C’est dans « le Monde » daté de demain, sur une pleine page 3, « Godard et la question juive » : « Dans son nouveau livre, l’écrivain et cinéaste Alain Fleischer accuse Jean-Luc Godard d’avoir tenu des propos antisémites. » Rien que ça ? Rien que ça.
Le livre en question, « Courts-circuits » (le Cherche Midi), n’a pourtant rien d’un pamphlet : c’est un assez habile labyrinthe romanesque fondé sur le principe de « la Ronde » d’Arthur Schnitzler, où l’on fait le tour du monde en glissant d’un personnage à un autre et où, partout, l’obsession sexuelle fait figure de moteur universel.
Cela n’empêche pas son auteur, qui avait filmé le cerveau de la Nouvelle Vague en 2006 pour en tirer ses « Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard », de se débrouiller pour glisser ces propos dans la bouche du réalisateur de « Pierrot le fou » :
« Les attentats-suicides des Palestiniens pour parvenir à faire exister un Etat palestinien ressemblent en fin de compte à ce que firent les juifs en se laissant conduire comme des moutons et exterminer dans les chambres à gaz, se sacrifiant ainsi pour parvenir à faire exister l’Etat d’Israël. »
Et « le Monde » de rappeler que Jean-Luc Godard est « coutumier de ce genre de provocations », qui, en apôtre zélé de la cause palestienne, avait notamment déclaré dans « Notre musique » (2004) que « le peuple juif rejoint la fiction tandis que le peuple palestinien rejoint le documentaire ».
La phrase qui, cette fois, met le feu aux poudres, semble bien de la même eau. Et qu’elle figure ici dans un roman n’y change rien. Elle aurait été prononcée par Godard « avec un petit sourire, pour voir l’effet », maintient Fleischer, qui dit l’avoir « entendu dire des choses pire encore » :
« J’ai voulu révéler cela parce que c’est un monsieur âgé et je crois qu’il vaut mieux soulever le lièvre quand il est vivant. »
Est-ce si sûr ? Le cinéaste d’« A bout de souffle » et du « Mépris » reste pour l’instant muet comme une tombe.