Dieudonnistes et quenelles... Lepénistes et mélenchonistes... Dérapages racistes, antisémites et homophobes... Je persiste et signe : les #GiletsJaunes pourraient bien être la version française du scénario italien (fusion de la Ligue et des 5 étoiles). https://t.co/MhWsp3bahN
— Bernard-Henri Lévy (@BHL) 23 novembre 2018
L’agent sioniste BHL déguisé en philosophe donne son avis sur le mouvement des Gilets jaunes, qu’il assimile à une résurgence du fascisme français des années 30.
- BHL a choisi pour illustrer son article une photo des émeutes du 6 février 1934, symbole du fascisme français
Pourtant, les Gilets jaunes, c’est tout l’esprit français, frondeur, revendicatif, résistant, cet esprit qui a fait les résistants qui ont caché des juifs dans les années 40, ne l’oublions pas.
BHL devrait moins cracher sur les Français, qui l’ont accueilli et qui en ont fait une star des plateaux télé, surtout chez Bernard Pivot. Moins une star de l’édition parce que BHL, on aime bien l’entendre, c’est comme un divertissement, mais personne ne le lit, ce n’est pas très sérieux et c’est tellement bêtement communautaire.
Et puis, de ce texte une chose remonte : BHL a peur des Français.
C’est bon signe.
Qui sont, vraiment, les Gilets jaunes
Bernard-Henri Lévy explique pourquoi les Gilets Jaunes ne sont pas l’émanation du « pays réel » qui s’opposerait aux « élites parisiennes déconnectées ».
Ceci est la retranscription de l’allocution prononcée par le philosophe Bernard-Henri Lévy en clôture de la Convention nationale du Crif, dimanche 18 novembre. Il exprime, dans ce long texte, fouillé et argumenté, pourquoi la colère, en République, ne saurait avoir tous les droits. Et les très grandes réserves que lui inspire ce mouvement.
Je vais vous parler de ce qui s’est passé, hier, en France.
Je vais vous parler des Gilets jaunes – parce qu’il s’agit bien, dans cette affaire, comme dans le titre de votre Convention, de l’idée que l’on se fait de la République.
Trois remarques préliminaires.
La première, c’est qu’il s’est, là, incontestablement passé quelque chose.
Les commentateurs ont beaucoup dit qu’un mouvement auto-organisé, sans revendication claire, agrégeant des mécontentements contradictoires, accouche forcément d’un non-événement.
Eh bien, je ne le crois pas.
Car ce schéma (agrégat de revendications, chacun sa colère et, pourtant, tous ensemble…) c’est très exactement ce dont parle Sartre quand il décrit le passage, en particulier chez les sans-culottes de 1789, du « groupe sériel » au « groupe en fusion ».
Et le groupe en fusion, ce groupe où, comme son nom l’indique, les identités, les origines, les intérêts éventuellement contradictoires, fusionnent et forment un seul corps que l’on dirait animé d’une âme et d’une volonté propres, Sartre est très clair là-dessus : c’est le groupe par excellence ; c’est un acteur politique majeur et à part entière ; et son apparition est, presque toujours, le commencement d’un Événement avec majuscule et de longue portée.
Donc, oui, l’apparition des Gilets jaunes est un événement de cette nature.
On peut le tenir pour un événement détestable. Il peut charrier – je vais y venir – des relents politiques et idéologiques qui vous déplaisent profondément. Mais c’est un événement. Et il serait déraisonnable de parier sur le contraire et de le traiter par le mépris.
Deuxième remarque préliminaire.
Ce mouvement est aussi, à l’évidence, un appel de détresse.
Un gilet jaune, tous les automobilistes de France et de Navarre le savent, c’est ce gilet à bandes fluorescentes que la Sécurité routière exige, depuis dix ans, que nous ayons tous dans nos voitures pour, en cas de panne ou d’accident, pouvoir, depuis le bas-côté, rester visible et faire de cette visibilité même un appel de détresse vivant.
Eh bien, il faut prendre au sérieux le fait que les Gilets jaunes aient choisi ce signe de ralliement.
Il faudrait faire une phénoménologie du Gilet jaune comme Sartre faisait une phénoménologie des pantalons à rayures des sans-culottes ou comme Roland Barthes aurait peut-être pu le faire dans une de ses Mythologies.
Et, avant de s’intéresser au fait que les Le Pen et Mélenchon y voient une divine surprise, avant de se demander quelle est la proportion de ces protestataires et laissés-pour-compte qui ont voté, ou qui voteront, pour les deux partis de la France populiste, il faut dire ceci.
Les Gilets jaunes sont des accidentés de la mondialisation.
Ce sont des femmes et des hommes en panne de travail, de reconnaissance, de respect.
Et ce choix du Gilet jaune est une façon de lancer, depuis la nuit des déclassés, un signal de détresse, un appel au secours, un SOS.
Et puis troisième remarque préliminaire : cet appel au secours, ce SOS, il faut impérativement, je dis bien impérativement, et, quelles que soient, encore une fois, les récupérations dont il sera ou est déjà l’objet, l’entendre et le recevoir.
C’est le devoir du pouvoir politique et, d’une manière générale, de ceux que l’on appelle les élites, ou les nantis – en gros, les bobos qui n’ont pas trop à s’en faire pour le prix du diesel puisqu’ils roulent en trottinette dans un Paris qui se convertit, peu à peu, à l’écologie et qui a été, par ailleurs, en grande partie vidé de ses pauvres. Car, pour changer de registre et passer de la sécurité à la météo, l’alerte jaune n’est qu’une alerte de premier degré. Après quoi, vient l’alerte orange. Puis, l’alerte rouge. Et, alors, quand vient l’alerte rouge, il est trop tard, le tissu social s’est déchiré et les plus démunis n’en peuvent réellement plus.
Et c’est accessoirement le devoir de ceux qui sont ici ce soir. Car, s’il y a bien une chose que nous a enseignée notre histoire millénaire, c’est la nécessité de se montrer fidèle à cette âpre, difficile, mais essentielle leçon exprimée, comme vous savez, par le verset : « Vous connaissez l’âme de l’étranger. » Or l’« étranger », ça veut dire le migrant. Mais ça veut dire aussi l’exclu. Et ça veut dire encore celui qui n’en peut tellement plus, qui est tellement à bout de forces, qu’il est devenu comme étranger à lui-même et dans sa propre maison.
Il faut donc entendre ce sentiment, fondé ou non, d’abandon et de délaissement. Il ne faut surtout pas dire : « cachez ce peuple que je ne saurais voir ».
Ou : « virez-moi ces Gilets jaunes qui ne sentent pas bon le diesel ».
Le pire, le plus grave et, pour la société tout entière, le plus suicidaire, serait de faire comme si l’on n’avait pas entendu.
Alors, cela étant dit, j’en viens à l’essentiel.
J’ignore ce que sera l’avenir de ce mouvement – ni, même, s’il en aura un. Mais, à toutes fins utiles, je veux, ici, ce soir, formuler trois mises en garde.
La première, c’est qu’à côté de la détresse il y a la colère et que la colère, quand elle entre en politique, devient quelque chose de beaucoup plus compliqué. Pour le dire vite, il y a des colères magnifiques, généreuses, qui grandissent les hommes et les peuples – et il y a des colères noires, nocives, qui tendent à les abaisser et sont de nature à nourrir ce qu’il y a de pire dans leur mémoire.
La différence ?
Les Grecs avaient deux mots pour dire la colère. Il y avait, d’un côté, la bonne colère qui se disait « orgè » : c’est la colère d’Achille « plus douce au palais que le miel » ; ou c’est celle dont Aristote dit, dans L’Éthique à Nicomaque, qu’elle est « provoquée par l’injustice » – on dirait, aujourd’hui, « l’indignation ». Et vous avez l’autre colère, la mauvaise, qui se disait « thumos » et qui était celle, par exemple, de l’horrible Calliclès de Platon ; ou celle dont Chrysostome expliquera que, si Dieu l’a enfermée dans la cage de notre poitrine, c’est parce qu’elle est « comme une bête féroce qui, sans cela, nous lacérerait » – en langue moderne, cette seconde colère peut se dire « ressentiment ».
Les Juifs, eux aussi, avaient deux sortes de colère qui, traduites dans la langue des Septante, retrouvaient, comme par hasard, les deux mêmes mots grecs. D’un côté, la colère d’Adonaï ; celle des prophètes ; plus tard, celle de saint Paul exhortant les anciens Juifs devenus chrétiens à ne pas « laisser le soleil se coucher sur leur colère » ; en un mot, c’était cette généreuse colère que Nietzsche, dans un passage célèbre d’Aurore, appelle une « sainte colère » et dont il fait vertu aux Juifs, puis aux chrétiens, d’avoir transmis au monde la « sombre majesté » afin qu’elle éclipse la tiède et molle colère de ceux qu’il appelle les courroucés de « seconde main ». Et puis, de l’autre côté, vous avez cette autre colère dont Le Livre des Proverbes dit qu’elle est le fait du « fou » qui « expire tout son souffle » ; celle des Égyptiens qui, au lieu de comprendre du premier coup, comme Aron, qu’on ne peut, en frappant la mer, qu’en faire sortir des grenouilles, frappent, frappent encore, cognent comme des sourds et dont les coups n’ont pour effet que de provoquer un déferlement de grenouilles dans tout le pays ; celle, encore, du roi Hérode décapitant les nouveau-nés de Bethléem ; bref, cette odieuse, cette absurde, cette criminelle colère qui détruit tout, et d’abord l’intelligence et dont le Talmud dit, pour cela, qu’elle est soit un Golem soit un des noms de l’idolâtrie.
Et, quant aux Modernes, il suffit de prendre un grand texte classique comme le Traité des passions de l’Âme de Descartes qui me semble plus subtil, sur ce point, que Spinoza et qui dit, lui aussi, qu’il y a colère et colère. D’abord la bonne, la saine, la juste colère qui – je cite – possède la triple propriété d’être : a) brève ; b) fondée sur l’amour et l’empathie ; c) de nature à élever l’âme qui en est le siège et le sujet. Et ensuite, à l’article suivant du Traité, l’article 202, il y a cette autre colère qui a, selon Descartes, la triple et inverse propriété d’être : a) longue et même interminable ; b) issue, non de l’empathie, mais de la haine de l’autre et, bien souvent, de soi ; c) de nature à assombrir, abaisser et corrompre l’âme du sujet.
Eh bien il en va de même en politique.
Il y a la colère qui élève et il y a la colère qui abaisse.
Il y a la colère qui fait que l’on se veut et se sent plus solidaire, plus fraternel, ouvert aux autres – et il y a celle qui vous enferme en vous-même.
Il y a la colère qui, hier contre les agioteurs spéculant sur le froment, aujourd’hui contre les spéculateurs qui manipulent les prix du pétrole, défend le bien public et, non contente de défendre le droit, invente même de nouveaux droits – et il y a la colère qui se moque du droit, qui se fiche du bien public et qui n’a que faire de la République.
Alors où va, de ce point de vue, la colère des Gilets jaunes ?
Je n’en sais rien. Mais quand je les vois casser, bloquer, s’introduire dans une préfecture et songer à la saccager, quand je vois certains d’entre eux insulter celles et ceux dont la tête ne leur revient pas et incendier des voitures comme on le faisait dans les émeutes de novembre 2005, quand je les entends enfin, quand je les entends vraiment, quand j’entends la tonalité nihiliste de certaines de leurs revendications, j’ai les doutes les plus sérieux.