John McCain n’est pas n’importe qui. C’est le candidat du Parti républicain à la Maison blanche. John Hagee n’est pas non plus le premier venu. C’est son pasteur attitré. Là-bas, c’est comme ça, à chacun son directeur de conscience, tout comme les chevaux de courses ont leurs jockeys. Barack Obama, candidat à l’investiture démocrate a – ou avait le sien –, le pasteur Wright. Lequel causa un certain scandale à la suite duquel Obama le lâcha. Celui suscité par Hagee revêt d’autres proportions, bien plus lourdes de conséquences. McCain ne l’a pas lâché, juste désavoué. C’est là toute la différence.
« Le 11 septembre, c’est le prix que les USA ont eu à payer pour leur politique étrangère, menée depuis tant d’années… » Voilà, en substance, ce qu’affirme le pasteur Wright. On peut y voir une simple opinion. Un “dérapage”. Un fait avéré. Ou encore un simple effet mécanique : depuis 1979, les USA ont financé, aidé, manipulé, parfois, l’islamisme de combat, en Afghanistan, avant de le trahir en occupant les Lieux saints de La Mecque, par bases militaires interposées, lesquelles sont installées en Arabie Saoudite, dès la première Guerre du Golfe, en 1990. De tels cyniques retournements d’alliance, mâtinés d’angélisme crétin, ne présentent rien de nouveau. Ainsi, le républicain John McCain se vend-t-il aux électeurs comme héros de la lutte anticommuniste, durant la guerre du Vietnam. Certes. Mais si la CIA n’avait pas prêté main-forte au Vietminh contre les Français, du temps de nos guerres indochinoises, McCain, au lieu de croupir dans les prisons vietnamiennes, aurait pu tranquillement continuer à tondre la pelouse de la maison familiale de Coco Solo, au Panama, autre nation, indépendante, paraît-il, mais chasse gardée de la puissante Amérique et, à ce titre, placée sous pavillon de tutelle. Le général Noriega, ancien président du cru et ayant émargé sur les fonds secrets de la Maison blanche, en sait quelque chose : destitué à la suite d’une intervention militaire américaine, la justice de Floride l’a condamné à quarante ans de réclusion. John McCain, héros, donc. Mais à son corps défendant. Cocu de son pays. Tel un pauvre Rambo. Qui ne sait probablement pas que durant la Guerre d’Algérie, les USA soutenaient le FLN contre la France, estimant que la décolonisation valait pour tous, hormis eux. Ou prirent ensuite fait et cause pour le FIS et le GIA islamistes contre le FLN laïque. La France chiraquienne fut l’une des rares nations européennes à s’opposer à cet énième marché de dupes : elle en paya le prix fort, dans sa chair, lors des attentats parisiens de 1995. On notera que, des années durant, l’Angleterre, principal allié des USA, a refusé de livrer à la justice française, l’un des principaux instigateurs présumés de ces crimes en série : Rachid Ramda. CQFD, un peu.
En revanche, ce qu’affirme un autre pasteur, proche soutien de McCain, John Hagee, est autrement plus fâcheux. L’hebdomadaire américain Newsweek semble être le premier à avoir levé le lièvre. Résumons. Le Pape Benoît XVI et son Vatican ? « La putain de Babylone » Rien que ça. « Des Croisades à la Shoah tout en passant par l’Inquisition », l’Église catholique est « cause de tous les malheurs du Monde en général et du peuple juif en particulier ». « L’anti-Christ » ? Ce sera le « futur Président de l’Union européenne ». Autant dire qu’il conviendra de l’assassiner avant qu’il n’ait eu le temps de perpétrer ses futurs crimes. Contre qui ? Israël, bien sûr. Et c’est là où tout se complique. Car dans les fantasmes millénaristes de la droite chrétienne locale, on aime les Juifs comme Marc Dutroux chérit les enfants. Il faut hâter la Fin des temps. En attendant l’Âge d’or. Quand l’État hébreu et ses habitants, en passe d’être noyés dans un bain de sang, se convertiront finalement au christianisme. Bref, dans ce drame macabre en plusieurs actes, ceux que John Hagee prétend défendre doivent disparaître, culturellement et religieusement, au dernier. En attendant, il convient de bombarder l’Iran à titre préventif, dixit ce sioniste anti-israélien et, au bout du compte, antisémite.
Certes, il ne s’agit que de l’avis que d’un de ces innombrables pasteurs, gourous de sectes aussi innombrables ayant toutes ceci en commun d’avoir été fondée contre le catholicisme du Vieux monde et de cette “putain de Babylone” que demeure, à leurs yeux, nôtre Rome commune, européenne et orientale. Nonobstant, John Hagee ne fait rien d’autre que de brailler très fort ce que tant d’Américains, ceux de la fameuse “Bible Belt”, ceinture biblique et équivalent fondamentaliste de la “ceinture rouge” enserrant jadis notre capitale, pensent tout bas. D’un intégrisme l’autre… Rien de méchant à tout cela. Juste de la logique. Les “Pères fondateurs” de la “Nouvelle Terre promise” étaient ceux du Mayflower, promis à la corde ou à l’Atlantique, par une Angleterre qui, gallicane de fait, n’avait pourtant que peu de cadeaux à faire au Vatican. Mais à furieux, furieux et demi. Toujours aussi logiquement, ces mayfloweriens, théocrates d’un genre nouveau, ont enrôlé Dieu sous leur bannière, faisant ainsi entrer, événement inédit dans l’histoire des peuples civilisés, la religion de plain-pied dans la sphère politique. Ils incarnaient le “Bien”. Les autres étaient donc le “Mal”. Quiconque leur résistait devait être réduit à néant, puisque suppôts présumés du “Mal”. D’où les Indiens génocidés. Les Nègres réduits en esclavages. Les Français boutés hors d’Amérique – sinistre bourde napoléonienne que de leur avoir vendu, pour une bouchée de pain, notre belle Louisiane. Les Espagnols virés à coups de bottes – de cet épisode, le grand John Wayne aura au moins tiré un chef d’œuvre du Septième art et un manifeste révisionniste, Alamo. L’interdiction de tous les pays catholiques ayant l’outrecuidance de camper au Sud de leurs frontières de prétendre à la souveraineté politique. Depuis, toujours la même antienne. Avant même le Da Vinci Code de Dan Brown, ouvrage interdit, sur papier comme sur pellicule dans tous les pays musulmans, la même nauséeuse littérature : contre saint Pierre, un imposteur, et ses descendants, le Pape Pie XII au premier chef, évidemment complice actif de la Shoah – il a eu le plus bel arbre au Mémorial des Justes en Israël, mais peu importe, la puissance de feu médiatique américaine, relayée par Hollywood, fait le reste. Cet état d’esprit, à base de ces fameux « complots jésuites et vaticans », ayant fourni depuis deux siècles une volumineuse littérature paranoïaque, systématiquement anticatholique, anti-européenne et souvent antifrançaise est-elle diligentée par le monde arabo-musulman ? Non. Même les islamistes les plus fondamentalistes s’en prennent parfois aux chrétiens, éventuellement au christianisme des évangélistes américains de tendance néo-conservatrice ; mais au catholicisme en tant que religion, jamais. Une caricature du Pape en terre musulmane ? Impensable. Aux USA, en revanche… C’est en ce sens que les propos de John Hagee sont tout, sauf anodins, puisque révélateurs d’une psyché profondément ancrée dans un peuple dont le christianisme proclamé est historiquement fondé sur la haine du catholicisme. Il n’est pas anodin non plus qu’il ait fallu attendre l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan, en 1980, pour que Washington daigne enfin nouer des relations diplomatiques avec le Vatican, ou qu’un Pat Buchanan, l’un des rares hommes politiques d’envergure de confession catholique, ait toujours été marginalisé en un Parti républicain l’ayant finalement poussé à la porte. Les chocs de civilisations ne sont pas forcément là où on croirait les trouver…
Béatrice PÉREIRE
Source : http://www.voxnr.com
« Le 11 septembre, c’est le prix que les USA ont eu à payer pour leur politique étrangère, menée depuis tant d’années… » Voilà, en substance, ce qu’affirme le pasteur Wright. On peut y voir une simple opinion. Un “dérapage”. Un fait avéré. Ou encore un simple effet mécanique : depuis 1979, les USA ont financé, aidé, manipulé, parfois, l’islamisme de combat, en Afghanistan, avant de le trahir en occupant les Lieux saints de La Mecque, par bases militaires interposées, lesquelles sont installées en Arabie Saoudite, dès la première Guerre du Golfe, en 1990. De tels cyniques retournements d’alliance, mâtinés d’angélisme crétin, ne présentent rien de nouveau. Ainsi, le républicain John McCain se vend-t-il aux électeurs comme héros de la lutte anticommuniste, durant la guerre du Vietnam. Certes. Mais si la CIA n’avait pas prêté main-forte au Vietminh contre les Français, du temps de nos guerres indochinoises, McCain, au lieu de croupir dans les prisons vietnamiennes, aurait pu tranquillement continuer à tondre la pelouse de la maison familiale de Coco Solo, au Panama, autre nation, indépendante, paraît-il, mais chasse gardée de la puissante Amérique et, à ce titre, placée sous pavillon de tutelle. Le général Noriega, ancien président du cru et ayant émargé sur les fonds secrets de la Maison blanche, en sait quelque chose : destitué à la suite d’une intervention militaire américaine, la justice de Floride l’a condamné à quarante ans de réclusion. John McCain, héros, donc. Mais à son corps défendant. Cocu de son pays. Tel un pauvre Rambo. Qui ne sait probablement pas que durant la Guerre d’Algérie, les USA soutenaient le FLN contre la France, estimant que la décolonisation valait pour tous, hormis eux. Ou prirent ensuite fait et cause pour le FIS et le GIA islamistes contre le FLN laïque. La France chiraquienne fut l’une des rares nations européennes à s’opposer à cet énième marché de dupes : elle en paya le prix fort, dans sa chair, lors des attentats parisiens de 1995. On notera que, des années durant, l’Angleterre, principal allié des USA, a refusé de livrer à la justice française, l’un des principaux instigateurs présumés de ces crimes en série : Rachid Ramda. CQFD, un peu.
En revanche, ce qu’affirme un autre pasteur, proche soutien de McCain, John Hagee, est autrement plus fâcheux. L’hebdomadaire américain Newsweek semble être le premier à avoir levé le lièvre. Résumons. Le Pape Benoît XVI et son Vatican ? « La putain de Babylone » Rien que ça. « Des Croisades à la Shoah tout en passant par l’Inquisition », l’Église catholique est « cause de tous les malheurs du Monde en général et du peuple juif en particulier ». « L’anti-Christ » ? Ce sera le « futur Président de l’Union européenne ». Autant dire qu’il conviendra de l’assassiner avant qu’il n’ait eu le temps de perpétrer ses futurs crimes. Contre qui ? Israël, bien sûr. Et c’est là où tout se complique. Car dans les fantasmes millénaristes de la droite chrétienne locale, on aime les Juifs comme Marc Dutroux chérit les enfants. Il faut hâter la Fin des temps. En attendant l’Âge d’or. Quand l’État hébreu et ses habitants, en passe d’être noyés dans un bain de sang, se convertiront finalement au christianisme. Bref, dans ce drame macabre en plusieurs actes, ceux que John Hagee prétend défendre doivent disparaître, culturellement et religieusement, au dernier. En attendant, il convient de bombarder l’Iran à titre préventif, dixit ce sioniste anti-israélien et, au bout du compte, antisémite.
Certes, il ne s’agit que de l’avis que d’un de ces innombrables pasteurs, gourous de sectes aussi innombrables ayant toutes ceci en commun d’avoir été fondée contre le catholicisme du Vieux monde et de cette “putain de Babylone” que demeure, à leurs yeux, nôtre Rome commune, européenne et orientale. Nonobstant, John Hagee ne fait rien d’autre que de brailler très fort ce que tant d’Américains, ceux de la fameuse “Bible Belt”, ceinture biblique et équivalent fondamentaliste de la “ceinture rouge” enserrant jadis notre capitale, pensent tout bas. D’un intégrisme l’autre… Rien de méchant à tout cela. Juste de la logique. Les “Pères fondateurs” de la “Nouvelle Terre promise” étaient ceux du Mayflower, promis à la corde ou à l’Atlantique, par une Angleterre qui, gallicane de fait, n’avait pourtant que peu de cadeaux à faire au Vatican. Mais à furieux, furieux et demi. Toujours aussi logiquement, ces mayfloweriens, théocrates d’un genre nouveau, ont enrôlé Dieu sous leur bannière, faisant ainsi entrer, événement inédit dans l’histoire des peuples civilisés, la religion de plain-pied dans la sphère politique. Ils incarnaient le “Bien”. Les autres étaient donc le “Mal”. Quiconque leur résistait devait être réduit à néant, puisque suppôts présumés du “Mal”. D’où les Indiens génocidés. Les Nègres réduits en esclavages. Les Français boutés hors d’Amérique – sinistre bourde napoléonienne que de leur avoir vendu, pour une bouchée de pain, notre belle Louisiane. Les Espagnols virés à coups de bottes – de cet épisode, le grand John Wayne aura au moins tiré un chef d’œuvre du Septième art et un manifeste révisionniste, Alamo. L’interdiction de tous les pays catholiques ayant l’outrecuidance de camper au Sud de leurs frontières de prétendre à la souveraineté politique. Depuis, toujours la même antienne. Avant même le Da Vinci Code de Dan Brown, ouvrage interdit, sur papier comme sur pellicule dans tous les pays musulmans, la même nauséeuse littérature : contre saint Pierre, un imposteur, et ses descendants, le Pape Pie XII au premier chef, évidemment complice actif de la Shoah – il a eu le plus bel arbre au Mémorial des Justes en Israël, mais peu importe, la puissance de feu médiatique américaine, relayée par Hollywood, fait le reste. Cet état d’esprit, à base de ces fameux « complots jésuites et vaticans », ayant fourni depuis deux siècles une volumineuse littérature paranoïaque, systématiquement anticatholique, anti-européenne et souvent antifrançaise est-elle diligentée par le monde arabo-musulman ? Non. Même les islamistes les plus fondamentalistes s’en prennent parfois aux chrétiens, éventuellement au christianisme des évangélistes américains de tendance néo-conservatrice ; mais au catholicisme en tant que religion, jamais. Une caricature du Pape en terre musulmane ? Impensable. Aux USA, en revanche… C’est en ce sens que les propos de John Hagee sont tout, sauf anodins, puisque révélateurs d’une psyché profondément ancrée dans un peuple dont le christianisme proclamé est historiquement fondé sur la haine du catholicisme. Il n’est pas anodin non plus qu’il ait fallu attendre l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan, en 1980, pour que Washington daigne enfin nouer des relations diplomatiques avec le Vatican, ou qu’un Pat Buchanan, l’un des rares hommes politiques d’envergure de confession catholique, ait toujours été marginalisé en un Parti républicain l’ayant finalement poussé à la porte. Les chocs de civilisations ne sont pas forcément là où on croirait les trouver…
Béatrice PÉREIRE
Source : http://www.voxnr.com