Le 20 octobre, une délégation d’E&R était présente à la conférence donnée par Jacques Cheminade à Paris. Voici les faits saillants de cette intervention.
1 – Le résumé des évènements passés
Jacques Cheminade fait observer que les évènements actuels donnent raison à l’économiste américain Lyndon Larouche, qui annonce depuis des années qu’une crise financière monstrueuse résultera de l’endettement croissant de l’ensemble des acteurs économiques, et de la spéculation sans frein qui se donne libre cours sur les marchés dérivés. Il en déduit qu’il faut espérer qu’à présent, on suivra les prescriptions du même Larouche – seul moyen, d’après lui, d’éviter la dépression hyperinflationniste à nos portes. Il souligne que le sujet du « Nouveau Bretton Woods » est maintenant sur la table, et que Nicolas Sarkozy, en appelant Bush à un sommet général (G8 + G5) consacré à la crise financière, a été « moins mauvais que ce qu’on pouvait craindre ».
Suit un exposé détaillé de la situation actuelle. La bulle financière sur les marchés dérivés a atteint 600.000 milliards de dollars, soit près de 10 ans du produit brut mondial. C’est un chiffre qu’on ne parvient plus à modéliser. Ce résultat stupéfiant a été atteint parce que le système, emporté par son propre élan, est devenu une machine à fabriquer de l’argent imaginaire.
Cheminade rappelle ensuite le long chemin que nous avons fait pour arriver à cette aberration. En 1967, les banques centrales concluent un accord secret pour ne plus exiger la contrepartie or de leurs dollars. Seule la Banque de France refuse (et on sait comment la France en fut punie, en un certain mois de mai). En 1971, conséquence : abandon officiel de la convertibilité or du dollar. Le monétarisme étant de règle, en 1973, le Trésor français ne peut plus présenter ses effets à l’escompte de la Banque de France : dès lors, l’Etat doit se financer sur les marchés, c’est le début de la bulle de la dette publique. En 1986, Margaret Thatcher dérèglemente totalement la bourse de Londres. Conséquence : en 1987, un krach balaye les bourses mondiales. Entre 1987 et 2007, pour continuer à alimenter ce système financier devenu fou, la main d’œuvre des pays émergents est esclavagisée – un pillage qui permet momentanément de continuer à faire tourner une machine économique en réalité incapable d’alimenter solidement une économie financiarisée devenue folle. Dès lors, le système ne fonctionne plus qu’en pillant successivement tous les compartiments de l’économie réelle.
Trois affaires emblématiques :
En 1999, en pleine affaire Lewinsky, Clinton sous la pression signe le décret qui permet la fusion aux USA des banques d’affaires et des banques de dépôt – le pillage des patrimoines commence.
L’année suivante, le spéculateur George Soros oblige la Grande-Bretagne à désarrimer la Livre du système monétaire européen. La finance spéculative dicte sa loi aux Etats.
En 2001, après le crash de la bulle Internet, l’économie américaine ne parvient pas à sortir de la récession. Seul moyen de relancer la croissance : toujours plus d’endettement. Alan Greenspan propose des taux directeurs artificiellement bas. Résultat : gonflement d’une bulle de l’endettement privé, qui explose finalement en 2007, avec les crédits « subprime ».
Cette crise des subprimes contamine progressivement l’ensemble des activités financières. La titrisation fait qu’il est impossible de créer une structure de quarantaine pour les actifs toxiques. L’année 2008 marque donc la fin des banques d’affaires. L’Etat les rachète, les laisse tomber en faillite (Lehman Brothers) ou les transforme en holdings.
Cependant, le krach ne s’arrêtera pas là. Sachant parfaitement que le système pouvait craquer à tout moment, les marchés se sont organisés pour spéculer sur leur propre faillite. Les Credit Default Swaps permettaient aux banques de parier sur la faillite possible de leurs concurrentes : il y en aurait en tout pour 60.000 milliards de dollars, pratiquement une année du produit brut mondial. La prochaine étape de la crise viendra de là : le 25 octobre, les CDS relatifs à la banque Lehman vont arriver à échéance. On saura alors qui sont les victimes colatérales. Puis, le 31/12/2008, arrivera l’échéance où les hedge funds devront présenter leurs comptes. Ces spécialistes des effets de levier tous azimuts ont beaucoup souffert. Les spéculateurs sont en train de retirer leurs fonds à toute vitesse. 10 % des hedge funds pourraient faire faillite fin 2008, ce qui marquera peut-être le début de l’implosion complète du système, et le déclenchement d’une crise systémique impossible à maîtriser.
2 – Les perspectives à moyen terme
Pour l’instant, c’est la proposition britannique, formulée par le Premier Ministre Gordon Brown, qui s’est imposée. Il s’agit de construire une régulation non pour changer le système, mais pour le maintenir. Brown propose que ce soit des « colleges » de banquiers qui régulent le système. C’est exactement ce qui est en train de se passer aux USA, où Henri Paulson a confié à un de ses anciens collègues de Goldman Sachs le soin de distribuer la manne du « Plan Paulson ». En pratique, cela veut dire que pour sauver les banques, on leur donne les moyens de taper dans l’épargne des citoyens contribuables. C’est un pillage.
Il n’y a aucune opposition réelle au sein du bloc institutionnel politique. Aux USA, Obama, qui passe pour un « homme de gauche », a dit qu’il était d’accord avec McCain ? pour que les Américains ruinés par l’effondrement des fonds de retraite par capitalisation puissent travailler plus longtemps, retardant leur retraite – et cela est présenté comme une mesure « sociale ».
Dans ces conditions, il y a un vrai risque de révolte des classes moyennes. Le Pouvoir s’y prépare. On sait que des troupes d’active ont été ramenées d’Irak, éventuellement pour faire face à des émeutes sur le sol américain.
Voilà où nous conduit le « faux nouveau Bretton Woods » proposé par l’oligarchie.
A l’inverse, que serait un vrai nouveau Bretton Woods ?
Jacques Cheminade esquisse les pistes suivantes :
mise en redressement judiciaire de l’ensemble du système financier (procédure d’exception),
tri entre les créances légitimes et les autres,
fermeture de tous les paradis fiscaux (le plus important étant, selon Cheminade, la City de Londres),
relance par un système de crédits productifs publics orientés stratégiquement (New Deal).
Il s’agit donc très clairement d’une proposition néo-keynésienne, visant à sauvegarder les structures du capitalisme en le faisant encadrer par la régulation des Etats-nations, se coordonnant dans le cadre d’accords multilatéraux équilibrés (esprit du traité de Westphalie : « en aidant les autres, je m’aide moi-même, car ce qui est bon pour eux le sera pour moi. »)
3 – Les questions posées par les membres d’E&R
Nous avons posé trois questions à Jacques Cheminade :
« Comment faire, concrètement, pour agir ? Pour agir sur le plan politique, il faut disposer d’une base militante motivée et prête à l’action. Cela implique qu’on doit pouvoir re-politiser, en partie au moins, une population que le système a dépolitisée. Notre proposition : redonner un sens à la patrie, car le patriotisme, manifestation de la conscience nationale, est une des fondations de la conscience politique. Qu’en pensez-vous ? »
Jacques Cheminade n’a pas directement répondu à la question concernant le retour au patriotisme. Il estime que le fond du problème, c’est le narcissisme passif dans lequel le système a progressivement enfermé la masse. Les gens doivent réapprendre à affronter le regard de l’autre, au lieu de se contempler dans leur miroir. Pour lui, il faut recréer un sens du bien public, et cela commence par la réhabilitation de la guerre intérieure, par laquelle l’individu apprend à se mobiliser. La réponse, estime-t-il, viendra de leaders qui sauront, par leur action concrète, sur le terrain, lancer des initiatives efficaces et mobilisatrices. Nous avons constaté qu’il contournait la question du patriotisme.
« Vous dîtes que la dette non recouvrable qui risque de se retrouver en masse monétaire, c’est la dette des acteurs financiers. Mais ce ne sont là que purs jeux d’écriture. Ne doit-on pas considérer que la dette qui sera finalement couverte par l’inflation, c’est uniquement la dette des acteurs non financiers, dette qui en dernière analyse soutient toutes les autres ? La différence est énorme. La dette des acteurs non financiers, au niveau de l’économie occidentale, avoisine 68.000 milliards de dollars – ce n’est pas la même chose que les 600.000 milliards de dollars que vous estimez pour la dette des acteurs financiers. 68.000 milliards, c’est beaucoup trop, mais même si la moitié est finalement effacée par inflation, même s’il y a des pertes en ligne pour que les banques refassent un matelas de sécurité, cela n’implique qu’un phénomène de stagflation, les années 70 en pire, pas l’Allemagne de Weimar. Pour arriver à un scénario Weimar, il faut que ce soit les jeux d’écriture entre acteurs de l’économie financiarisés qui soient systématiquement couverts par inflation. Pensez-vous vraiment que nos dirigeants prennent cette direction-là ? »
Sur ce plan, la réponse de Jacques Cheminade a été très claire. Oui, le plan Paulson entre dans une logique de compensation systématique de TOUTES les dettes, au cas par cas, y compris celles qui ne correspondant qu’à des jeux d’écriture sans contrepartie physique aucune. En conséquences, si l’on continue dans cette direction, c’est bien les 600.000 milliards qu’il faut prendre comme référence des défaillances potentielles à couvrir par inflation.
Comme cette réponse nous faisait dresser les cheveux sur la tête, nous lui avons demandé de confirmer. Comment les dirigeants pourraient-ils être assez fous pour ouvrir une pareille boîte de Pandore ? Ce serait la porte ouverte à n’importe quoi, puisqu’à ce compte-là, la finance mondialisée risque d’en venir à se fabriquer de la dette pour justifier un pillage sans cesse accru.
Il nous a répondu que l’énorme accumulation de dettes financières est la raison d’être des milieux financiers globalisés, et qu’en conséquence ils n’y renonceraient jamais, quitte à rendre tout le système monétaire totalement absurde.
Ce qui est inquiétant, c’est que jusqu’ici, Cheminade a eu raison. Or, s’il a raison cette fois-ci, cela veut dire que nous allons assister à une catastrophe jamais vue.
« En tout état de cause, pour l’instant, nous assistons à une déflation d’actif, les acteurs spécialisés dans l’effet de levier liquidant leurs actifs pour dégager des liquidités, et le credit crunch asséchant la demande immobilière. Mais effectivement, tôt ou tard, la dynamique inflationniste du plan Paulson va prendre le relais de cette dynamique déflationniste, et l’inflation remplacera la déflation. Avez-vous une idée du temps de latence nécessaire pour passer d’un contexte déflationniste à un contexte inflationniste ? »
Nous posions la question surtout parce que, du point de vue des mouvements politiques français, un des enjeux de la crise actuelle est de savoir si les conséquences réelles de l’affaire vont apparaître avant les échéances électorales européennes et régionales.
Jacques Cheminade nous a répondu que tout d’abord, en toute honnêteté, il n’avait pas de boule de cristal et ne pouvait pas nous répondre de manière très précise. Cependant, à son avis, le passage au contexte inflationniste sera rapide : une affaire de mois, pas d’années. Cette réponse laisse penser que les conséquences de la dynamique enclenchée par la crise financière seront très perceptibles dès le premier semestre 2009. Nous en avons pris bonne note, avant de le remercier pour les éclaircissements qu’il nous avait donnés.
E&R
1 – Le résumé des évènements passés
Jacques Cheminade fait observer que les évènements actuels donnent raison à l’économiste américain Lyndon Larouche, qui annonce depuis des années qu’une crise financière monstrueuse résultera de l’endettement croissant de l’ensemble des acteurs économiques, et de la spéculation sans frein qui se donne libre cours sur les marchés dérivés. Il en déduit qu’il faut espérer qu’à présent, on suivra les prescriptions du même Larouche – seul moyen, d’après lui, d’éviter la dépression hyperinflationniste à nos portes. Il souligne que le sujet du « Nouveau Bretton Woods » est maintenant sur la table, et que Nicolas Sarkozy, en appelant Bush à un sommet général (G8 + G5) consacré à la crise financière, a été « moins mauvais que ce qu’on pouvait craindre ».
Suit un exposé détaillé de la situation actuelle. La bulle financière sur les marchés dérivés a atteint 600.000 milliards de dollars, soit près de 10 ans du produit brut mondial. C’est un chiffre qu’on ne parvient plus à modéliser. Ce résultat stupéfiant a été atteint parce que le système, emporté par son propre élan, est devenu une machine à fabriquer de l’argent imaginaire.
Cheminade rappelle ensuite le long chemin que nous avons fait pour arriver à cette aberration. En 1967, les banques centrales concluent un accord secret pour ne plus exiger la contrepartie or de leurs dollars. Seule la Banque de France refuse (et on sait comment la France en fut punie, en un certain mois de mai). En 1971, conséquence : abandon officiel de la convertibilité or du dollar. Le monétarisme étant de règle, en 1973, le Trésor français ne peut plus présenter ses effets à l’escompte de la Banque de France : dès lors, l’Etat doit se financer sur les marchés, c’est le début de la bulle de la dette publique. En 1986, Margaret Thatcher dérèglemente totalement la bourse de Londres. Conséquence : en 1987, un krach balaye les bourses mondiales. Entre 1987 et 2007, pour continuer à alimenter ce système financier devenu fou, la main d’œuvre des pays émergents est esclavagisée – un pillage qui permet momentanément de continuer à faire tourner une machine économique en réalité incapable d’alimenter solidement une économie financiarisée devenue folle. Dès lors, le système ne fonctionne plus qu’en pillant successivement tous les compartiments de l’économie réelle.
Trois affaires emblématiques :
En 1999, en pleine affaire Lewinsky, Clinton sous la pression signe le décret qui permet la fusion aux USA des banques d’affaires et des banques de dépôt – le pillage des patrimoines commence.
L’année suivante, le spéculateur George Soros oblige la Grande-Bretagne à désarrimer la Livre du système monétaire européen. La finance spéculative dicte sa loi aux Etats.
En 2001, après le crash de la bulle Internet, l’économie américaine ne parvient pas à sortir de la récession. Seul moyen de relancer la croissance : toujours plus d’endettement. Alan Greenspan propose des taux directeurs artificiellement bas. Résultat : gonflement d’une bulle de l’endettement privé, qui explose finalement en 2007, avec les crédits « subprime ».
Cette crise des subprimes contamine progressivement l’ensemble des activités financières. La titrisation fait qu’il est impossible de créer une structure de quarantaine pour les actifs toxiques. L’année 2008 marque donc la fin des banques d’affaires. L’Etat les rachète, les laisse tomber en faillite (Lehman Brothers) ou les transforme en holdings.
Cependant, le krach ne s’arrêtera pas là. Sachant parfaitement que le système pouvait craquer à tout moment, les marchés se sont organisés pour spéculer sur leur propre faillite. Les Credit Default Swaps permettaient aux banques de parier sur la faillite possible de leurs concurrentes : il y en aurait en tout pour 60.000 milliards de dollars, pratiquement une année du produit brut mondial. La prochaine étape de la crise viendra de là : le 25 octobre, les CDS relatifs à la banque Lehman vont arriver à échéance. On saura alors qui sont les victimes colatérales. Puis, le 31/12/2008, arrivera l’échéance où les hedge funds devront présenter leurs comptes. Ces spécialistes des effets de levier tous azimuts ont beaucoup souffert. Les spéculateurs sont en train de retirer leurs fonds à toute vitesse. 10 % des hedge funds pourraient faire faillite fin 2008, ce qui marquera peut-être le début de l’implosion complète du système, et le déclenchement d’une crise systémique impossible à maîtriser.
2 – Les perspectives à moyen terme
Pour l’instant, c’est la proposition britannique, formulée par le Premier Ministre Gordon Brown, qui s’est imposée. Il s’agit de construire une régulation non pour changer le système, mais pour le maintenir. Brown propose que ce soit des « colleges » de banquiers qui régulent le système. C’est exactement ce qui est en train de se passer aux USA, où Henri Paulson a confié à un de ses anciens collègues de Goldman Sachs le soin de distribuer la manne du « Plan Paulson ». En pratique, cela veut dire que pour sauver les banques, on leur donne les moyens de taper dans l’épargne des citoyens contribuables. C’est un pillage.
Il n’y a aucune opposition réelle au sein du bloc institutionnel politique. Aux USA, Obama, qui passe pour un « homme de gauche », a dit qu’il était d’accord avec McCain ? pour que les Américains ruinés par l’effondrement des fonds de retraite par capitalisation puissent travailler plus longtemps, retardant leur retraite – et cela est présenté comme une mesure « sociale ».
Dans ces conditions, il y a un vrai risque de révolte des classes moyennes. Le Pouvoir s’y prépare. On sait que des troupes d’active ont été ramenées d’Irak, éventuellement pour faire face à des émeutes sur le sol américain.
Voilà où nous conduit le « faux nouveau Bretton Woods » proposé par l’oligarchie.
A l’inverse, que serait un vrai nouveau Bretton Woods ?
Jacques Cheminade esquisse les pistes suivantes :
mise en redressement judiciaire de l’ensemble du système financier (procédure d’exception),
tri entre les créances légitimes et les autres,
fermeture de tous les paradis fiscaux (le plus important étant, selon Cheminade, la City de Londres),
relance par un système de crédits productifs publics orientés stratégiquement (New Deal).
Il s’agit donc très clairement d’une proposition néo-keynésienne, visant à sauvegarder les structures du capitalisme en le faisant encadrer par la régulation des Etats-nations, se coordonnant dans le cadre d’accords multilatéraux équilibrés (esprit du traité de Westphalie : « en aidant les autres, je m’aide moi-même, car ce qui est bon pour eux le sera pour moi. »)
3 – Les questions posées par les membres d’E&R
Nous avons posé trois questions à Jacques Cheminade :
« Comment faire, concrètement, pour agir ? Pour agir sur le plan politique, il faut disposer d’une base militante motivée et prête à l’action. Cela implique qu’on doit pouvoir re-politiser, en partie au moins, une population que le système a dépolitisée. Notre proposition : redonner un sens à la patrie, car le patriotisme, manifestation de la conscience nationale, est une des fondations de la conscience politique. Qu’en pensez-vous ? »
Jacques Cheminade n’a pas directement répondu à la question concernant le retour au patriotisme. Il estime que le fond du problème, c’est le narcissisme passif dans lequel le système a progressivement enfermé la masse. Les gens doivent réapprendre à affronter le regard de l’autre, au lieu de se contempler dans leur miroir. Pour lui, il faut recréer un sens du bien public, et cela commence par la réhabilitation de la guerre intérieure, par laquelle l’individu apprend à se mobiliser. La réponse, estime-t-il, viendra de leaders qui sauront, par leur action concrète, sur le terrain, lancer des initiatives efficaces et mobilisatrices. Nous avons constaté qu’il contournait la question du patriotisme.
« Vous dîtes que la dette non recouvrable qui risque de se retrouver en masse monétaire, c’est la dette des acteurs financiers. Mais ce ne sont là que purs jeux d’écriture. Ne doit-on pas considérer que la dette qui sera finalement couverte par l’inflation, c’est uniquement la dette des acteurs non financiers, dette qui en dernière analyse soutient toutes les autres ? La différence est énorme. La dette des acteurs non financiers, au niveau de l’économie occidentale, avoisine 68.000 milliards de dollars – ce n’est pas la même chose que les 600.000 milliards de dollars que vous estimez pour la dette des acteurs financiers. 68.000 milliards, c’est beaucoup trop, mais même si la moitié est finalement effacée par inflation, même s’il y a des pertes en ligne pour que les banques refassent un matelas de sécurité, cela n’implique qu’un phénomène de stagflation, les années 70 en pire, pas l’Allemagne de Weimar. Pour arriver à un scénario Weimar, il faut que ce soit les jeux d’écriture entre acteurs de l’économie financiarisés qui soient systématiquement couverts par inflation. Pensez-vous vraiment que nos dirigeants prennent cette direction-là ? »
Sur ce plan, la réponse de Jacques Cheminade a été très claire. Oui, le plan Paulson entre dans une logique de compensation systématique de TOUTES les dettes, au cas par cas, y compris celles qui ne correspondant qu’à des jeux d’écriture sans contrepartie physique aucune. En conséquences, si l’on continue dans cette direction, c’est bien les 600.000 milliards qu’il faut prendre comme référence des défaillances potentielles à couvrir par inflation.
Comme cette réponse nous faisait dresser les cheveux sur la tête, nous lui avons demandé de confirmer. Comment les dirigeants pourraient-ils être assez fous pour ouvrir une pareille boîte de Pandore ? Ce serait la porte ouverte à n’importe quoi, puisqu’à ce compte-là, la finance mondialisée risque d’en venir à se fabriquer de la dette pour justifier un pillage sans cesse accru.
Il nous a répondu que l’énorme accumulation de dettes financières est la raison d’être des milieux financiers globalisés, et qu’en conséquence ils n’y renonceraient jamais, quitte à rendre tout le système monétaire totalement absurde.
Ce qui est inquiétant, c’est que jusqu’ici, Cheminade a eu raison. Or, s’il a raison cette fois-ci, cela veut dire que nous allons assister à une catastrophe jamais vue.
« En tout état de cause, pour l’instant, nous assistons à une déflation d’actif, les acteurs spécialisés dans l’effet de levier liquidant leurs actifs pour dégager des liquidités, et le credit crunch asséchant la demande immobilière. Mais effectivement, tôt ou tard, la dynamique inflationniste du plan Paulson va prendre le relais de cette dynamique déflationniste, et l’inflation remplacera la déflation. Avez-vous une idée du temps de latence nécessaire pour passer d’un contexte déflationniste à un contexte inflationniste ? »
Nous posions la question surtout parce que, du point de vue des mouvements politiques français, un des enjeux de la crise actuelle est de savoir si les conséquences réelles de l’affaire vont apparaître avant les échéances électorales européennes et régionales.
Jacques Cheminade nous a répondu que tout d’abord, en toute honnêteté, il n’avait pas de boule de cristal et ne pouvait pas nous répondre de manière très précise. Cependant, à son avis, le passage au contexte inflationniste sera rapide : une affaire de mois, pas d’années. Cette réponse laisse penser que les conséquences de la dynamique enclenchée par la crise financière seront très perceptibles dès le premier semestre 2009. Nous en avons pris bonne note, avant de le remercier pour les éclaircissements qu’il nous avait donnés.
E&R