Nous avons modifié le niveau d’économies indiqué dans une première version de l’article, que nous avions d’abord estimé à 1,4 milliard d’euros. Deux erreurs s’étaient glissées dans notre calcul : les dépenses prévues pour lutter contre le Covid-19 dans les hôpitaux en 2021 s’élèvent à 300 millions d’euros, et non pas à 1,7 milliard comme nous l’avions écrit. Et nous n’avions pas intégré les subsides déjà mis sur la table par les accords du Ségur en 2020, pour un montant de 800 millions d’euros. En corrigeant ces deux imprécisions, le montant d’économies prévu en 2021 tombe à 900 millions d’euros.
Donner d’une main, reprendre de l’autre. Après avoir concédé des hausses de salaires à des soignants épuisés par le Covid-19, le gouvernement veut imposer un nouveau tour de vis budgétaire aux hôpitaux. Dans son projet de loi de financement la sécurité sociale (LFSS) pour 2021, publié mercredi 7 octobre, l’exécutif prévoit en effet 900 millions d’euros d’économies dans les établissements de santé. Ce montant viendrait sérieusement entamer les 5,2 milliards de dépenses supplémentaires prévus par les accords du Ségur de la santé, signés en juillet avec les syndicats.
Ces restrictions sont planifiées à travers l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), inscrit chaque année dans les différentes LFSS. Cet indicateur fixe les dépenses de santé devant être remboursées par la collectivité d’année en année, et comprend un sous-objectif pour les établissement de santé. Son montant est déterminant pour les finances des hôpitaux publics : leurs 80 milliards d’euros de budget reposaient à 68 % sur les versements de l’Assurance maladie en 2018.
L’évolution de l’Ondam est toutefois insuffisante à elle seule pour mesurer les moyens alloués. Il faut pour cela prendre en compte la variation « naturelle » des dépenses, celle qui aurait lieu sans mesures de dépenses ou d’économies nouvelles. Car les charges des hôpitaux glissent chaque année à la hausse : « Les dépenses de santé augmentent notamment en raison du coût des soins, davantage que du vieillissement de la population. La santé coûte plus cher parce que les techniques de soin sont plus performantes », explique Nathalie Coutinet, économiste à l’Université de Paris 13 et spécialiste de la santé. Calculée dans chaque LFSS, cette hausse tendancielle a toujours été supérieure à celle de l’objectif de dépenses dans les années 2010 : l’écart entre les deux a alors représenté autant d’économies à réaliser pour les établissements de santé.
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Une rigueur devenue routine
Les économies prévues pour 2021 font écho à celles déjà pratiquées au début du quinquennat. Le gouvernement Macron a en effet planifié 2,6 milliards d’euros d’économies dans les hôpitaux en 2018 et 2019, à travers ses LFSS successives. Soit un rythme encore plus élevé que celui mené sous le quinquennat de François Hollande, pendant lequel les LFSS ont imposé des restrictions de 960 millions par an en moyenne. Un milliard de rabotage supplémentaire était d’ailleurs prévu pour 2020, avant que le Covid-19 et sa vague de patients ne viennent balayer cet objectif.
Les hôpitaux peuvent-ils absorber ces coupes sans plomber leur qualité de soins, par exemple en adaptant leur organisation ?
Sous Macron, cela s’est notamment traduit par une baisse des montants versés au personnel des hôpitaux en 2018. Ce poste de dépense fait l’objet d’une consigne à part entière : dans une circulaire signée en mai de cette année, l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn avait appelé à « limiter le taux global national d’évolution de la masse salariale à 1,59 % en 2018 ». Un objectif plus que respecté, les frais de personnel n’ayant augmenté que de 1 % selon la Cour des comptes. Soit une hausse inférieure à celle de l’inflation (1,8 % cette année-là). Conséquence : en intégrant la hausse des prix, la masse salariale des hôpitaux a en réalité baissé, passant de 47,78 milliards d’euros en 2017 à 47,2 milliards en 2018 dans le public.
Le nombre de lits a également chuté : 7603 ont été supprimés entre 2017 et 2019, un peu moins de 2 % du total. Tandis que la même période a vu la création de 3338 places d’hospitalisation partielle, qui regroupent les patients suivis par l’hôpital sans y séjourner plus de 24 heures (les soins dits « ambulatoires »). Une soustraction entre ces deux chiffres ne suffit toutefois pas pour mesurer l’évolution des capacités, explique Nathalie Coutinet :
« Une baisse du nombre de lits peut en théorie être compensée par une hausse des places en ambulatoire plus faible, parce que la rotation des patients y est plus importante". Autrement dit, une place peut accueillir plusieurs patients par jour, à l’inverse d’un lit. "Mais les deux n’accueillent pas le même type de malades, précise Nathalie Coutinet. Il manque donc des lits pour les patients qui ne peuvent pas être pris en charge en ambulatoire, notamment ceux qui sont âgés ou atteints de comorbidités. »
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