La filiale israélienne d’Orange, multinationale française de télécommunications, a fourni un soutien matériel direct aux soldats israéliens participant l’été dernier à l’assaut meurtrier contre Gaza.
L’entreprise a aussi parrainé deux unités militaires israéliennes pendant plusieurs années, preuve d’une profonde complicité avec l’occupation militaire israélienne et avec les violations des droits humains.
L’une de ses unités, la compagnie de tank « Ezuz », a pris part aux attaques contre Gaza l’été dernier et était en activité dans des lieux précis ou des centaines de civils palestiniens ont été tués.
Orange, connu précédemment sous le nom de France Télécom, est un important fournisseur de téléphonie mobile, de réseaux et de services Internet en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient, y compris en Jordanie et en Égypte (via sa filiale Mobinil).
En Israël, Orange tire profit de l’octroi de sa marque à une compagnie israélienne détenue indépendamment, Partner Communications Ltd. et en lui vendant des équipements et d’autres services.
Une aide à l’attaque de Gaza
Les avions et l’artillerie israéliens ont fait tomber l’équivalent d’une bombe atomique sur Gaza pendant 51 jours en juillet et août dernier, détruisant de vastes zones et tuant plus de 2 200 Palestiniens et parmi eux plus de 500 enfants.
D’après Amnesty International, les forces israéliennes ont opéré avec "une impitoyable indifférence envers le carnage causé" par leurs attaques.
Des familles entières ont été annihilées pendant que les forces israéliennes visaient les habitations civiles systématiquement et délibérément.
Au cours de cette horreur qu’Israël a qualifiée « opération Bordure protectrice », Orange a été sur la ligne de front, fournissant un soutien matériel et élevant le moral de ceux qui menaient l’assaut.
D’après Israel Hayom, Orange exonéra de frais de service les soldats « situés dans la zone autour de Gaza » pendant l’attaque.
Pendant l’attaque, Orange envoya quotidiennement « trois unités mobiles aux points rencontre des soldats autour de Gaza », d’après le site Web Frumline dans un article du 22 juillet 2014 intitulé « Orange en action à la frontière en raison de l’opération Bordure protectrice ».
« Les unités mobiles sont équipées de générateurs, de chargeurs pour tous les types d’appareils, de centaines de batteries préchargées et de portables pour permettre aux soldats d’être en contact avec chez eux », indiquait Frumline.
À Gaza, les Palestiniens qui ont survécu à l’attaque ont parlé de soldats israéliens exécutant leurs proches de sang-froid.
Dans le même temps, en Israël, des dizaines d’employés d’Orange se dispersaient dans le pays, rendant visite aux soldats israéliens « et distribuant des tablettes tactiles pour rendre plus agréable leur séjour à l’hôpital. »
« Adoptez un soldat »
Le soutien d’Orange à l’armée israélienne date de bien avant l’attaque contre Gaza l’été dernier.
« Notre lien actuel avec les troupes a commencé avec l’établissement du projet Adoptez un Soldat de l’Association pour le Bien-être des Soldats d’Israël », explique Orange dans la page « responsabilité de l’entreprise » de son site.
Dans le cadre de ce projet, la compagnie a « adopté » deux unités : la compagnie de chars "Ezuz" depuis 2005 et, depuis 2008, l’unité "Shachar" de recherches et sauvetage. Des dizaines d’entreprises, en grande majorité israéliennes, participent au projet Adopt A Soldier – « Ametz Lohem » en hébreu. Parmi les plus connues internationalement, on trouve la compagnie aérienne El Al et Strauss, le fabricant du houmous Sabra.
La participation d’une multinationale comme Orange se singularise – la seule autre firme internationale reconnaissable est le cabinet d’audits financiers Ernst & Young, qui parraine une unité de drones.
D’après le site Internet d’Orange, « l’adoption » consiste en « des activités conjointes de soldats avec des employés de la compagnie, par exemple : sports, utilisation des installations de la compagnie pour l’entraînement et des conférences, soutien aux soldats isolés, accompagnement des soldats démobilisés dans leur parcours vers la vie civile et financement d’activités de divertissement à l’échelle de bataillons : randos, journée d’athlétisme, cérémonies de décoration de soldats exemplaires, etc. ».
Un article du numéro de novembre 2014 du magazine militaire israélien Shiryon (hébreu pour « Armure ») et révèle que l’unité « Ezuz » a participé directement à l’attaque de Gaza et était présente au moment et sur les lieux ou des centaines de civils ont été tués et des milliers de maisons détruites.
Le Lieutenant colonel commandant d’unité, Aryeh Berger, a déclaré à Shiryon qu’« Ezuz » faisait partie des forces qui ont envahi Deir al-Balah au centre de la bande de Gaza. Il a indiqué que là, ses hommes ont « attaqué des maisons des militants de Hamas » et « purifié » les immeubles.
Human Rights Watch a condamné et qualifié d’« illégal » le ciblage délibéré des maisons par Israël sous le prétexte qu’elles auraient appartenu aux familles de personnes associées à Hamas ou à d’autres organisations armées de résistance.
Berger a aussi révélé que son unité a été active dans la zone de Khan Younis au sud de Gaza dans la même période où la capture près de Rafah d’un soldat israélien, Hadar Goldin de la brigade Givati, a été annoncée. La capture s’est produite le 1er août 2014.
Ceci situe l’unité « Ezuz » dans deux zones spécifiques ou des tueries massives ont eu lieu. Berger révèle que dans la zone de Khan Younis, ses forces avaient pour tâche « d’isoler » un village – qu’il ne nomme pas. Une fois la capture de Goldin annoncée, dit Berger, « il fallut quitter notre tâche en urgence pour renforcer la brigade Givati, et nous y sommes arrivés en trois heures. »
Le Centre palestinien des droits de l’homme a rapporté que des dizaines de civils ont été tués dans et autour de Khan Younis par des bombardements aériens et de l’artillerie provenant de tanks et de navires de guerre.
Le 1er août, au cours d’un bref « cessez-le-feu humanitaire », des équipes médicales, des journalistes et des habitants sont entrés dans le village de Khuzaa, à l’est de Khan Younis, qui avait été assiégé par les forces israéliennes. Ils découvrirent les corps de dizaines de civils tués.
Certains avaient été tués alors qu’ils tentaient de fuir en agitant des drapeaux blancs. D’autres moururent quand leur maison fut détruite au-dessus d’eux.
La chaîne britannique Channel 4 documenta les scènes de destruction et de carnage quand les gens entrèrent dans le village le 1er août (documentaire en anglais) :
À Rafah – probablement là où « Ezuz » s’est redéployé pour renforcer la brigade « Givati » après l’annonce de la capture de Goldin – les forces israéliennes ont accompli ce qu’on appelle la « Directive Hannibal » : un bombardement en tapis de la ville par voie de terre, mer et air, tuant plus de 200 civils et détruisant plus de 2 500 maisons.
Il y eut tant de morts que les hôpitaux furent obligés d’entreposer les corps et les membres dans des glacières pour aliments .
Le commandant Berger d’« Ezuz » déclara qu’à Gaza, il ordonna à ses hommes de ne pas rouler sur les routes ou par les carrefours. Quand les commandants de tanks demandèrent où ils devaient passer, Berger répondit : « Partout ailleurs ! »
Il considéra l’assaut sur Gaza comme une rare occasion d’entraînement :
« J’ai affecté à un de mes commandants de compagnie de documenter cela par vidéo, pour qu’on puisse l’illustrer à l’entraînement, en leur montrant par exemple comment un tank roule dans un verger, parce qu’ils croient que ce n’est pas possible, ou comment les tanks tirent dans différentes situations. Parce qu’à l’entraînement, on ne dispose pas de zones de vergers sur lesquelles passer et repasser, ni d’une variété de maisons vivantes sur lesquelles tirer. »
Voilà l’unité qu’Orange a parrainée pendant une décennie.
Orange dit qu’il a un programme mondial complet de « responsabilité sociale d’entreprise. »
La compagnie prétend que « notre engagement d’entreprise citoyenne donne le même sens à toutes nos activités : faire du numérique un accélérateur de progrès pour la société et pour chacun. »
Mais en soutenant l’armée israélienne via sa filiale israélienne, Orange a aidé à accélérer la destruction de la société palestinienne et à tuer et blesser des milliers de gens.
Malgré le fait qu’Orange ne possède pas Partner Communications Ltd., il reste responsable et doit rendre compte des activités de Partner menées en son nom et sous sa marque. Orange tire directement profit des activités de Partner via son accord de redevance, fournit Partner en équipements et est responsable de la gestion et de la réputation de la marque Orange dans le monde entier.
Promouvoir Israël
Circonstance aggravante, la compagnie mère semble être pleinement complice en aidant Israël à blanchir sa réputation. En mai 2014, son groupe de réflexion Orange Institute a sponsorisé une conférence à Tel-Aviv et à Jérusalem intitulée « Comment Israël est devenu un labo technologique pour le monde. »
Le matériel promotionnel déclarait qu’en 2014 « la formule d’ Israël nation start-up luit encore plus brillamment qu’à la première visite d’Orange Institute en 2011. »
Et Orange Institute de s’épancher : « De ce petit pays de 8 millions d’habitants, nous continuons de constater d’énormes retours [sur investissement]. »
La conférence fit la promotion de sujets tels que « l’emploi des drones civils » et « les innovations de cyber-sécurité dans le cyber-écosystème israélien. »
Orange veut s’attribuer le mérite d’initiatives « soutenant la culture numérique » et promouvant « des solutions écologiques. »
Il devrait être aussi tenu responsable de sa complicité dans les crimes de guerre d’Israël à Gaza. Les consommateurs pourraient le faire en refusant d’être des clients d’Orange.
Orange est déjà mis sous la pression de la société civile française à propos de la complicité dans la colonisation israélienne de la Cisjordanie occupée et du plateau du Golan de sa filiale israélienne. Une déclaration signée par des dizaines d’organisations françaises appelle Orange à mettre fin à son accord avec Partner Communications Ltd. à cause des opérations de ce dernier dans les territoires occupés.
L’an dernier, le gouvernement français a averti les entreprises françaises des risques de faire des affaires dans les colonies israéliennes des territoires occupés, qui sont illégales aux yeux du droit international.
Mais la possibilité existe aussi que des Palestiniens – individuellement ou au titre d’organisations des droits humains – cherchent à tenir Orange responsable de la fourniture d’un soutien matériel à des crimes de guerre – y compris sous la forme d’équipements fournis à Partner - dans le cadre de la doctrine émergente de la responsabilité d’entreprise pour les graves violations des droits humains.
Le bureau de presse du siège parisien d’Orange n’a pas répondu à des demandes réitérées de commenter.