Face aux accusations récurrentes de misogynie venue d’Occident, le président turc Recep Tayyip Erdogan a rappelé la vision de la femme développée par le judaïsme.
Des propos rapportés par le quotidien turc Hurriyet :
« Je m’adresse à ceux qui parlent des droits des femmes. Pourquoi ne pas élever vos voix contre les juifs, qui remercient Dieu dans leurs prières de ne pas avoir été créés en tant que femmes ? Existe-t-il une logique plus avilissante pour les femmes que celle-ci ? »
Une déclaration qui n’a rien de fantaisiste, comme en témoigne cet article du Monde du 29 décembre 2011 :
« Des femmes à qui on demande d’aller s’asseoir au fond du bus pour ne pas troubler les hommes dans leur voyage, des femmes que l’on fait taire au prétexte que leur voix constituerait, selon les textes religieux, “une nudité”, des trottoirs séparés entre les sexes dans certains quartiers, des publicités où des visages de femme sont arrachés, des passantes insultées et humiliées parce que leur chevelure n’est pas assez couverte ou leurs manches pas assez longues.
Ces scènes se sont passées dans plusieurs villes israéliennes, Ashdod, Jérusalem, Bet Shemesh... où des groupuscules ultraorthodoxes tentent d’effacer ou de voiler la présence féminine dans la sphère publique. »
La sortie du président turc s’ajoute à ses nombreuses prises de positions antisionistes depuis l’opération militaire israélienne de décembre 2008-janvier 2009 dans la bande de Gaza. Alors que l’attaque venait de s’achever (895 civils palestiniens assassinés), le Premier ministre turc avait notamment quitté un débat avec Shimon Peres, le 29 janvier 2009, au Forum économique mondial à Davos. Un coup d’éclat dû à une interruption de son argumentaire par le modérateur du débat, qui n’était pas intervenu pendant le vibrant plaidoyer de 25 minutes du président israélien et prix Nobel de la paix en faveur de l’attaque de Gaza par Tsahal. Un court discours dans lequel Erdogan s’était permis de citer le jazzman juif antisioniste Gilad Atzmon :
À cette époque, les relations diplomatiques turco-israéliennes s’étaient nettement refroidies et lors d’une visite à Paris en avril 2010, Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre, avait qualifié Israël de « principale menace pour la paix régionale ». Le mois suivant, l’attaque par Tsahal d’une flottille humanitaire turque pour Gaza provoquait une rupture temporaire des liens diplomatiques entre les deux pays. En 2013, Erdogan s’était même retrouvé à la deuxième place du « classement mondial des antisémites » établi par le Centre Simon Wiesenthal. Cette année-là, des membres de son gouvernement avaient imputé à la « diaspora juive » la responsabilité des manifestations antigouvernement de décembre 2013. Puis Erdogan, alors Premier ministre, avait estimé que le renversement militaire de Mohamed Morsi en Égypte avait été instigué par Israël.
Antisionisme réel ou simples rodomontades ?
Cette posture antisioniste assumée par le chantre d’un « néo-ottomanisme » empreint de « realpolitik » ne doit toutefois pas occulter le fait que la Turquie reste un des principaux alliés d’Israël dans le monde musulman.
En effet, la Turquie, comme candidate à l’entrée dans l’Union européenne et membre éminent de l’OTAN (soit les deux piliers du sionisme international), reste l’allié essentiel de l’Occident et d’Israël dans le monde musulman. C’est ainsi qu’à partir de 2011, la Turquie s’est muée en porte d’entrée et base arrière de l’internationale djihadiste à l’œuvre dans la destruction de la Syrie. Dans ce dossier, Erdogan a été l’allié objectif le plus précieux d’Israël, pour qui la Syrie de Bachar al-Assad constituait un problème majeur du fait de sa position géographique et stratégique au cœur du « croissant chiite » (Iran-Syrie-Sud Liban). Plus récemment, en février 2013, le gouvernement Erdogan signait encore un important accord portant sur la vente par Israël de systèmes électroniques aériens à la Turquie.
Recep Tayyip Erdogan n’ayant pas changé radicalement la politique de la Turquie vis-à-vis de l’État d’Israël depuis sa prise de pouvoir en mars 2003, ses déclarations tapageuses sur la question palestinienne ne seraient-elles qu’un « plan com’ », une sorte de « soft power » turc vis-à-vis de la « rue arabe » ?