Après avoir déchiqueté de ses crocs acérés et de son interminable flow tous les fragiles du Net, à savoir les féministes, les gauchistes, les pédés et les immigrés, c’est-à-dire tout ce qui est facile à tarter, le Raptor Dissident s’en est pris à Alain Soral et E&R pour des raisons globalement identitaires, dans le sens du national-sionisme qui vient.
Il y a eu la provocation que l’on sait – un portrait complètement à charge que StreetPress ou la LICRA n’auraient pas désavoué – suivie de la proposition de duel par l’offensé.
Après le refus du combat d’honneur (organisé par Dieudonné) contre Soral, tout le système raptorien s’est un peu écroulé : le cousin rageux du T-Rex est redevenu un gentil pipounet qui s’excuse pour ses exactions passées, des débordements qui seraient le fait de la jeunesse, de l’inexpérience ou de l’euphorie.
« J’ai trollé comme un porc, j’y suis allé en mode provoc, j’ai des trucs un peu hardcore même des trucs que je regrette un peu »
La séance de rétropédalage d’Ismaïl Ouslimani tient dans une vidéo, que voici. Nous avons, comme nous en avons l’habitude – puisque nous sommes sérieux et travailleurs, pas juste des grandes gueules – relevé les passages importants de ce monologue... encore une fois interminable. Il semble que de ce côté-ci, rien n’ait changé. Mais laissons le temps au Raptor sans les dents de mûrir. « Dans 10 ans », comme disait Choron, « on le retrouvera dans une banque ».
La rhétorique d’Ismaïl est soit hautement complexe, soit décousue. On penche pour la seconde solution car au milieu de son triste mea culpa – une vraie séquence de Malaise TV – rien de bien solide au niveau des convictions n’apparaît. Trois grumeaux de sous-pensée nagent dans une soupe tiède de fragile. C’était bien la peine de faire toutes ces vidéos de féroce !
« C’est vrai que je peux être un peu dur sur certains sujets, après chuis dans l’âge où, enfin, j’commence à devenir adulte, je pense que la majorité de mes abonnés sont dans cette situation-là, en fait on voit des mecs qui ont notre âge qui sortent de boite qui se font poignarder, y a eu des attentats, y a eu Nice, si tu veux le 14 juillet bon ça veut plus rien dire aujourd’hui pour les gens et c’est assez terrible mais la fête nationale t’es pas censé te faire rouler dessus par un camion, et quand t’as tout ça ben tu te poses des questions t’essayes de chercher un petit peu la vérité c’est un peu ça qu’était ma démarche et justement ce qui me fait chier c’est que ce dont j’essaye de parler aussi dans mes vidéos c’est que ces temps-ci euh les situations sont devenues binaires c’est-à-dire soit t’es pour soit t’es contre, tu peux pas avoir de nuance tu peux pas avoir de réflexion même tu peux même pas t’interroger sur certains sujets, quand tu t’interroges t’es déjà en train de remettre en question un truc et en fait c’est insupportable donc j’essaye de pulvériser si tu veux cette barrière et de dire mais en fait on a le droit d’en parler. »
On va essayer de traduire ça en bon français : en gros Ismaïl ne pige pas grand-chose aux événements en cours, ce qui explique cette logorrhée sans queue ni tête, mais comme il parle vite du coup on passe sur la logique et les enchaînements. C’est tout le problème d’un naïf plein de sève qui veut faire de la politique – et ça c’est noble – mais qui n’a pas la valise conceptuelle. Alors il pique à droite à gauche, on sait que le Raptor a pas mal pompé sur des sites dissidents, mais c’est la règle aujourd’hui. Heureusement pour lui que la règle des droits d’auteur ne s’applique pas trop sur le Net, sinon il aurait dû reverser pas mal de ses gains aux ayants droit. Bref, Ismaïl faisait de la trash-politique sans la structure, juste avec des gros mots et une accélération du débit verbal. Une sorte de rap avec plein d’images qui choquent, un bon moment d’excitation mentale pour ados entre deux branlettes.
Devenu subitement prudent, on n’ira pas jusqu’à dire chiasseux, Ismaïl se justifie avec d’infinies contorsions sur les attaques de ses fans contre Marion Seclin : il se déclare « déçu », qu’il a été « trop loin », il aurait « voulu qu’elle s’explique »… Le Raptor a fait du mal, Ismaïl s’excuse, c’est bien mais il fallait y penser avant. Surtout, si on a envie de faire du mal, ou du contre-mal, autant viser de vrais puissants plutôt qu’une pauvre gonzesse ou un pédé fragile. La noblesse du combat, c’est aussi ça : ne pas sortir son lance-flammes contre un koala, tout en feignant de ne pas voir le dragon qui se cure le nez à côté en comptant ses billets. Grandir, c’est choisir la voie du courage, pas la plus facile.
« Chuis assez provocant sur ces sujets-là c’est souvent pour défendre ce que j’aime c’est-à-dire que je suis patriote donc j’essaye de défendre mon pays, j’ai pas envie qu’il se fasse dégueulasser par les racailles… »
Là on est d’accord mais il faudrait dire ça un peu mieux, de manière plus structurée, plus précise, plus approfondie. Par exemple, qui est responsable de la production de racailles, comment notre système politico-médiatico-éducatif produit-il des racailles, dans quel but, pour quel profit, et pour quelle organisation.. Tu vois, Isma, ça ce sont de vraies questions, qui changent de « putaing on va tous les buter à la kalach ces fils de pute et là j’envoie du lourd p’tin », hein. À notre humble et sage avis de darons c’est dû à tes mauvaises fréquentations, après tu parles et tu penses comme Papacito, le clown avec qui tu as « bu un cidre » un jour. Tu deviens une racaille, quoi. C’est peut-être pas la meilleure façon de les combattre...
« J’essaye d’être honnête en fait avec les gens et de leur dire en fait le féminisme c’est pas Poil de carotte sur Twitter qui fait un thread de 15 messages pour nous dire que le livreur Deliveroo lui a envoyé un SMS quoi, mais y a des meufs qui se font agresser dans la rue qui se font emmerder dans le métro, des meufs et des mecs et ça c’est mon vrai problème parce que je suis aussi concerné… »
Ah, on retrouve là le Raptor qui n’a peur de rien et qui vole au secours des faibles dans le métro (mais pas dans sa boîte, là ce serait plutôt Collabo 3000), et ça c’est bien, c’est un bon exemple pour la jeunesse, les 8-14 ans qui le suivent sur les réseaux sociaux.
Après ce mea culpa aussi souriant que glandilleux, l’ex-Raptor évoque son amour pour ses chiens, sa chienne Tampo et son sharpeï :
« Ils ont un Instagram à eux qui s’appelle Tampolesharpei avec 27 000 abonnés »
Là on ne tape plus dans les garçons de 8-14 ans mais dans le public féminin qui met des smileys partout et qui partage des photos de chaton. On a quitté le politique pour le sociétal chou. Après ces révélations essentielles mais tellement rassurantes sur son non-fascisme, Isma nous balance un scoop mondial : « La nouvelle de l’année c’est que le Rendez-vous dissident c’est terminé ».
Oui, ça on avait compris. Mais pourquoi ? Qui va démolir les fragiles maintenant ? Isma va-t-il faire la plonge avec les identitaires de Ring aux dîners du CRIF ou dans les soirées déguisées de la LICRA, celles où tout le monde est en pyjama ?
« Là ça m’intéresse plus trop de faire des trucs un peu trop sérieux etc., donc en fait l’émission va évoluer... À la rentrée donc y aura une nouvelle émission qui sera plus en mode radio, l’émission sera maintenant en vidéo donc vous verrez ma tête vous verrez celle de Papacito, elle s’appellera Crash Test vous allez vite comprendre pourquoi elle s’appellera Crash Test, franchement on a envie de vous régaler, on a envie d’être percutants, d’être toujours au top mais on parlera de sujets toujours de l’actualité un peu de la semaine, sujets un peu plus divertissants, un peu plus cools, un peu plus stylés, et donc ce sera tous les dimanches en live sur YouTube de 21h à 23 heures... »
Bon, déjà, Crash Test ne sera pas un test de QI, c’est sûr.