Vous vous rappelez la canicule asymptomatique ? Quand vous profitiez de l’été avec une petite laine sous un pépin ? Et de la sécheresse ? Oui, parce que dans le monde de la propagande médiatique, la sécheresse peut être un peu humide, faut pas se fier à ce qu’on pourrait prendre pour des évidences. Mieux vaut écouter les experts. C’est facile, vous allumez le poste, et ils sont là qui vous expliquent.
Dès le mois de mai, Michel Chevalet dressait un tableau sombre pour l’été.
« Regardez bien cette carte : le rouge domine. C’est la carte de prévision de Météo-France pour cet été, de la sécheresse pour la France. »
Michel reste assez sérieux. Il a un peu mis de côté la moue dubitative qu’il arborait parfois quand il était question du réchauffement anthropique. Là, c’est sérieux, les faits sont là, la carte est rouge. Bon, en fait, les faits n’étaient pas encore là, vu que c’était une carte de prévision, donc forcément écarlate. C’est comme les vidéos pour les jeunes, on montre les moments forts avant de lancer le contenu prorpement dit, quitte à ce qu’il n’y ait rien de plus après. Du coup, on ne regarde plus que le début. Là, c’est pareil, vous regardez la prévision et après vous la vivez, même si le réel n’est pas très raccord. Il reste le commentaire autorisé pour dire que c’est kif kif.
On ne va pas dézinguer la vidéo de Michel, qu’on prenait pour une autorité quand on était petit. D’autant qu’il y a quand même un contenu qui reste honnête, relativement. Épargnons le vieux mâle blanc et allons voir madame le journaliste avec un anneau dans le nez et qui travaille pour Le Monde. Là, l’expérience nous dit qu’il devrait y avoir matière à rigoler un petit peu. Ça date de l’an dernier, quand tout était grillé plus que cet été et qu’on causait bassines.
Évidemment, on connaît la chanson : la sécheresse est aiguë, l’heure est grave, et ça va aller crescendo. Les explications scientifiques simplettes sont là pour vous convaincre, ce qui signifie qu’on ne vous prend pas pour des flèches. La journaliste, elle, a dû être satisfaite de son reportage.
Ça commence fort : « Plus l’air est chaud, plus il a besoin d’eau, pour son équilibre. C’est physique. » Ça doit simplement vouloir dire qu’il y a de l’évaporation. C’est pratique pour sécher son linge. Et d’enchaîner : « Avec un climat tempéré comme en France, cela accentue l’évaporation de l’eau des sols. » Tout ça pour dire que le sol ne garde pas toute son humidité quand il fait chaud. Précisons qu’on parle d’évapotransiration, car les plantes jouent un rôle important dans le transfert de l’eau du sol à l’atmosphère.
Puis madame le journaliste nous explique que « La pluie a davantage tendance à tomber en hiver. » Et « en plus, comme il y a plus d’eau dans l’air, il y a plus d’épisode de pluie intense. » Non, ça, c’est faux. Il faut travailler la question et regarder l’histoire des catastrophes météorologiques, des grandes inondations. Les périodes froides sont beaucoup plus concernées que les optimums, comme celui que nous vivons. Puis ça part en vrille : « Et ce phénomène accentue les longues périodes sans pluie et les vagues de chaleur. » Il faudra lui expliquer que vague de chaleur et sécheresse ne vont pas nécessairement de paire. Il peut y avoir un déficit hydrique marqué sans canicule ; il peut y avoir une grosse vague de chaleur avec des nappes et des sols gorgés d’eau (qui ont tendance à l’atténuer). Mais quand le peu de connaissances que l’on a vient de la propagande médiatico-pseudo-scientifique, alors il s’ensuit une vision du monde à l’avenant.
Bien sûr, il y a les publications scientifiques pour étayer son propos et paraître objectif. Il s’agit ici de faire son marché et de choisir celle qui servira son discours, surtout s’il est mainstream. L’affaire du climategate avait montré à quel point il peut être difficile de publier à contre-courant. Mais au-delà de ça, il y a la réalité de la pratique de la science, faite par des humains, qui n’ont même pas besoin d’un prisme idéologique pour conclure de manières fort différentes les uns des autres.
À cet égard, une intéressante étude a été faite, qui le met parfaitement en évidence. Dans le domaine de l’écologie des oiseaux, une étude, dont les résultats ont été publiés dans Nature, a montré les résultats parfois parfaitement divergents d’équipes chevronnées, ayant pourtant travaillé sur des données parfaitement identiques ; c’était justement l’objet de l’étude : comparer les résultats et donc les méthode de travail, à partir de données d’observations identiques. Quand on sait qu’en plus la collecte de ces dernières est un élément majeur pour la suite du travail à faire, on mesure les précautions à prendre quand on cite une étude : il faut savoir pourquoi on est d’accord ou pas avec ses résultats. La journaliste a trouvé la sienne et nous explique que si la production agricole n’est pas aussi bonne qu’attendue par les ingénieurs agricoles, c’est à cause du climat, c’est-à-dire de sa péjoration : le réchauffement climatique. Pardi !
Pour la madame, il faut donc irriguer, mais comme elle pense qu’il ne pleut pas assez, les réserves sont à sec, y compris dans les nappes. Cette cervelle de moineau a oublié que peu avant elle expliquait qu’il pleuvait plus en hiver, justement la saison de recharge des nappes. Le spectateur visé a une mémoire de poisson rouge.
Suit l’intervenant extérieur, porte-parole d’un collectif, gage de sérieux et d’absence de parti-pris, qui nous fait état de ses vastes connaissances sur l’histoire du Marais Poitevin et de la biologie des plantes. On pensera plutôt à la profondeur d’enracinement des plantes et on lira Yannis Suire, pour un contenu historique solide.
Sont évoquées aussi « les parcelles où l’on cultive toujours la même chose ». Issue du groupe « urbains profonds », madame le journaliste ignore superbement que pas un paysan n’ignorait l’importance de la rotation des cultures et que les agriculteurs ne l’ont pas oublié.
Et pour finir en beauté, on a droit à une carte des sols agileux en France, sur laquelle ne figure même pas le Marais Poitevin… Bref, une illustration superbe de la médiocrité médiatique. Pour aller dans le sens du vent oligarchique, on ne peut en effet s’appuyer sur la rigueur et l’honnêteté intellectuelle, qui ne peuvent servir que la réalité. Et la réalité, c’est qu’il faut distinguer la sécheresse atmosphérique (manque de pluie), la sécheresse pédologique (les sols sont secs) et la sécheresse géologique (les réserves profondes, notamment les nappes phréatiques, sont basses). Tout l’été, c’est de cette dernière qu’il a été majoritairement question. Aussi a-t-on pu, en tentant de noyer le poisson, essayer d’expliquer aux Français qui avaient un été parfois humide que la sécheresse sévissait et que la situation restait tendue malgré les pluies d’automne. Eh oui, il faut du temps pour que l’eau aille en profondeur…
Après ce petit tour d’horizon estival, voyons la situation présente, avec la vidéo suivante, à Saintes, sur les bords de la Charente, dont les débordements sont bien connus des habitants.
« Toutes les nappes sont chargées, toutes les prairies sont inondées, donc en fait ça ruisselle, y a plus rien qui pénètre, tout ruisselle. »
Eh oui, comme n’importe qui d’informé pouvait s’y attendre, le relatif déficit en eau a laissé place à un temps de saison, humide, alimentant les nappes, les cours d’eau, gorgeant les sols, inondant les zones inondables. Peu inspiré, Mac-Mahon n’avait rien trouvé de plus à dire en 1875 à Toulouse, lors d’une inondation mémorable : « Que d’eau, que d’eau. » Le préfet lui aurait répondu « Et encore, Monsieur le Président, vous n’en voyez que le dessus… ! ».
Avec Macron, il faut s’attendre à la sécheresse et aux inondations, en même temps : tout est sens dessus dessous.