On – « on », c’est la voix de la dominance, le chœur des médias serviles – nous dit que c’est le livre de la rentrée. Bizarrement, c’est jamais un livre Kontre Kulture, pourtant il y en a de sacrés. Quand on ouvre une page de Despentes, on – ici, « on », c’est nous – reste abasourdis : comment ce salmigondis puéril écrit avec le pied gauche peut-il avoir autant de succès ? Dans le genre antibourge, on a Bloy ; dans le genre révolté, on a Céline ; dans le genre profond, on a Alain, Youssef, Pierre, Laurent et compagnie. On n’a quand même pas envie d’être célébrés 100 ans après notre mort, merde ! L’Obs compare Cher connard avec Les Liaisons dangereuses. Pourquoi pas Nabilla avec Marx ?
En fait, l’explication est simple : quand on – ici, « on », c’est c’est n’importe qui, un lecteur du grand public inculte – n’a pas lu de grands auteurs, et qu’on découvre Despentes, on est ébloui. Tout est histoire de relativité. Quand on lit Libé, le torchon du Mossad, et qu’on tombe sur un texte d’E&R, on subit un choc traumatique, un AVC mental : tout se déstructure, il faut tout revoir, les préceptes, les postulats, les fondations (là on est à cours de synonymes), tout. Il y a des paliers dans la connaissance, comme dans la culture.
Si on lit un polar de Chester Himes, ou de Jim Thompson (on a pris un Noir et un Blanc, histoire de pas fâcher JoeyStarr), et qu’ensuite on passe à Despentes, on ressent une douleur à l’esprit, qui se fâche. On va le dire autrement : vous mangez chez Bocuse, et au moment d’engloutir la première fourchettée de blanc de poulet de Bresse sauté à la crème dégoulinant de sauce, le truc se transforme en macdo mou et tiède. Et là on repense à la phrase de l’Autre, « les tièdes, je les vomirai ».
On n’a rien contre le succès, bien au contraire, mais quand ce succès est fondé sur l’ignorance, et l’ignorance forcée, alors il ne vaut pas grand-chose, et on peut prédire qu’il va s’estomper avec le temps, ou l’augmentation naturelle de la connaissance. C’est une victoire à la Pyrrhus, ce genre de chose. Nous, chez E&R, on dira qu’on a des défaites à la Pyrrhus, des défaites qui annoncent des victoires, mais plus tard, hein. Pour l’instant, on s’en prend un peu plein la gueule sur le ring médiatique, ils sont beaucoup à nous frapper en lâche, à la déloyale. Illustration.
Béziers : Une vingtaine de racailles attaque comme de véritables hyènes ce gitan bien décidé à en découdre malgré leur surnombre pic.twitter.com/vFSJTp39gU
— Réalité Actuelle (@Reel_Actualite) August 14, 2022
Après cette séquence victimaire, retour sur Despentes, qui bénéficie de la baisse générale de niveau. Ce que la socioculture nous propose est si médiocre, si moche, qu’on parvient à génialiser un tel auteur, qui a le niveau d’un scénariste de BD des éditions Soleil, et on ne méprise pas ce métier. Le Système, pour démolir l’Homme, surtout celui qui résiste aux injonctions (et aux injections) maléfiques, a besoin de génialiser [1] des femmes, quitte à tirer un peu sur la fleur pour la faire pousser et à lui rajouter des couleurs au maquillage. Il en résulte des Virginiedespentes et des Rachelkhan. On écoute Rachel, théoriquement « intellectuelle »...
Redif. Décembre 2021. Episode 15.
Pour ne jamais oublier.
"- Est-ce qu'il faut se priver de cette part de liberté ?
...
- La liberté de vivre c'est celle de se faire vacciner." pic.twitter.com/t8GX0qTcOc— Duval Philippe (@p_duval) August 15, 2022
C’est le moment de placer une Joeystarr, ce penseur khanien :
« QUAND LE CLIMAT VA COMPLÈTEMENT NOUS ÉCHAPPER » assène @JoeyStarr qui traite de connards les #AntiPassSanitaire
Parce que tu as l'impression qu'on l'a maîtrisé un jour le climat pauvre clown ?Venant d'un scientifique bac -13 ça ne devrait pas trop émouvoir les « connards » pic.twitter.com/sTTe8Tvawm
— Tangosierra74 (@SierraTango74) October 4, 2021
Voilà pour la baisse de niveau. La rencontre entre ces grands esprits ne pouvait qu’avoir lieu, selon la formule.
L’une publie King Kong théorie, pamphlet ultrapersonnel et postféministe qui éreinte les réflexes d’une société encore largement tournée vers l’homme ; l’autre sort son tout premier disque solo, Gare au Jaguarr, parfait concentré de cervelle et de testostérone. La rencontre, outre l’envie un peu facile de confronter King Kong et le Jaguar, nous est immédiatement apparue comme une évidence.
JoeyStarr : « Et puis avec Nique Ta Mère et Baise-moi, pour les médias, on est dans le même registre, non ? »
C’est l’hebdomadaire déficitaire du banquier Pigasse Les Inrocks qui organisera la rencontre du siècle, ce Mohammed Ali/Foreman de l’intelligence... En passant, cette inspiration de Cassius Clay sur ce match, piqué dans Le Monde diplo :
« C’est vrai que je n’avais jamais fait qu’une seule chose dans ma vie, combattre, mais il y avait toujours une partie de moi qui se rebellait contre ça. Peut-être était-ce parce que ceux qui en tiraient profit ne pensaient pas que les boxeurs sont intelligents. Ils nous considéraient seulement comme les instruments d’un divertissement pour riches… Et puis j’avais toujours eu cette image cauchemardesque de deux grands esclaves noirs qui se battent jusqu’à s’annihiler l’un l’autre pendant que les maîtres fument des gros cigares en criant et en nous exhortant, excités par le sang. »
Ce qu’a illustré Tarantino dans son Django :
On a regardé le dernier Tarantino, avec Pitt & Caprio à Hollywood, et ce réalisateur nous laisse toujours un goût de trop léger dans la bouche : ses histoires n’ont pas de structure. C’est comme un vin agréable mais qui manque de fond. Un bon produit, qui fait son effet pendant le repas, qui se laisse glisser dans le gosier, mais qui ne laisse pas de souvenir marquant, comme un grand Sauternes, par exemple. C’est la culture de la légèreté, de l’instant, du prêt-à-consommer, c’est Despentes, quoi. Despentes, c’est un burger mou, tiède et fade mais qui est survendu par le Système.
Au #MacDo : Pub >>>>>>>>> Réalité . pic.twitter.com/HZyCKx9b
— Graisse anatomie (@Wilfried_Klein) July 11, 2012
Ce surclassement nous fait penser à l’augmentation des notes que les profs sont obligés d’appliquer aux copies merdiques des bacheliers qui ont en réalité un niveau de 3e, grand maximum.
Dans ce lycée, 100% de réussite au bac, 0% de décrochage scolaire.
Et tout ça grâce à la méthode géniale de deux profs.
Nous avons passé une journée dans cet établissement où les notes grimpent, grimpent, grimpent.... pic.twitter.com/xf2QRqsMex— Loopsider (@Loopsidernews) June 4, 2021
Ah, c’est vrai, Virginie. On allait l’oublier, celle-là.
* * *
Bonus : extrait du livre d’Alain Soral Misères du désir