« Compte tenu de la nécessité d’assurer la sécurité alimentaire », le gouvernement sri-lankais a réintroduit des « intrants chimiques dont le besoin est urgent » pour son agriculture, six mois après le lancement d’un programme visant au tout biologique.
La fin de l’exemple sri-lankais ? L’île du sous-continent indien a annoncé ce 21 novembre la levée immédiate de l’interdiction d’importer des pesticides et d’autres intrants agricoles, abandonnant au moins temporairement son programme visant à devenir le premier producteur mondial d’aliments 100 % biologiques, à peine six mois après son lancement. En cause, un risque imminent pour sa sécurité alimentaire.
« Nous autoriserons désormais les intrants chimiques dont le besoin est urgent », a déclaré le secrétaire du ministère Udith Jayasinghe à la chaîne de télévision privée News First, avant la tenue de manifestations d’agriculteurs à Colombo, la capitale économique du pays. « Compte tenu de la nécessité d’assurer la sécurité alimentaire, nous avons pris cette décision », a-t-il expliqué, annonçant la levée de la large interdiction de tous les produits agrochimiques, y compris les herbicides et les pesticides.
En pleine crise économique, le Sri Lanka est notamment victime d’une sévère chute de ses réserves de devises, entraînant des pénuries de vivres, de pétrole brut et d’autres produits essentiels. Les réserves de changes du pays sont tombées à 2,3 milliards de dollars fin octobre, contre 7,5 milliards de dollars lorsque le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir il y a près de deux ans.
Par ailleurs, les pénuries se sont aggravées à la mi-novembre, les prix du riz, des légumes et d’autres produits de base ayant doublé dans tout le pays. Les supermarchés ont également rationné les ventes de riz, n’autorisant que cinq kilos par client.
De vastes étendues de terres agricoles ont été abandonnées après l’interdiction d’importation, introduite pour la première fois en mai, pour permettre de rendre l’agriculture sri-lankaise 100 % biologique, selon le président Gotabaya Rajapaksa. Cette politique a été mise en place car l’économie de l’île, à court d’argent, a été durement touchée par la pandémie de Covid-19, les recettes du tourisme et les envois de fonds des travailleurs étrangers ayant considérablement diminué.
L’industrie du thé sévèrement touchée
Pour tenter d’enrayer cette spirale infernale, les autorités avaient déjà levé en octobre les restrictions sur les importations d’engrais pour le thé, principal produit d’exportation du pays. Le gouvernement du Sri Lanka avait lui-même importé des engrais (30 000 tonnes de chlorure de potassium arrivées de Lituanie), biologiques selon lui, mais chimiques d’après des scientifiques, en contradiction avec sa propre interdiction à l’origine des grandes difficultés du secteur agricole.
« L’interdiction inattendue a plongé l’industrie du thé dans le désarroi le plus total », avait expliqué en septembre à l’AFP le producteur Herman Gunaratne, membre d’un groupe de 46 experts choisis par le président Rajapaksa pour lancer sa révolution biologique, avant d’en être écarté pour avoir émis des doutes sur la pertinence du projet. « Les conséquences pour le pays sont invraisemblables. [...] Si nous passons au tout biologique, nous perdrons 50 % de la récolte, [mais] les prix eux n’augmenteront pas de 50 % », ajoutait-il. « Si l’interdiction est maintenue, la récolte commencera à s’effondrer dès octobre et nous verrons les exportations sérieusement affectées en novembre ou décembre », anticipait au même moment avec justesse Sanath Gurunada, autre important producteur de thé de l’État insulaire.
Le Sri Lanka a également fermé sa seule raffinerie de pétrole le 15 octobre après avoir manqué de dollars pour importer du brut. Le ministre de l’Énergie Udaya Gammanpila avait précisé que c’était la première fois que la raffinerie de Sapugaskanda était fermée depuis sa construction par l’Iran en 1969, ajoutant que le pays envisageait d’importer de l’essence et du diesel raffinés pour faire des économies.