Ayelet Shaked, la nouvelle ministre de la Justice, ne cache pas sa haine des Palestiniens, des juges et des ONG financées par l’étranger. Mais son franc-parler plaît aux Israéliens
On peut reprocher tout ce que l’on veut à la nouvelle ministre israélienne de la Justice, Ayelet Shaked (39 ans), sauf de manquer de franchise. Car depuis son entrée tonitruante sur la scène politique en 2012, la nouvelle égérie de la droite musclée proclame bien fort qu’elle n’aime pas les Palestiniens et que beaucoup d’entre eux sont « des terroristes à éliminer » sans pitié. Avec leurs proches si nécessaire.
D’abord militante du Likoud, le parti de Benyamin Netanyahou, Ayelet Shaked est diplômée en ingénierie informatique. Elle s’est fait connaître du grand public en animant avec Naftali Bennett, le futur président du « Foyer juif » (extrême droite), une association extraparlementaire baptisée « Israël Sheli » (Mon Israël) qui défendait la cause des colons tout en stigmatisant le « financement étranger » de certaines ONG israéliennes de défense des droits de l’homme.
À l’époque, les militants d’Israël Sheli étaient sur tous les terrains pour dénoncer les journalistes forcément « gauchistes » et les magistrats « qui ne valent pas mieux ». Qui finançait leurs actions ? Mystère. En tout cas, Ayelet Shaked est rapidement devenue leur coqueluche grâce à son sens de la répartie et à son entregent.
Mariée et mère de deux enfants, la future ministre a fait ses classes politiques dans l’entourage de Benyamin Netanyahou, dont elle a été la directrice de cabinet entre 2006 et 2009. C’est là qu’elle a appris à polir son discours. Car ses propos anti-palestiniens et favorables à la colonisation ne sont pas originaux. Ce sont ceux que l’extrême droite israélienne débite avec plus ou moins de virulence depuis 1967. La différence, c’est qu’Ayelet Shaked arrive toujours à faire passer son message là où d’autres braqueraient leur auditoire.
« Elle est jeune, jolie et intelligente. Un joker pour le « Foyer juif » qui, sans sa présence, ferait penser à une association de vieillards porteurs de kippa », affirme le chroniqueur politique Boaz Shapira. Qui poursuit :
« Parce qu’elle n’est pas religieuse et qu’elle habite à Tel-Aviv, elle constitue la caution laïque de ce parti qui récolte pourtant la plus grande partie de ses votes parmi les colons religieux de Cisjordanie. »
À l’annonce de la nomination d’Ayelet Shaked à la tête du ministère la Justice, de nombreux chroniqueurs israéliens l’ont complimentée pour son physique avantageux. Ces propos déplacés lui ont valu le soutien des autres figures féminines israéliennes, y compris de ses opposantes les plus virulentes. « D’un point de vue politique, je me situe à l’opposé de ce que représente l’ultra-droite colonisatrice, mais en tant que femme, je préférerais que l’on s’intéresse à ce que dit Ayelet Shaked plutôt qu’à son tour de taille », fulmine Zehava Gal-On, la présidente du petit parti progressiste Meretz. « Pourquoi se sent-on toujours obligé de jauger le physique d’une femme politicienne et pas celui de ses homologues masculins ? »
Elue pour la première fois à la Knesset, le parlement israélien, en 2013, Ayelet Shaked poursuit en tout cas une ascension météorique. « Son secret, c’est que Naftali Bennett lui accorde son entière confiance et qu’elle a toujours été de bon conseil lorsque ce dernier devait prendre une décision stratégique », dit le chroniqueur politique Hanan Krystal. Qui poursuit :
« Idéologiquement, cette femme est un roc. On dit déjà d’elle, comme on le faisait pour Golda Meir en son temps, qu’elle est le seul homme du gouvernement. »
Encore faut-il qu’elle fasse ses preuves en tant que ministre. Et elle n’aura pas la tâche facile, puisque son projet de limiter les pouvoirs de la Cour suprême, dernier rempart des Israéliens – mais également des Palestiniens des territoires occupés contre les atteintes aux droits de l’homme, suscite d’ores et déjà une levée de boucliers. Au sein de la magistrature et dans le monde universitaire.
À cette première polémique s’ajoute sa volonté de faire interdire le financement d’ONG israéliennes de défense des droits de l’homme par des étrangers. Dont la Suisse.
« Il n’est pas normal que des Etats européens interfèrent de cette manière dans notre vie nationale, assène Ayelet Shaked. D’autant que ces associations touchent de l’argent pour délégitimer Israël et diffamer son armée. Que diraient ces mêmes pays européens si nous nous mettions à financer à notre tour des groupes sapant sans vergogne la politique de leur gouvernement ? »
L’argument fait mouche dans l’opinion israélienne. Car la nouvelle ministre de la Justice parle simple, clair et direct, même lorsqu’elle a tort. C’est ce qui plaît aux habitants de l’État hébreu.