A Éric Zemmour, qui attribue la délinquance aux noirs et aux Arabes, Dieudonné répond : « Tu ne crois pas que c’est aux juifs qu’il faut s’en prendre, plutôt qu’à ceux qui volent des miettes ? […] Les plus gros escrocs de la planète sont tous des juifs. »
Ethnicisation de la criminalité qui permet aux deux compères racistes d’adopter une posture de courageux pourfendeurs du « politiquement correct ». Mais tous deux servent admirablement le racisme décomplexé de la droite au pouvoir.
Zemmour justifie les contrôles au faciès dont sont quotidiennement victimes les noirs et les Arabes. Le fond du discours est le même que celui de Besson, Hortefeux, Morano, Longuet et les autres : c’est quand ils sont nombreux qu’il y a des problèmes, surtout les « jeunes musulmans » qui parlent verlan et portent la casquette à l’envers, un individu issu de l’immigration et non du « corps traditionnel français » ne peut diriger la Halde, etc. Comme ces dirigeants de droite, Zemmour ne fait que recycler les vieilles théories racistes sur les populations non intégrables parce que d’origine étrangère, voire naturellement portées vers la criminalité. Il défend « l’identité nationale » version Besson dans les nombreux médias où il intervient, tout en prétendant être menacé d’interdiction professionnelle, voire de « mort sociale ». Rien que ça !
Dieudonné ne prend plus la précaution de remplacer « juif » par « sioniste » dans ses discours haineux. Lui aussi profite de la libération de la parole raciste tout en se prétendant victime : « Il faut être juif pour avoir la liberté d’expression en France. C’est une réalité. Et dire le contraire, c’est avoir peur. Mais on n’a plus peur. Ils nous ont tout fait. Ils nous ont traînés dans la boue, ils nous ont mis à l’état d’esclaves. Ils nous ont colonisés. » Et de conclure : « La mort sera plus confortable que la soumission à ces chiens. » Privé de liberté d’expression, Dieudonné ? Il a été, comme son compère Alain Soral, plusieurs fois invité aux débats télévisés de Frédéric Taddéi ; un livre vient de sortir, Peut-on tout dire ?, interviews parallèles de Dieudonné et Bruno Gaccio. On ne peut pas dire qu’il ait pâti de sa prestation au Zénith de décembre 2008, où il demandait à ses milliers de spectateurs « d’applaudir à tout rompre » le négationniste Faurisson, auquel il a fait remettre le « prix de l’infréquentabilité » par un comédien grimé en déporté juif. Le mois dernier, au cours de son spectacle, Dieudonné s’en est pris aux « suceurs de youpins ». En ne s’embarrassant plus du mot « sioniste » pour stigmatiser les juifs, Dieudonné explore les nouvelles limites ouvertes par le débat sur l’identité nationale dans les discours publics.
Peut-on établir un lien entre la violence antisémite de Dieudonné et la succession de Le Pen à la tête du FN ? Dès mars 2005, Dieudonné prenait la défense de Bruno Gollnisch qui rendait compte de ses propos négationnistes devant la justice. Le Pen expliquait son rapprochement avec Dieudonné par des « points communs » : « Nous appartenons tous les deux à la communauté des parias... Nous sommes persécutés de la même manière, à cause de notre liberté de pensée et de notre liberté de parole ». Tout en soutenant la candidature de sa fille à sa succession, Le Pen tient à ce que la tradition antisémite ne soit pas oubliée. Le juif doit rester l’éternel ennemi, le représentant du « mondialisme ». Tel est le rôle joué par Dieudonné lorsqu’il fait semblant d’incarner la parole des opprimés face à Zemmour. Tel est aussi le sens de la minimisation par Le Pen du rôle de Vichy dans la déportation des juifs français, selon lui « sauvés » par Pétain.
Le discours raciste ne se contente pas d’ethniciser la criminalité. Il ethnicise aussi l’affrontement politique en mettant en concurrence les différentes formes de racisme et leurs victimes. Après avoir stigmatisé les noirs et les Arabes, Zemmour est ravi que Dieudonné lui réponde en stigmatisant les juifs. Mais la « judéité » de Zemmour n’est pas plus une garantie d’antiracisme que la « négritude » de Dieudonné. Dans les colonnes du Figaro, Zemmour défend la nécessité d’une alliance électorale entre l’UMP et le FN, conformément à sa vieille proximité politique avec Pasqua, dont on se rappelle la référence aux « valeurs communes » entre la droite et l’extrême droite lors de la campagne présidentielle de 1988. Comme le note memorial98.over-blog.com, à propos de Zemmour et de Dieudonné : « Loin d’être de simples ‘‘‘bouffons’’, ces agitateurs médiatiques participent à leur manière aux soubresauts de la recomposition à l’extrême droite de l’échiquier politique. »
Aussi, c’est à juste titre que le Mrap traduit ces deux sinistres personnages devant les tribunaux. Toutes les formes de racisme doivent être combattues avec la même vigueur : antisémitisme, xénophobie, islamophobie… Sans hiérarchisation.