Hier, lors d’une conférence du Forum Economique et Mondial de Davos, un panel d’experts a contredit la notion que l’Europe en avait fini avec la crise l’Europe. Les 5 participants ont estimé que la crise de l’euro n’était pas terminée et que la zone euro était engluée dans une trappe de la dette nourrie par la faible croissance, et qu’elle risquait de se retrouver marginalisée dans l’économie mondiale, à la traîne derrière la Chine et les États-Unis.
Axel Weber, l’ancien chef de la Bundesbank, a déclaré que les problèmes sous-jacents continuaient de s’envenimer, et que la région pourrait subir une nouvelle attaque des marchés financiers cette année :
« L’Europe est menacée. Je suis toujours très préoccupé. Les marchés vont mieux, mais la situation économique de la plupart des pays ne s’est pas améliorée. (…) Les marchés ignorent actuellement les risques, en particulier dans la périphérie. Je m’attends à ce qu’un certain nombre de banques ne parviennent pas à passer les stress-tests malgré la pression politique. Lorsque cela deviendra évident, il y aura une réaction financière des marchés ».
(Les taux d’intérêt à 10 ans sur les obligations d’État des pays du Sud de l’Europe ont chuté de façon spectaculaire. Les investisseurs semblent avoir oublié leurs difficultés et ils achètent massivement de la dette de ces pays. Les taux pour l’Espagne et l’Italie sont désormais en deçà des 4%, le Portugal est à 5%, et même la Grèce est à 8%. Mercredi, l’Espagne a lancé une nouvelle émission obligataire de 10 milliards d’euros, pour profiter du nouveau succès de ses obligations. Elle a recueilli quatre fois plus d’ordres).
L’éminent économiste de Harvard, Kenneth Rogoff, a déclaré que le lancement de l’euro a été une « gigantesque erreur historique » et qu’il fallait désormais mettre en place une forme d’union fiscale et une union bancaire pour la faire fonctionner, et il a déploré que les dirigeants de la zone euro refusent toujours de prendre ces mesures.
« Les gens ne craignent plus la dislocation de l’euro, mais le chômage des jeunes est vraiment épouvantable. Ils ne peuvent plus le négliger pendant encore 5 autres années », a estimé Rogoff. « L’Europe a gaspillé la ressource rare de sa jeunesse, dont elle a désespérément besoin pour fortifier sa société vieillissante au moment où ses tendances démographiques pénalisantes commencent à se faire sentir ».
L’économiste pense qu’une restructuration de la dette dans la périphérie est inévitable. Plus les dirigeants de la zone euro lutteront contre la crise avec des demi-mesures, plus les dégâts qu’elles causeront à la société européenne seront importants, dit-il.
Axel Weber a averti les dirigeants de l’UE qu’ils ne devaient pas se bercer « d’illusions dangereuses », ou se satisfaire de la reprise économique :
« Les choses ont l’air d’aller mieux qu’elles ne vont en réalité. La reprise est trop faible pour créer des emplois. Il n’est même pas question d’une amélioration de la situation : les niveaux de la croissance, de l’emploi, et le PIB, sont bien pires qu’avant la crise », a-t-il rappelé.
Cependant, Pierre Nanterme, qui dirige le bureau français du cabinet Accenture, estime que l’Europe est en train de perdre la grande bataille pour la compétitivité et qu’elle risque de se retrouver dans une récession permanente :
« Beaucoup de choses sont en jeu. Si dans les 12 à 24 prochains mois, aucune mesure radicale n’est prise pour rompre le sort, ce n’est pas cinq ou dix années de croissance molle qui nous attendent en Europe, mais 20 ans », a-t-il déclaré.