On ne peut pas faire plus chaud, c’est la battle, le fight du moment : les réseaux sociaux vibrent encore du combat entre le rappeur Sadek et le youtubeur Bassem Braïki, après un échange d’insultes et de menaces.
Bassem avant le combat :
30min avant #bassem #SadekVSBassem #sadek pic.twitter.com/aNoX8iflRG
— miichto943 (@PriverDetective) February 11, 2020
L’équipe de Sadek après le combat (vidéo ironique) :
L’équipe a Sadek après avoir sifflé Bassem https://t.co/cB9MzADS9N
— Hacked (@boubacar750) February 11, 2020
Cette nuit, dans la nuit du 10 au 11 février 2020, Bassem a été violemment corrigé par Sadek et son équipe, qui étaient quatre en tout. Ils l’ont attendu en bas de chez lui après avoir obtenu son adresse. On ne va pas tout montrer car un homme en sang, un homme qui a perdu, c’est un mauvais exemple pour la jeunesse et surtout une humiliation.
Bassem réponds en dilvuguant son adresse : pic.twitter.com/Tk8VApt2kO
— Seb (@SebLaTombe) February 10, 2020
Depuis que le Net est Net, des cités se lancent des défis et se font la guerre sur fond de trafics en tout genre, mais surtout de drogue. Parfois, ce sont juste des conflits de personnes sur fonds de jalousie, médiatique ou sexuelle. La plupart du temps, on en reste aux invectives, au concours de vannes sur l’autre, avec une inventivité langagière multipliée par le mélange des cultures (franco-maghrébine en l’occurrence).
Après son expédition punitive, Sadek, qui n’est pas un imbécile, a eu des regrets, qu’il a exprimés face caméra.
La réponse de Sadek aux événements de cette nuit #bassem #sadek #SadekVSBassem pic.twitter.com/PjIeNofpEq
— Bokkek (@squanchyes) February 11, 2020
Le romancier James Ellroy, qui n’évacue aucune des questions gênantes en matière politique ou sociale de l’histoire américaine, parle souvent dans ses livres de la passivité des enquêteurs de police dans les cas de meurtres « négro-négro », et il appelle les banlieues Négroville. Cela peut sembler réducteur, et à tout le moins raciste, mais il y a une réalité bien dure : l’entre-tuerie des Noirs pauvres intéresse non seulement peu une police plutôt blanche dans sa hiérarchie, mais parfois, l’autodestruction des membres de gangs noirs l’arrange. Le boulot, en quelque sorte, se fait tout seul.
On sait depuis les déclarations sous serment du colonel Oliver North que les banlieues noires ont été arrosées de crack – ce déchet de coke qui n’a rien à voir avec la pureté de la Fauré – pour en retirer les centaines de millions de dollars qui ont financé la guerre contre les régimes socialistes ou communistes d’Amérique latine. Cela fit suite à l’interdiction par le président Carter du financement par la CIA d’opérations dangereuses, pour le gouvernement et l’image de l’Amérique, mais surtout secrètes et sans contrôle. Ne pouvant obtenir des lignes de crédit directement, la CIA est passée par des voies parallèles, organisant comme le Mossad ses propres trafics : armes, drogues, chantages...
Après ce détour par le pouvoir profond américain, on constate que nos banlieues sont parfois, pour les plus chaudes, c’est-à-dire les plus trafiquantes, l’objet de guerres intestines. Guerres entre organisations de deal, mais aussi entre cités, comme au bon vieux temps des querelles de clocher. Avant, cela se réglait sur un terrain de foot, aujourd’hui les balles réelles ont remplacé la balle. Nous sommes en présence d’un conflit triangulé où la violence sociale, c’est-à-dire la pauvreté, ou la paupérisation, s’exerce de manière horizontale et non verticale, comme le font ou essayent de le faire les Gilets jaunes. Si les racailles de banlieue avaient une conscience sociale, ils iraient manifester contre le pouvoir visible ou même le pouvoir profond, mais ils en sont au stade zéro de la conscience, et dirigent donc la violence qu’ils subissent – car s’ils en infligent ils en subissent aussi, mais sous une autre forme – sur les mêmes à d’autres places. Sur leurs semblables, sur ceux qui ont la même condition. Tant que cette réponse sociale sera horizontale, le pouvoir pourra se frotter les mains, et laissera faire. Dupont-Aignan le dit à sa façon dans un tweet qui montre Bassem à terre :
« Le rappeur #Sadek et sa bande ont violemment tabassé le rappeur #Bassem, puis publié la vidéo sur les réseaux sociaux...
La faiblesse de l’Etat alimente l’ensauvagement dans notre pays ! Si nous ne réagissons pas, voilà un aperçu de la société dans laquelle vivront nos enfants. »
Au fait, pourquoi n’y a-t-il plus d’État dans ces territoires perdus de la République, pour reprendre l’expression préférée d’un Finkielkraut ?
Parce que tous les pouvoirs, qu’ils soient de droite ou de gauche, en ont profité, électoralement et/ou financièrement. Au lieu de faire du développement et de l’éducation contre la pauvreté, ils ont fait de l’exploitation de pauvreté. Le gros argent de la came des banlieues ne tombe pas dans la poche des choufffeurs, c’est bien connu. Eux finissent en taule et désocialisés avant 30 ans. Le bénéfice, il remonte bien plus haut, au niveau du système politico-mafieux. Pour le reste, on l’a déjà écrit, la droite a utilisé les banlieues comme un repoussoir (Sarkozy) et la gauche comme un réservoir (SOS Racisme de Dray au PS). Le résultat de cette double manipulation, c’est Bassem contre Sadek, et un Sadek qui comprend après coup qu’il s’est fait avoir. Bassem, lui, est à l’hôpital.
Réveillez-vous, les gars, on peut vivre ensemble, c’est pas juste une injonction socialiste, c’est une obligation, mais pour cela, il faut grandir en conscience.