne au ministre de l’intérieur des prérogatives de magistrat. Une personne est désignée comme terroriste par un certificat établi par un représentant du pouvoir exécutif. Ce dernier ne doit, à aucun moment, justifier une décision qui s’applique à de simples suspects.
Des délits "d’insouciance" et "d’atmosphère" :
En mars 2006, la Chambre des Lords a voté une nouvelle loi antiterroriste, the Terrorism Act 2006 qui crée les nouvelles infractions d’incitation indirecte et de glorification du terrorisme. Ces incriminations ne requièrent pas qu’il y ait intention de pousser d’autres personnes à commettre des actes criminels. Ces délits existent si une personne, qui publie une déclaration est simplement "insouciante" quant à la possibilité que son discours soit ou non compris comme un encouragement au terrorisme. La personne qui parle est donc responsable de la manière dont ses déclarations peuvent être reçues, quelle que soit son intention. Il n’est pas non plus nécessaire qu’il y ait un lien matériel entre le contenu du discours prononcé, par exemple des paroles de soutien à la résistance palestinienne, et les actes qu’elles ont "incités", par exemple la pose de bombes dans le métro de Londres. Pour être poursuivi, il suffit qu’un tribunal estime que ces paroles ont créé un "climat", une "atmosphère" favorable au terrorisme.
La fin du politique :
Cette loi représente un nouveau pas en avant dans la capacité offerte au gouvernement britannique de criminaliser ses opposants politiques. Il instaure également une solidarité entre pouvoirs constitués en criminalisant tout acte de résistance armée ou toute action de solidarité matérielle et de soutien, verbal ou écrit, vis-à-vis de personnes qui défendent ou qui ont défendu de tels actes. Se positionner différemment du gouvernement britannique en ce qui concerne un conflit violent partout dans le monde peut devenir un délit. Quiconque commet un de ces délits à l’extérieur du Royaume-Uni peut être poursuivi par un tribunal britannique. Cette disposition ne concerne pas seulement les nationaux, mais toute personne impliquée, quelle que soit sa nationalité.
Ainsi, the Terrorism Bill 2006 a un caractère directement impérial. Sa portée est immédiatement globale. Il donne au pouvoir exécutif et aux tribunaux britanniques le pouvoir, non seulement de criminaliser toute forme de soutien à un mouvement social, à une action destinée à faire pression sur le gouvernement anglais, mais aussi de déterminer ce qui est bon et ce qui mauvais partout dans le monde. Cette loi nie l’essence même du politique. Il n’y a plus de conflits d’intérêts, mais une lutte mondiale du bien contre le mal.
Le recul des libertés en Grande-Bretagne ne semble pas terminé.
Paradoxalement, Tony Blair a déclaré que, jusqu’à présent, la politique, consistant à faire passer les libertés civiles devant les exigences de la sécurité nationale, était "une erreur". Une nouvelle loi antiterroriste, défendue également par Gordon Brown, devrait donner à la police plus de pouvoirs pour contrôler les individus ainsi que la capacité d’incarcérer administrativement, pour une période de 3 mois au lieu de 28 jours actuellement, toute personne soupçonnée de terrorisme, mais contre laquelle il n’y a pas le moindre début de preuve ou un simple indice matériel.
Jean-Claude Paye / auteur de Global War on Liberty. Telos Press Publishing. 2007
Source : http://lejournal.euskalherria.com