Bernard est une sorte de vieille tante d’Amérique qui nous visite chaque année pour un régal d’anecdotes glanées çà et là au fil des affaires et voyages qui l’occupent à travers monde.
Tel le héros rentré au bercail les bras chargés de souvenirs en cadeaux, il comble d’impressions et vérités dans un récit d’aventures qui font sa gloire et renommée. Excitée par l’entrevue d’autres horizons, la marmaille militante s’excite et s’organise pour accueillir dignement l’Ulysse glamour en chemise immaculée et miraculeusement épargné du sang de l’exécution libyenne.
Nous Bernard, on l’aime bien, c’est un peu la famille, c’est notre Zizou à nous avec la simulation en plus. On a beau s’appliquer à lui poser une question du plat du pied, il intercepte, contrôle et par le moyen de quelques passements de langue dont il a le secret, la vérité disparaît en bouche sous les vivas d’une foule qui l’accompagnent jusqu’au but.
La fine équipe surmotivée et bien répartie dans la salle se fixe donc un objectif à la hauteur du talentueux dribbleur. Il faudra pour cela dépasser le temps réglementaire d’une heure et demie de conférence soporifique pour atteindre les questions de prolongation et marquer en fin de partie. Nous devrons être prompts et utiliser au mieux les quelques dizaines de secondes de possession de micro pour échapper au tacle sionard et en décocher une ou deux dans la lucarne du gardien de guerre juste. Pas le temps de déployer une trop longue attaque, il nous faut frapper vite et précis : nous serons donc les Materrazzi de la soirée, on n’est pas venus pour discuter, Bernard, on est là pour t’énerver et que tu prennes un carton. D’une, ça nous fait bien marrer, de deux, ça te changera du ton convenu des fausses questions que te pose ce cattanacio de pseudos journalistes communautaires réunis sous la houlette de ton capitanat.
L’homme versant plus dans le lyrisme otanien que le véritable maniement de concepts philosophiques, le choix du Théâtre de la Croix-Rousse semble effectivement le mieux adapté à la représentation du soprano en rôle de fouteur de combats. Son arrivée étrangement accueillie par un silence glacial est suivie d’une allocution en forme de réduction du répertoire de la diva amidonnée : nazisme en hors-d’œuvre, antipatriotisme affirmé en entrée, historique et droit de la politique d’ingérence en résistance et apologie de la campagne antibougnoules en dessert.
L’indigestion provoque l’irruption d’un camarade dans le soliloque interrompu. « Menteur » dans ta face, interpellation sur la Libye, ton ironique, rupture de rythme et d’ambiance, têtes de « tiens y’a pas que des sionards ce soir ». On est au marquage Bernard, tu es prévenu.
Arrivent les micros que l’on accapare pour interroger de la manière convenue en amont. La question sur la guerre juste menée par la résistance palestinienne contre la colonisation illégale israélienne ne plaît pas plus au dandy des tranchées que le parallèle avec l’occupation allemande en prise avec le maquis. Applaudissements. Le ton monte, le son est coupé, l’hôtesse veut récupérer le mic comme une vulgaire Diams face à Marine, l’animateur change de couleur et l’exhorte plusieurs fois à porter l’objet convoité jusqu’à la zone VIP protégée par cordon sanitaire.
Que dalle, on le garde et surenchérit lorsque Bernard tente une incroyable roulette du sayan, attention, elle est courte mais elle bonne : il n’y a pas de colonisation israélienne ! On croirait entendre un vulgaire cancéreux faisant déni de tumeur au colon. Altercation, tension, apostrophe. Le pleutre animateur, au lieu de se lever en homme face à nous, engueule la future ex-hôtesse paniquée qui semble perdre les eaux, un camarade se saisit de l’appareil et taquine Bernard-Riton sur son Idéologie française et son goût pour le sang des goys.
En bon capitaine, le sophiste prend les choses en main et parvient à renverser le jeu en direction du Mali. Pas beau, antisportif et sans fair-play. Qu’à cela ne tienne, on se moque du tirage de maillot et bien que le contexte ait été dégagé, on insiste même s’il n’en est plus question. Agitation dans la salle, Bernard s’énerve lorsqu’on évoque son attachement à la France en cas unique de soutien sioniste et se lance dans une dernière envolée terminée par une « espèce de crétin » sous coiffure décomposée par l’énervement.
Gagné ! Nous voilà dans le top 3 des Never mind BHL, après l’entarteur et Bardèche, on a réussi à le fâcher publiquement. Deux heures d’une soirée type Connaissances du monde ennemi pour recevoir cette insulte qui, dans sa bouche, est le plus beau des compliments, ça valait le coup. Le public gueule, ça vire chocolat, vite une solution, deux tapins posent des questions convenues qui n’appellent même pas réponse puis vient le merveilleux moment du ZAHIA TIME !
Tu t’es bien battu Bernard et tu as mérité la récompense. La beurette se lève, fraîche et disposée, elle est doctorante en philo et, ne souhaitant pas travailler sur le concept (tu m’étonnes !), a choisi de réfléchir sur un sujet qui fait rire un redoublant en première année d’initiation à l’histoire des Idées : la place du philosophe dans l’espace public. Qu’importe, elle minaude, elle est jeune, elle est pour toi, elle s’offre à toi comme un fruit de la passion, prends-la Bernard, prends-la pour cet entretien qu’elle te supplie d’accepter, elle rampe plus bas que Fadela Amara et te susurre plus chaud que Yasmina Benguigui…
Nous ne saurons malheureusement pas si le reste de la soirée fut bon pour tout le monde car l’urgence de sauver les images nous fait évacuer le théâtre de ce débat d’ébats. La collabeurette termine sa flaque pendant que nous filons à la française, le buste droit sous le mépris de centaines de regards.
À la prochaine Bernard, on a trinqué joyeusement à ta santé, viens quand tu veux surtout, nous serons toujours heureux de t’accueillir à Lyon avec le respect dû à ton rang.
Pour Égalité & Réconciliation Rhône-Alpes
Ruben Azahar
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