Le président Recep Tayyip Erdogan, le gouvernement et les responsables de l’armée turcs ont fait le point lundi de la situation en Syrie, sur fond d’informations de presse insistantes évoquant une intervention militaire turque sur le sol de son voisin.
Pendant plus de quatre heures, le Conseil national de sécurité (MGK) a « évalué en profondeur les récents événements survenus en Syrie, discuté des menaces potentielles et des mesures de sécurité supplémentaires prises le long de la frontière », a rapporté la présidence dans un communiqué.
Depuis que les milices kurdes ont chassé mi-juin les djihadistes du groupe État islamique (EI) de la ville frontalière syrienne de Tall Abyad, les dirigeants turcs ont manifesté à plusieurs reprises leur inquiétude quant à la progression des forces kurdes le long de leur frontière avec la Syrie. Le chef de l’État a répété que son pays « ne permettra jamais l’établissement d’un nouvel État » dans le nord de la Syrie, en référence à une région autonome kurde de Syrie susceptible d’inspirer les quelque 15 millions de Kurdes de Turquie.
Lors de sa réunion lundi, les responsables turcs se sont une nouvelle fois inquiétés des « actions visant les civils dans la région et destinées à changer la structure démographique de la région », selon la déclaration de la présidence. À plusieurs reprises ces derniers jours, la Turquie a accusé les Unités de protection du peuple (YPG) kurdes de procéder à un nettoyage ethnique dans les régions syriennes tombées sous son contrôle afin de faciliter la constitution de cette région autonome.
Les chefs kurdes de Syrie ont démenti ces allégations.
Une zone tampon
La réunion mensuelle du MGK s’est déroulée alors que plusieurs médias turcs ont affirmé que le gouvernement envisageait une opération militaire en Syrie pour repousser loin de ses frontières les combattants d’EI et empêcher en même temps la progression des forces kurdes, proches des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui mènent la rébellion en Turquie depuis 1984.
Le quotidien progouvernemental Yeni Safak a rapporté dimanche qu’une telle intervention pourrait permettre de créer une zone tampon, réclamée depuis des mois par Ankara, de 100 kilomètres de long et d’une trentaine de km de profondeur sur le sol syrien, entre Öncüpinar et Karkamis (sud). Quelque 18 000 soldats turcs pourraient participer à une intervention, selon Yeni Safak.
Selon la presse, le chef d’état-major de l’armée turque, le général Necdet Özel, aurait demandé un ordre écrit au gouvernement avant toute intervention.
En octobre dernier, le Parlement turc avait autorisé l’armée à intervenir militairement en Irak et en Syrie contre les djihadistes, mais le gouvernement turc était resté l’arme au pied pendant toute la bataille pour le contrôle de la ville frontalière syrienne de Kobané, qui s’est soldée en janvier par la victoire des Kurdes sur les djihadistes.