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Alain de Benoist : "Emmanuel Macron est tout le contraire d’un populiste !"

Entretien de Nicolas Gauthier avec Alain de Benoist pour Boulevard Voltaire.

 

Nicolas Gauthier : Emmanuel Macron comme Donald Trump : le phénomène est plus intéressant que le personnage lui-même. Comment expliquer l’actuel phénomène Macron, qui se veut candidat hors système, alors qu’il est justement un pur produit du système ?

Alain de Benoist  : On peut facilement ironiser sur le personnage. Le petit Mickey travesti en Rastignac, la petite chose qui veut se faire aussi grosse qu’un président, le Micron transformé en Maqueron, le Ken du couple Ken et Barbie, le télévangéliste christique débitant à chacun les niaiseries qu’il veut entendre. Mais tout cela ne cerne qu’imparfaitement le phénomène.

Ce qui frappe d’abord, c’est qu’Emmanuel Macron est le premier candidat postmoderne que l’on ait jamais vu se présenter à l’élection présidentielle. Les arguments raisonnés, les promesses lyriques, les démonstrations destinées aux électeurs, tout cela faisait encore partie de la modernité. Avec la postmodernité, on est dans l’affect à l’état pur, dans l’émotion, l’amour, l’extase. Le sentiment submerge tout, comme dans le discours des gourous.

Certains reprochent à Macron de n’avoir pas de programme et de multiplier les déclarations contradictoires. Mais on perd son temps à s’indigner ou à vouloir lui répondre. En régime postmoderne, les contradictions n’ont aucune importance, et ce n’est pas avec des programmes que l’on conquiert l’opinion. C’est avec des postures et des incantations. Ce ne sont pas les mots qui comptent, mais le métalangage, pas le réel mais le plus-que-réel, pas le textuel mais l’hypertextuel. En recourant à des stratégies narratives, à des mécanismes persuasifs fondés sur ce que lui indiquent les algorithmes, Macron ne cherche à convaincre que d’une chose : qu’il faut communier avec lui, fusionner avec lui, qu’il faut l’aimer autant qu’il s’aime lui-même (« Parce que je veux être Président, je vous ai compris et je vous aime ! »). Il est plein de vide, mais ce vide le remplit mieux que tout autre contenu. Une bulle, certes, mais qui continue à enfler.

Un mutant politique, un phénomène typiquement postmoderne.

 

Dans L’Obs, le philosophe Michel Onfray – qui faisait récemment la une de votre revue, Éléments – assure qu’Emmanuel Macron « est en réalité l’autre nom de l’ubérisation de la société ». Vous confirmez ?

Bien sûr. Au-delà des banalités et des platitudes qu’il accumule avec un aplomb que rien ne vient entamer, Macron se situe dans une perspective bien précise qu’on peut résumer de la façon suivante : la mondialisation heureuse, l’ubérisation de la société et la précarité pour tous. De ce point de vue, Macron est un libéral au sens complet du terme : libéral en économie, libéral en matière « sociétale », libéral en tout. C’est pourquoi il séduit à la fois la gauche « branchée », les économistes hors-sol et les centristes fascinés par la Silicon Valley, Jacques Attali et Bernard Kouchner, Alain Minc et Corinne Lepage, Renaud Dutreil et Pierre Bergé. Nathalie Kosciusko-Morizet ne déparerait pas dans ce paysage !

 

Macron se dit au-delà de la droite et de la gauche. Vous venez vous-même de publier un livre intitulé Le Moment populiste – Droite-gauche, c’est fini ! (Pierre-Guillaume de Roux). Ce positionnement apporte de l’eau à votre moulin ?

La grande caractéristique du populisme est de substituer au clivage horizontal droite-gauche un clivage vertical entre le peuple et les élites (« ceux d’en haut » contre « ceux d’en bas »). Mais l’effacement du clivage droite-gauche ne se constate pas seulement à la base. Par réaction, il se retrouve aussi dans la classe dominante, avec l’idée d’une « union nationale » destinée à faire barrage au populisme et à neutraliser les « récalcitrants » des deux bords. Il y a, là, une certaine logique : en même temps qu’il coalise à la base un électorat venu de la gauche et un électorat venu de la droite, le populisme suscite à la tête un regroupement de factions hier encore antagonistes, mais qui n’ont pas de mal aujourd’hui à réaliser que rien ne les sépare vraiment.

Cette nouvelle stratégie était déjà présente dans l’idée de « troisième voie » théorisée par Anthony Giddens à l’époque de Tony Blair, dont l’objectif avoué était de contribuer au « renouveau » de la social-démocratie dans le sens d’une fusion assumée avec la logique libérale. C’est elle que l’on retrouve en France chez Emmanuel Macron, véritable héritier du blairisme, quand il assure que « le vrai clivage dans notre pays […] est entre progressistes et conservateurs », ou chez le libéral Guy Sorman, pour qui « le récent référendum britannique sur la sortie de l’Union européenne n’a pas opposé la droite conservatrice à la gauche travailliste, mais les partisans de l’ouverture à ceux de la fermeture ». La « fermeture » étant censée désigner le « tribalisme » et le « repli sur soi », il faut comprendre que l’« ouverture » signifie l’adhésion à tout ce qui transcende les frontières, à commencer par les marchés financiers. La position de Macron représente donc le symétrique inverse du populisme. Elle cherche à unifier les élites mondialisées au-delà des étiquettes, tout comme les populistes essaient d’unifier le peuple.

Personne ne semble réaliser que, dans cette optique, un second tour de l’élection présidentielle opposant Marine Le Pen et Emmanuel Macron, où ne serait donc présent aucun représentant des deux grands partis de gouvernement qui ont en alternance gouverné la France pendant trente ans, représenterait un véritable tournant historique.

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  • Macron est un opportuniste qui a était mis en orbite par le PS et les merdias .Il fallait un homme neuf ,pas connu du publique ou très peu ,sans programme (on s’en contre-fou ) pourvu que ça mousse. Mais derrière la machine Macron ,c’est toute l’oligarchie libérale,ubérisé jusqu’au bout des ongles ,ce sont les idées socialopes libérales, les pires qui soient .Autrement dit c’est la dictature financière bien empaquetée et bien présenté avec un joli ruban .Mais chuuutt.... faut pas le dire trop fort .Faut vendre la marchandise ,mais surtout il ne faut pas qu’on sache qu’elle est avariée .Alors on fait des alliances,style (Bayrou) ,oui !celui qui essaye de toujours se mettre du coté du manche et qui à chaque fois s’étale lamentablement .Un allier de choix avec qui on est a peu près sur de s’emplafonner ,et c’est tant mieux .Avec Macron on avait à faire à un leurre ,maintenant ça fait deux .

     

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    • Globalement d’accord avec vous, avec un bémol concernant la forme, vous faites partie du nombre astronomique de ploucs qui écrivent le mot "public" systématiquement au féminin ("publique")

      Le public = nom commun masculin
      UN debat public = adjectif au masculin
      UNE réunion publique = adjectif au feminin

      Incroyable le nombre de gens concernés par cette faute récurrente que je ne m’explique pas, et qui m’agace prodigieusement à force d’y etre confronté partout, y compris dans des médias mainstream...

      Amicalement.

       
  • #1673613

    Macron,c’est le danger le plus grand qui menace la France,c’est le remplaçant de Hollande,c’est le "progressisme" dans ce qu’il y a de plus pire.
    Nous pensions avoir tout vu sous Hollande et Valls,eh bien avec Macron ce sera 100 fois pire,l’apocalypse en personne sous les traits d’un ancien banquier dont je n’ai pas besoin de citer tout les soutiens qui font partie de la fine fleur du mondialisme.
    Le parti "en marche" c’est les démocrates version française,Macron c’est Obama,c’est Hillary Clinton,c’est Cameron,c’est Schulz,Barroso,Juncker...
    Avec Macron au pouvoir,nous sommes foutus,lui qui affirme que l’art français n’a jamais existé.Quelle honte et quelle insulte lorsqu’on pense à Cezanne,Monet,Gauguin,Verne,Rabelais,Beaumarchais,Celine,Rodin,Pissaro ,Delacroix,Gabin,Fernandel,Belmondo,Arletty...
    Macron nie la France,nie son histoire,sa culture,ses racines,son peuple,sa communauté,son territoire.Et il dit représenter les français.
    Macron le candidat mondialiste par excellence,voter pour lui,c’est voter contre la France.Tout comme voter Hamon.

     

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  • "Personne ne semble réaliser que, dans cette optique, un second tour de l’élection présidentielle opposant Marine Le Pen et Emmanuel Macron, où ne serait donc présent aucun représentant des deux grands partis de gouvernement qui ont en alternance gouverné la France pendant trente ans, représenterait un véritable tournant historique."
    Et avec quel résultat ? Pas si sûr que Macron s’en sortirait malgré le soutien des médias et de nos gouvernants. Il est la caricature vide de ce que les gens, les vrais gens, abhorrent. Je crois que le FN ferait alors un score comme jamais !

     

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  • Moi qui envisageais de voter pour Marine au premier tour, je me demande si je vais pas finalement voter Fillon. Je suis pas fan de Fillon, mais j’ai tellement pas envie de me taper Macron comme président que je me dis qu’il vaut peut-être mieux que ça soit Fillon qui soit au second tour face à Marine, car sinon cela risque de faire gagner Macron.

     

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  • #1673703

    un clivage vertical entre le peuple et les élites (« ceux d’en haut » contre « ceux d’en bas »)




    mais le clivage entre le peuple et les "élites", entre ceux d’en haut contre ceux d’en bas, c’est justement ça le clivage droite/gauche !! Je regrette mais moi je suis de la génération des années 50 et 60 et à cette époque c’était clair : la gauche c’est le peuple contre la bourgeoisie, les travailleurs contre les exploiteurs, la démocratie contre les privilèges.
    L’opposition "droite/gauche" telle qu’elle était au XIXème siècle, qui n’était qu’un débat au sein de la bourgeoisie, et auquel refusaient de participer les socialistes et les forces ouvrières, je n’ai pas connu, sauf dans les livres d’histoire ! (et il semble que les politicards et journalopes de maintenant veulent nous imposer un retour à un tel sens, beau progrès !)

     

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  • #1673734

    Macron c’est comme pour Giscard on nous fait le même coups , homme jeune venant du monde des banques , affirmant être un mouton , une foi entré dans la bergerie , il s’est mit a voté des lois avec des conséquences socio- économiques désastreuses , l’une des plus célèbre fut l’hécatombe démographique ( mis sous silence par le gouvernement de l’époque ) hécatombe qui fut encouragé au nom d’une soi-disant liberation . Ils nous prennent pour des poissons rouges .

     

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  • C’est encore moi !!
    Marine Lepen oublie de parler de tout ce qu’il faut pour être indépendant comme l’indépendance énergétique.
    La France produit 2 millions de tonne de pétrole par an sur son sol ,il est possible de multiplier par 10 la production en relancer les anciens puits
    Il faut construire des centrales géothermiques.

    Il faut une alliance avec Dupont Aignant ;pas avec Fillon car il est libéral comme Macron.
    Il faut faire un appel du pied au électeur de mélenchon,pour cela il faut gommer des différences futiles.

     

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  • #1673934

    Dans cette élection, le petit monde politique est tellement persuadé que Marine Lepen ne peut pas gagner au second tour que cela aiguise tous les appétits. Chacun se dit et pourquoi pas moi ?

    Imaginez que Macron ait lui aussi un problème au dernier moment... la voie est alors libre pour Hamon ! Après tout, n’est-ce pas l’élection de toutes les surprises...

     

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  • #1674014
    Le 27 février 2017 à 10:43 par Marine Présidente !
    Alain de Benoist : "Emmanuel Macron est tout le contraire d’un populiste (...)

    Macron est un usurier : l’Opinion n’a d’intérêt que s’il elle a des intérêts.
    Macron c’est la marchandisation de l’hôtel France, comme dit Attali.
    Macron applique une politique américaine de dérégulation maximale.
    Marine c’est le bien de la communauté économique et culturelle française. Un programme centriste d’indépendance financière, de protection sociale et de défense du territoire. Ce que nous attendons de tout chef d’état.

     

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