Le contexte
Il s’agit d’une archive rare, un éditorial de l’écrivain et polémiste Jean-Edern Hallier datant du 30 janvier 1991 et paru dans L’Idiot international, le journal authentiquement subversif qui sera « remplacé » par le Charlie Hebdo très systémo-compatible du couple Val-Cabu.
Fin janvier 1991, la première guerre du Golfe touche à sa fin, les armées occidentales coalisées ont libéré le Koweït et repoussé les forces irakiennes de Saddam Hussein. Nous sommes 10 ans avant le 11 Septembre mais la « ratonnade » mondiale a déjà commencé : Bush père, bientôt suivi de Bush fils, obéissent au plan de l’Empire de redéfinition du Moyen-Orient. Qui est très simple : écraser les pays arabes non alignés. La Syrie suivra, 20 ans plus tard. Ce sont les Russes qui mettront un terme à ce programme israélo-américain, qui ne profitera qu’à l’État hébreu. L’Amérique y perdra la plupart de ses soutiens dans le monde.
Mais revenons à Jean-Edern, trublion parmi les trublions, qui, emporté par sa plume furieuse, délivre un texte qui fera date, et procès. Il sera condamné pour provocation à la haine raciale, alors qu’il n’aura tué personne, contrairement aux Américains, qui auront tué et fait tuer des dizaines de milliers d’Irakiens, civils pour la plupart, et qui ne subiront aucune des foudres de la justice (internationale). Visiblement, sa plume semblait plus dangereuse qu’un bombardement.
Cinq mois après son forfait, Hallier est condamné par la fameuse 17e chambre correctionnelle de Paris à une amende 50 000 francs (environ 6 500 euros) pour « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciales ». Le Monde du 3 juillet 1991 ajoute :
Outre la condamnation pénale, l’écrivain devra verser un total de 80 000 F de dommages et intérêts à SOS-Racisme, à la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), au Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) et à la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen.
Voici une partie du jugement du tribunal, présidé par Alain Lacabarats :
L’article incriminé n’a pas pour objet d’analyser les causes idéologiques ou économiques de la guerre dite du Golfe, considérations qui sont étrangères aux propos de Jean-Edern Hallier. [Il] vise à persuader le lecteur que ce conflit [...] a été voulu par les membres de la communauté juive pour assouvir la haine raciste qu’ils nourrissent à l’égard des Arabes.
L’autre justification des juges est d’ordre symbolique plus que politique : ils dénoncent les qualificatifs « outrageants ou abjects s’appliquant à désigner [les juifs] comme la lie de l’humanité ».
Hallier aura payé très cher sa liberté de parole, elle lui coûtera son confort matériel puis sa santé. Voici maintenant, in extenso, cet éditorial brûlant d’actualité.
Le Sentier de la guerre
L’immonde Sentier de la guerre du prêt à penser et du prêt-à-porter son body-bag de mort est ouvert. L’histoire de France est tombée entre les mains des soldeurs et des fripiers haineux du sionisme. Acculé entre la kippa et le keffieh, entre le mépris et le malheur, je chosis le keffieh et le malheur. Mon crime, c’est d’être allé à Bagdad sous les bombes, de ne pas être mort, et de dire tout haut ce que chaque Français qui pense n’ose que penser tout bas. Comme l’écrivait récemment un quotidien d’Alger : « L’existence en France d’une communauté musulmane de près de quatre millions de personnes créera à coup sûr, les bases pour mener un combat légitime de civilisation... »
Commençons par défendre et faire respecter l’homme arabe, sa culture, son histoire, sa mémoire et son Dieu. En effet, trente ans après, nous sommes revenus dans les conditions psychiques de la guerre d’Algérie. Aujourd’hui, les Français sont prêts à se venger des arabes par sionisme interposé — du moins provisoirement...
L’opinion publique est conditionnée par une presse qui connaît parfaitement les mensonges qu’elle profère, aux sources taries et empoisonnées. Les petits-blancs de Bab-el-Oued, qu faisaient jadis suer le burnous, ont perdu le pouvoir de l’autre côté de la Méditerranée, mais ils l’ont pris à Paris. Les exactions coloniales d’antan étaient protégés par la loi Crémieux, qui leur donnait la nationalité française. Pour la plupart, si j’excepte les Espagnols, les Italiens, et la petite bourgeoisie méditerranéenne, portuaire, douanière et boutiquière, ils se considéraient comme des israélites français. Puisqu’ils en avaient les prébendes officielles. Désormais, ils ne reconnaissent plus la France comme patrie, mais Israël et l’Amérique. Ils se comportent à Paris en territoire conquis. Forcément, la propagandastaffel sioniste est au pouvoir — sûre d’elle-même et dominatrice, pour reprendre les termes du général De Gaulle. Combien de temps aurons-nous à soutenir cette myopathe de la vérité, Israël — qui réussit l’exploit de passer pour la victime de ce qu’elle a fomenté dans les coulisses ? Combien de temps serons-nous obligés de ramasser sa merde dans de petits sacs, et de recueillir respectueusement son urine. Ce n’est pas de l’eau bénite, croyez moi, que cet ammoniac-là.
... Arrogants, haineux, installés bien au chaud parmi les courtiers en morve et en choléra du lobby américain, leur vulgarité haineuse n’est jamais allée aussi loin dans l’histoire de l’abjection humaine. Regardez-les, ils ne songent qu’à nous entraîner dans les ratonnades les plus lugubres de la guerre d’Algérie. Depuis la rue de Turenne où ils sont mes voisins, ils hurlent à la mort des autres comme jadis à Oran ou à Constantine. Ce ne sont même pas des juifs — mais des arabes judaïsés. En leur subconscient raciste, dès qu’ils se reconnaissent eux-mêmes dans les arabes, ils les haïssent parce qu’ils se haïssent eux-mêmes — arabes, moins la noblesse des arabes. Avant, ce n’était que du racisme intégré, intériorisé par les tabous. Pas de transfert possible ! Pas de devenir, non plus, c’était un réel hypostasié, chosifié, l’ultime pétrification d’un électrochoc épidermique. Parce qu’en dernière instance, tout n’est qu’une affaire de peau. Or l’antisémitisme des sémites est l’abomination métaphysique du complexe d’infériorité .
Maintenant, nous assistons au hideux retour du refoulé. On le voit ressortir de partout, de tous les égoûts, les radios, les télés, les journaux. La main dans la main avec le Front National, ce sont les zombis du lumpen-fascisme. Autrefois, ils étaient bijoutiers, flics, huissiers, usuriers, contrôleurs d’impôts. Par tous les moyens, ils essayaient d’humilier et de voler les arabes. Par leur faute, nous avons perdu l’Algérie française et la France algérienne. Par leur faute encore, ils nous perdent cette fois-ci la France, succursale de l’américano-sionisme. Rejetons, ivres de ressentiment, du petit personnel répressif de l’appareil colonial français, ils ont conquis leur place au soleil, mais ils n’ont réussi à s’introduire ni dans la civilisation, ni dans l’aristocratie réelle de la vie — parce que je suis en train de toucher au plus terrible des tabous, le non-dit SOCIAL. Ils ont réussi à devenir ministres, conseillers à l’Élysée, beaufs de président et journalistes d’État, mais ces parvenus se sont constitués d’abord en police des esprits, et ne peuvent guérir de leur inexpiable humiliation de n’être que ce qu’ils sont.
Avec eux, nous sommes entrés dans l’ère du soupçon. Si nous nous mêlons de défendre la République française, l’indépendance nationale, la paix et l’égalité de tous devant la loi. Ils contrôlent tous les médias. Il devient proprement intolérable à la longue de ne plus avoir le droit de dire qu’un chat est un chat. Ah si ces gens-là pouvaient jeter à la Seine ou dans le canal Saint Martin les arabes comme il y a trente ans ! Ah s’ils pouvaient leur trancher la gorge ! Quant je les regarde, debouts sur le devant de leurs boutiques, contemplant, les lèvres tordues de ressentiment, les défilés pacifistes, j’ai envie de vomir. Quand je les vois, à Deauville, chez Carette place du Trocadéro, parlant trop fort et de table en table, comme ça ne se fait pas entre gens bien élevés, ou chez Lipp comme dimanche dernier, j’ai l’impression de me retrouver dans un film tourné chez Lucas Carton, au temps de l’occupation allemande. La même ambiance des nantis de la collaboration, de morgue et de perlouzes. Ce n’est même pas la France du fric, qui est secrète et ne s’affiche jamais, c’est la France du toc et de la frime médiatique... Ô idôlatres ! Ils sentaient tous déjà le cadavre et traitaient entre les eux les arabes de singes. Quelques uns tentèrent de m’agresser, parce que j’avais mis sur la tête le keffieh — en signe de solidarité pour les humiliés et les offensés de la terre... Je remis en place lourdement, ces effroyables racistes et ils s’écrasèrent — mélange de jeunes léotardiens burburysés, de goyim coupables, et de lepénistes de l’ambassade d’Israël. Parce que le juif n’est même plus dans le juif, hélas.
Je hais le racisme et l’antisémitisme par toutes les fibres de mon corps — mais rien de plus laid, peut-être, que l’antisémitisme du sionisme... La guerre est haïssable, mais plus haïssables sont encore ceux qui poussent à la guerre sans la faire, les bellicistes du derrière. Or la guerre d’Irak vient de réveiller les instincts les plus bas de la nature humaine — elle est vécue et propagée lamentablement par les médias comme une croisade de l’inconscient raciste de la population. On n’est pas parti en guerre contre l’Irak mais contre Saddam Hussein — parce que s’il y a un peuple israélien, il n’y a pas de peuple irakien. On est parti casser de l’arabe parce qu’une femme ou un enfant arabe, ce n’est rien. Ou va en faire de la sauce tomate, comme le déclarait récemment un marine américain à la télévision. Oui, du ketchup de sang de populations civiles ! De la jelly de chair humaine !
Les nouvelles milles et une nuits sont commencées, avec les tapis volants des bombes des B52. Pendant que des centaines de femmes et d’enfants irakiens sont assassinés, on s’attendrit sur un cormoran mazouté — merci Bush, le plus grand écolo du monde, Waechter et Lalonde enfoncés...
Rien ne me fait plus peur que la peur. C’est la peur américaine qui massacre la population civile. Quand la société du spectacle se dramatise, la nation fait donner ses clowns, mais si Rambo est un formidable guerrier, Stallone est mort de trouille, et le soldat américain est le plus mauvais du monde. Vous rendez-vous compte, deux cent cinquante millions d’Américains — plus soixante millions d’anglais, cinquante millions de français, autant d’italiens, plus une centaine d’émirs saoudiens, poussières de princes, et des quarterons de chefs d’État pourris, Moubarak, Assad ou Hassan II, dont les comptes en Suisses viennent soudain d’augmenter considérablement... Bref, quatre cent millions de brutes paraît-ils assoiffées de sang — médiatiquement parlant — et vingt sept nations ont décidé de faire de dix-sept millions d’Irakiens de la chair à pâté.
Cela va même jusqu’au sacrilège des lieux saints chiites — Kerbélà et An Nadjet, le lieu de pèlerinage de ceux qui viennent y vénérer le tombeau d’Ali — le gendre du prophète Mahomet. C’est comme si l’on avait bombardé Saint-Pierre de Rome. Il faut être aussi ignare et absolument inculte qu’un journaliste pour ne pas comprendre les raisons du soutien indigné et discret de l’Iran à l’Irak. Pendant ce temps-là, mon pauvre ami Patrick Poivre d’Arvor, les yeux scellés de larmes comme Michel Strogoff, continue à prendre le faux capitaine Karim pour autre chose qu’un agent sous influence — et tous les autres valets de presse se découvrent tels qu’ils sont, une gestapo de médiocres et de racistes.
Peuples arabes, réveillez-vous ! Empêchons énergiquement les ratonnades qui se préparent — et qui sont déjà dans les têtes. Pour l’honneur de la civilisation contre la barbarie américano-sioniste, et de la France, nous sommes encore quelques-uns à être à vos côtés.