Alors que le conflit ethnique dans l’État de Rakhine est très ancien, il s’est transformé au cours des dernières années en une guerre de guérilla djihadiste financée et dirigée par l’Arabie saoudite.
La zone a un intérêt géostratégique :
L’État de Rakhine joue un rôle important dans OBOR [la nouvelle route de la soie chinoise], car il s’agit d’une sortie vers l’océan Indien où sont prévues des réalisations chinoises pour un montant d’un milliard de dollars : une zone économique sur l’île de Ramree, et le port en eau profonde de Kyaukphyu qui a des pipelines de pétrole et de gaz naturel reliés à Kunming dans la province du Yunnan.
Les pipelines qui vont de la côte ouest du Myanmar vers la Chine à l’est permettent l’importation d’hydrocarbures du golfe Persique vers la Chine tout en évitant le goulet d’étranglement du détroit de Malacca et les sites de la mer de Chine méridionale qui font l’objet d’une contestation.
C’est « l’intérêt de l’Occident » d’entraver les projets de la Chine au Myanmar. Encourager le djihadisme dans l’État de Rakhine pourrait y contribuer. Il existe un précédent historique d’une telle guerre par procuration en Birmanie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les forces impériales britanniques ont incité les musulmans Rohingya du Rakhine à se battre contre les bouddhistes nationalistes birmans alliés aux impérialistes japonais.
Les Rohingya immigrent dans les régions du nord d’Arakan, l’État actuel du Rakhine au Myanmar, depuis le XVIe siècle. Il y a eu une grande vague d’immigration sous l’occupation impériale britannique, il y a environ cent ans. L’immigration illégale en provenance du Bangladesh s’est poursuivie au cours des dernières décennies. Au total, environ 1,1 million de Rohingya musulmans vivent au Myanmar. Le taux de natalité du Rohingya est plus élevé que celui des Bouddhistes locaux d’Arakanese. Ces derniers se sentent sous pression dans leur propre pays.
Alors que ces populations sont mélangées dans certaines villes, il y a de nombreux hameaux habités à 100 % par les uns ou les autres. Les Rohingya sont généralement peu intégrés au Myanmar. La plupart ne sont pas reconnus officiellement comme citoyens. Au cours des siècles et des dernières décennies, il y a eu plusieurs épisodes violents entre les immigrants et les populations locales. Le dernier conflit entre les musulmans et les bouddhistes a éclaté en 2012.
Depuis lors, une insurrection clairement islamique s’est développée dans la région. Elle a pris le nom d’Armée du Salut des Rohingya de l’Arakan (ARSA) et elle est dirigée par Ataullah abu Ammar Junjuni, un djihadiste pakistanais. (ARSA s’appelait auparavant Harakah al-Yakin, ou Mouvement de la paix.) Ataullah est né dans la grande communauté Rohingya de Karachi, au Pakistan. Il a grandi et a été éduqué en Arabie saoudite. Il a reçu une formation militaire au Pakistan et c’était un Imam wahhabite en Arabie saoudite avant son arrivée au Myanmar. Depuis, en lavant les cerveaux, il a recruté et formé une armée locale de guérilla d’environ 1 000 Takfiris.
Selon un rapport de 2015 du journal pakistanais Dawn, il y a plus de 500 000 Rohingya à Karachi. Ils sont arrivés du Bangladesh au cours des années 1970 et 1980 à la demande du régime militaire du général Zia ul-Haq et de la CIA pour lutter contre les Soviétiques et le gouvernement de l’Afghanistan :
La communauté Rohingya [à Karachi] est plus religieuse et elle envoie ses enfants dans les madrassas. C’est une des principales raisons pour lesquelles de nombreux partis religieux, en particulier l’Ahle Sunnat Wal Jamaat, le JI et le Jamiat Ulema-i-Islam-Fazl, ont leur base organisationnelle dans les quartiers birmans.
« Un certain nombre de Rohingya vivant à Arakan Abad ont perdu des proches dans les attaques bouddhistes de juin 2012 au Myanmar », a déclaré Mohammad Fazil, un militant local de la JI.
Les Rohingya de Karachi recueillent régulièrement des dons, le Zakat 1 et des peaux d’animaux sacrifiés, et les envoient au Myanmar et au Bangladesh pour aider les familles déplacées.
Reuters a noté, à la fin de 2016, que le groupe djihadiste était formé, dirigé et financé par le Pakistan et l’Arabie saoudite :
« Le groupe de musulmans Rohingya qui a attaqué les gardes-frontières du Myanmar en octobre est dirigé par des gens qui ont des liens avec l’Arabie saoudite et le Pakistan », a déclaré le groupe International Crisis Group (ICG), jeudi, en donnant quelques noms.
« Bien qu’on en n’ait pas de preuves, il semble que [Ataullah] soit allé au Pakistan et peut-être ailleurs, pour s’entraîner à la guérilla moderne », a déclaré le groupe. Il a noté qu’Ata Ullah était l’un des 20 Rohingya d’Arabie saoudite qui dirigeaient les opérations du groupe dans l’État de Rakhine.
Par ailleurs, un comité des 20 émigrés Rohingya influents supervise le groupe qui a son siège à La Mecque, a déclaré l’ICG.
Les djihadistes d’ARSA affirment qu’ils n’attaquent que les forces gouvernementales, mais des civils bouddhistes arakanais ont également été pris dans des embuscades et massacrés. Des hameaux bouddhistes ont également été brûlés.
Le gouvernement du Myanmar prétend qu’Ataullah et son groupe veulent instituer un État islamique indépendant. En octobre 2016, son groupe a commencé à attaquer la police et d’autres forces gouvernementales dans la région. Le 25 août de cette année, son groupe a attaqué 30 postes de police et des avant-postes militaires et a tué environ 12 policiers. L’armée et la police ont répondu, comme toujours dans ce conflit, en brûlant des communes Rohingya soupçonnées de cacher des forces de la guérilla.
Pour échapper à la violence croissante, beaucoup de bouddhistes locaux arakanais fuient leurs villes et se réfugient dans la capitale du Rankine. Des musulmans Rohingya locaux fuient vers le Bangladesh. Seuls les derniers réfugiés semblent retenir l’attention internationale.