Je voudrais tout d’abord remercier les organisateurs de cette université d’automne qui m’ont convié à traiter du thème « Penser en terme de géopolitique ».
La géopolitique, on en parle beaucoup, mais sait-on réellement ce que c’est ?
Je vais donc dans un premier temps rappeler ce qu’elle est, puis dans un second quels sont les grands axes du combat géopolitique qui se déroule actuellement avant de montrer comme cette science nous oblige à faire des choix qui doivent être issus de nos cerveaux et non pas de nos tripes.
Tout d’abord, qu’est-ce donc que la géopolitique ?
C’est la branche de la science politique, parfois appelée « géographie dynamique », qui étudie la part active prise par le milieu géographique dans la détermination des événements politiques et historiques affectant la population d’un territoire donné. Elle se distingue de la géographie politique dans la mesure où elle ne traite pas seulement de la situation naturelle des États et des peuples, mais aussi et surtout de la façon dont cette situation naturelle influe sur leur formation et leurs destins.
Elle tire son origine des travaux du géographe allemand Friedrich Ratzel, mais ce n’est qu’en 1916, qu’un suédois, Rudolf Kjellen, en fait une notion autonome. Cette science va être développée et enrichie, tout particulièrement, par deux personnalités dont tout le monde, ou presque, connaît le nom : l’anglais Halford John Mackinder et l’allemand Karl Haushofer.
On doit à Mackinder l’idée que le monde doit être perçu à partir d’une cartographie polaire et non d’une projection mercatorienne. On observe alors notre planète comme une totalité sur laquelle se situe une île mondiale formé par l’ensemble Europe-Afrique-Asie, au sein duquel se trouve une région-clef, le cœur du cœur, l’Heartland, qui correspond à la plaine s’étendant de l’Europe centrale à la Sibérie occidentale. La lutte pour la possession de ce secteur constitue pour Mackinder, au sens propre, le combat final, l’Endkampf. Il a résumé sa thèse en une phrase : « qui tient l’Europe orientale tient le Heartland, qui tient le Heartland domine l’île mondiale, qui domine l’île mondiale domine le monde ».
Opposé à cet Heartland, on a les « îles périphériques », les Outlyings Islands, soit l’Amérique et l’Australie, auxquelles on peut appliquer une devise parallèle : « Qui tient la mer tient le commerce du monde ; qui tient le commerce tient la richesse ; qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même ».
Cette vision géopolitique cristallise le rapport de force qui oppose les puissances thalassocratiques, nommées aussi puissance maritimes, (hier l’Angleterre, aujourd’hui les Etats-Unis) aux puissances continentales (hier l’Allemagne, puis l’URSS, aujourd’hui l’Europe, la Fédération de Russie et la Chine).
Mackinder a été complété par l’américain Nicholas Spykman qui a développé le concept de Rimland. Celui-ci étant le monde côtier formé par l’Asie des moussons et l’Europe péninsulaire que se disputent l’Heartland et la World Island et qui constituent l’enjeu historique, car, selon Spykman : « Qui contrôle le Rimland domine l’Eurasie ; qui domine l’Eurasie contrôle les destinées du monde »...
Pour sa part, Haushofer fait reposer sa conception du monde sur deux notions principales : l’espace, déterminé par l’étendue, les caractéristiques et le climat, et la position de cet espace par rapport aux espaces environnant. L’un des critères de l’action historique, précise-t-il, est le « sens de l’espace » ou aptitude à l’organiser en dotant le monde environnant d’un dynamisme créateur.
Développant ce que nous venons de voir, un certains nombre de chercheurs de moindre importance ont identifiés des lois géopolitiques subséquentes :
le désir d’étendre son territoires ou sa zone d’influence est un des signes les plus élémentaires de la bonne santé d’un État. Ce fait, disent les géopoliticiens, prévaut sur tous les principes, et nulle autorité internationale ne saurait l’empêcher. Qu’elles soient maritimes ou continentales, les grandes puissances sont conduites à l’expansion territoriale. D’un point de vue géopolitique, celle-ci apparaît comme une fatalité. Elle fait partie des caractères biologiques de l’État, ou à défaut d’un groupe d’État apparentés par leur comportement, et la logique de la vie lui commande de s’étendre.
un espace homogène ne peut jamais être définitivement fractionné.
un État artificiel créé par une grande puissance étrangère pour faciliter ses desseins n’a pas d’avenir et ne dure que le temps d’une politique.
a degré de coercition égale, la domination par une puissance continentale est plus durement perçue par le dominé que lorsqu’elle est le fait d’une puissance maritime. Cette dernière n’a, en effet, besoin que de bases sûres pour jalonner les routes maritimes mondiales, tandis que la première est obligée d’occuper l’espace total jusqu’à la mer.
lorsque les puissances qui s’opposent potentiellement sur le même enjeu sont de forces égales, la stratégie dérive sur les régions périphériques.
Enfin, il faut avoir conscience que la géopolitique n’est pas un pur déterminisme. Le milieu naturel ne constitue en effet que le cadre dans lequel interviennent les facteurs humains spécifiques. Seules cette intervention actualise ce qui, sinon, n’est que potentialité. L’expansion d’un État est ainsi plus fonction de la vitalité intrinsèque de ses citoyens que de fatalités uniquement territoriales.
Cela étant, et en tenant compte que ce que je viens de vous dire n’est qu’une introduction très simplifiée à la géopolitique, essayons maintenant de comprendre celle-ci au quotidien.
Pour rester très schématique, pour ne pas rentrer dans des complexités qui m’entraîneraient à déborder le temps qui m’est imparti, je vais me limiter à vous montrer la stratégie géopolitique suivie par les États-Unis pour affaiblir l’Heartland, que certains nomment la stratégie de l’anaconda et celle qu’il serait souhaitable de lui voir opposer.
Pour bien comprendre la situation, il faut avoir conscience de la centralité de la Russie comme région pivot de l’Eurasie et de l’importance de la Chine comme élément de stabilité et d’équilibre pour la masse continentale eurasiatique et pour la planète entière. On retrouve donc les éternelles tensions entre, d’une part les puissances thalassocratiques, représentées aujourd’hui par les USA, et d’autre part les puissances continentales, constituées principalement par la Russie et la Chine.
Après la dissolution de l’URSS, et un très important recul géopolitique de la puissance continentale russe, nous avons assisté à la mise au point et au renforcement d’importants dispositifs géopolitiques, tels que l’Organisation de la Conférence de Shanghai et l’Organisation du Traité de Sécurité Collective des Pays de la Confédération des États Indépendants, qui rassemblent la Russie et les principaux pays du continent asiatique. De tels dispositifs sont significativement ouverts aussi au Pakistan, à la Turquie et à l’Iran mais excluent les puissances occidentales et les USA.
L’œuvre patiente et continue de tissage de relations spéciales entre Russie, Inde, Chine, Iran et les pays d’Asie centrale, mise en oeuvre par Poutine, et diligemment poursuivie maintenant par Medvedev, a ralenti l’expansionnisme étasunien au cœur de l’Asie ; elle a aussi irrité fortement les lobbies européens et d’outre-atlantique qui espéraient, au début des années 1990, à force de « vagues démocratiques », ou de « bourrades démocratiques » - comme on le verra plus tard avec les agressions et les « guerres humanitaires » de l’Occident américano-centrique contre la Fédération yougoslave, l’Afghanistan, l’Irak, etc – qui espérait donc l’unification de la planète sous l’égide de Washington, champion de l’Humanité et, avant tout, la réalisation d’un gouvernement mondial fondé sur des critères libéraux de l’économie de marché. La fin de l’Histoire qu’on nous annonçait et qui ne s’est pas produite.
Sur l’échiquier mondial, s’est donc formé une sorte de bloc eurasiatique, qui n’en est pour le moment encore qu’à un stade embryonnaire et qui est déséquilibré vers la partie orientale de la masse continentale, à cause de l’absence de l’Europe comme entité politique cohérente et de son insertion artificielle dans le camp « occidentaliste ». Ce bloc a, en outre, et par effet de polarisation, favorisé les tendances continentalistes de certains gouvernements d’Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Venezuela et Bolivie), en mettant ainsi en valeur l’hypothèse, réaliste, d’un scénario multipolaire en cours de constitution, articulé sur des entités géopolitiques continentales.
Les USA qui ont été quelques années après l’implosion de l’URSS dans une situation de seul grande puissance mondiale ont pris conscience du danger que représentait pour eux une jonction des intérêts géopolitiques entre les grandes puissances eurasiatiques (Russie, Chine et Inde) et les tendances continentalistes de certains gouvernements sud-américains. Cela a amené les analystes du Département d’État et de certains think tanks atlantiques, a identifier les zones de crise potentielles dans les régions de la masse continentale eurasiatique – et du sous-continent indio-latin – du fait de tensions endogènes historiques et encore irrésolues, et a définir des scénarios géopolitiques qui soient en syntonie avec les desiderata et les intérêts globaux de Washington et du Pentagone.
C’est donc dans cette perspective d’opérations de déstabilisation et de pression sur la Chine, la Russie et l’Inde et sur certains gouvernements latino-américains que l’on doit interpréter certaines situations critiques qui sont proposées, avec une emphase variant selon le moment et le pays, à l’attention de l’opinion publique occidentale, par les principaux organes d’information.
Nous faisons ici référence à ce qu’on désigne comme la question de la minorité du peuple Karen et de la « révolte » couleur safran du Myanmar, aux questions du Tibet et de la minorité ouigour en République Populaire de Chine, à la déstabilisation du Pakistan, au conflit du Cachemire et au maintien d’une crise endémique dans la région afghane.
En instrumentalisant les tensions locales de certaines aires géostratégiques, les USA, avec leurs alliés occidentaux, ont lancé un processus de déstabilisation – de longue durée - de tout l’arc himalayen, véritable charnière continentale, qui va impliquer huit pays de l’espace eurasiatique (Népal où d’étranges maoistes soutenus par Washington mais dénoncés par Pékin viennent de prendre le pouvoir dans l’indifférence des médias, Pakistan, Afghanistan, Myanmar, Bangladesh, Tibet, Bhoutan et Inde).
Ce processus de déstabilisation se coordonne avec celui déjà ébauché par les USA dans la zone caucasienne, sur la base des indications exposées, il y a plus de dix ans, par Brzezinski dans son ouvrage Le Grand échiquier ; ce processus semble en outre se conjuguer au Projet du Nouveau Grand Moyen-Orient de Bush-Rice-Olmert, destiné à redéfinir les équilibres de toute la zone en faveur des États-Unis et de son principal allié régional, l’entité sioniste, ainsi qu’à reconsidérer les frontières des principaux pays de la zone (Iran, Syrie, Irak et Turquie) le long de lignes confessionnelles et ethniques.
Parallèlement à ce processus de déstabilisation, déjà en cours dans l’arc himalayen, il semble que les USA en aient lancé un autre, analogue, dans leur ex-arrière cour, en Bolivie : précisément dans la « région de la demi-lune » sur la base des tensions ethniques, sociales et politiques qui affectent toute la zone.
Dans le cadre des stratégies destinées à fragmenter les espaces continentaux en voie d’intégration, il faut souligner le grand rôle que jouent les Organisations Non Gouvernementales dites humanitaires. Comme l’a démontré Michel Chossudovsky, directeur du Centre pour la recherche sur la mondialisation (CRM-CRG), certaines d’entre elles sont reliées à la CIA, directement ou indirectement, par l’intermédiaire de la National Endowment for Democracy, puissante organisation étasunienne créée en 1983, dans le but de renforcer les institutions démocratiques dans le monde au moyen d’actions non gouvernementales. NDA qui est, comme par hasard, très active dans le financement de tout le mouvement pro-tibétain en Occident
Le quotidien de notre planète dans les années à venir sera, selon toutes vraisemblance, marqué par l’affrontement entre deux tendances opposées : l’une initiée par les USA, visant à la fragmentation de la planète, et l’autre, souhaitée par les plus grandes puissances eurasiatiques et par certains gouvernements du sous-continent indio-latin, allant dans le sens d’intégrations continentales.
Qu’elle sera la place de l’Europe dans tout cela ?
Je l’ai dit précédemment l’Europe est insérée artificielle dans le camp « occidentaliste » et elle n’est pas une entité politique cohérente.
On a là le résultat d’un long travail du Département d’État.
D’un côté se gagner les élites politiques et économiques des pays européens et en faire de parfaits serviteurs des yankees aux intérêts desquels ils s’assimilent. Il faut là absolument signaler pour notre pays le rôle joué par la French American Foundation et son programme Young leaders, ou le travail actuellement mené par l’ambassade des États-Unis à Paris en direction des jeunes les plus brillants des communautés immigrées.
De l’autre empêcher que l’Europe puisse devenir une puissance géopolitique. Cela de deux façons. D’un côté, en la poussant à atteindre un tel niveau qu’il devient impossible de la faire fonctionner démocratiquement comme une entité cohérente, c’est l’Europe des 25, et c’est aussi les manœuvres des USA favorisant l’entrée en son sein de la Turquie. D’un autre, en poussant à la roue pour sa landerisation. Il faut avoir conscience que l’Europe aux cent drapeaux que certains peuvent trouver sympathique est aussi l’Europe aux cent Kosovo potentiels.
Cela étant, la situation actuelle ne doit pas nous empêcher de dire ce qui serait souhaitable et de soutenir les hommes politiques susceptibles de rendre le souhaitable réalisable.
Depuis des années déjà, moi-même et mes amis militons et prêchons en faveur de ce qui semble la seule et unique solution possible pour assurer la survie de notre Europe : l’union stratégique de l’Ouest et de l’Est du continent.
Cette unité de la « plus grande Europe » est une question de vie ou de mort : elle ne se réalisera que par la réactivation et la consolidation d’un nouvel « axe carolingien », l’Axe Paris-Berlin-Moscou, et par l’invention révolutionnaire d’une « alliance continentale-méditerranéenne », d’un Axe Madrid-Rome-Belgrade-Moscou, capable de fermer les côtes méridionales de l’Europe à toute influence hostile émanant de l’atlantisme.
Telle est notre « utopie réalisable » (et, en partie, elle est déjà en voie de réalisation) : construire un double axe géopolitique assurant la défense et la sécurité en Europe.
L’objectif, de fait, est de rendre la souveraineté aux États nationaux européens, qui ont été transformés, par les Anglo-Américains, en un chapelet de petites colonies satellisées. L’objectif, pour tous les peuples d’Europe, c’est de faire converger leurs forces, de les additionner et de les joindre à celles de la Russie, l’unique Etat national européen encore capable de donner à notre « plus grande patrie » un avenir dans l’unité sur tous les plans : culturel, social, économique et politique.
En dépit de toutes les vicissitudes, et même des vicissitudes négatives, jour après jour, année après année, notre vision commune s’est renforcée et n’a cessé de se renforcer en Europe. Notre voix, n’est plus une voix qui crie dans le désert, mais une voix qui a suscité, en dehors de son vivier d’origine, un écho tangible et des analyses similaires, désormais partagées par de nombreux cercles et personnalités.
De l’effondrement du Mur de Berlin à nos jours, l’histoire européenne a enregistré et subi des offensives répétées contre son territoire. Par le miroir aux alouettes du bien-être occidental ou par les armes de l’OTAN, les fédérations des États d’Europe orientale, soit l’URSS et l’ex-Yougoslavie, ont été brisées, émiettées et fragmentées par l’offensive anglo-américaine et néo-libérale, agissant souvent par le biais de « révolutions oranges », financées par des fonds issus de l’usure et de la finance.
Actuellement, les fondations et les groupes de pression occidentaux (Rockefeller, Agnelli, Trilatérale, Davos et autres) ont juré de détruire tous les États nationaux et tous les systèmes de protection sociale qu’ils ont mis sur pied, en faisant miroiter les délices d’un fédéralisme composé d’autonomies régionales, alors que leur objectif réel est tout entier contenu dans le vieil adage latin « Divide et impera » (Diviser pour régner), à appliquer, cette fois, à tout le globe, par ceux qui détiennent le maximum de pouvoir sur les plans politique et économique.
Mais voilà que l’attaque en direction du coeur de la Russie, attaque qui était censée constituer la manoeuvre principale dans la conquête définitive de l’Europe, vient d’échouer.
Le Kremlin a repris les rênes du pouvoir en ses terres propres. Il a utilisé les mêmes armes que les puissances atlantiques, le pétrole et l’énergie, mais sans avoir eu besoin, pour ce faire, d’envahir d’autres pays et de les occuper. Ainsi, le Kremlin est revenu à un status quo ante qui hisse à nouveau la Russie au rang de puissance planétaire et non plus régionale.
J’ai l’habitude de dire que le soleil se lève toujours à l’Est. Ajoutons qu’il est plus éclatant depuis cet été.
Pour le bien commun de toutes nos terres européennes, pour le bien de l’humanité toute entière, il faut qu’échoue la stratégie mondialiste qui, sous les oripeaux de la « globalisation économique » et sous la bannière du « libre marché », cherche en réalité à imposer à toutes les nations la domination unipolaire des Anglo-Américains, orchestrée par la haute finance.
L’enjeu est énorme, extrême. Notre tâche, à nous européens, est de travailler à l’alliance méditerranéenne/continentale, à l’Axe qui nous unira à Moscou.
La phrase est belle, convenez-en.
Maintenant est-elle réaliste ? Telle est la véritable question.
Et nous, vous et moi, que pouvons nous faire ? Peu et beaucoup.
Tout d’abord créer un état d’esprit, une opinion publique. Celle-ci, vous le savez, n’est pas sans compter sur la réalité des faits. Il faut se souvenir que l’aventure coloniale des pays européens au XIX° siècle ne fut possible que grâce à l’action de diverses structures qui créèrent un état d’esprit, une opinion publique, favorable à ces orientations géopolitiques. Alors par nos faibles moyens, par nos journaux, par nos sites, par nos blogs, nous pouvons y contribuer.
Ensuite, il faut réfléchir aux positions que nous prenons, aux choix que nous faisons, non pas en fonction de nos sympathies politiques mais de leurs conséquences géopolitiques.
Je vais vous citez quelques exemples, mais je pourrais vous en donner une multitude d’autres.
La lutte des Karens est vue d’une manière assez favorable par nombre des nôtres, or les Karens sont un pion dans la stratégie géopolitique des USA pour affaiblir le Myanmar, un pays alliée de la Chine et de la Russie. Donc on oublie les Karens et le soutien qu’on pourrait souhaiter leur apporter par romantisme.
Il est possible que comme moi vous soyez fasciné par le Tibet, ses moines et sa religion. Vous pourriez donc être tenté de leur apporter un soutien quelconque. Or le Dalaï Lama et son bouddhisme tibétain sont des pions dans la stratégie géopolitique des USA pour causer des troubles sur les marches de la Chine. Donc on oublie le Dalaï Lama, on oublie le Tibet et ses moines et le soutien qu’on pourrait souhaiter leur apporter par romantisme.
Mon troisième exemple m’oblige à être en désaccord avec Alain Soral qui a dit, hier, que tout le mouvement national soutenait la Russie et que cela était parfait. Or, où je suis en désaccord avec lui c’est qu’il ne faut pas soutenir la Russie mais Vladimir Poutine et la Fédération de Russie. Je m’explique, on annonce prochainement une marche russe à Moscou, c’est-à-dire une manifestation des mouvement nationalistes russes se dirigeant symboliquement vers le Kremlin. La plupart des sites et blogs identitaires s’en sont fait l’échos et il a même été prévu que des délégations de mouvements de l’Europe de l’Ouest y soient représentés. Fort bien, le nationalisme russe nous est a priori sympathique. Mais si on y réfléchit, qu’est-ce que c’est ? C’est un nationalisme ethnique de division opposé au nationalisme étatique et multi-ethnique de la Fédération de Russie qui est un nationalisme de réunion. Donc cette marche russe, c’est une marche anti-Poutine, une marche anti-eurasiste, une marche qui défend des idées géopolitiques à l’opposé des nôtres. Donc c’est une marche de salauds, d’alliés des USA et tous ceux qui en font la promotion dans nos rangs sont des idiots utiles de l’Empire du mal…
Voilà, je pourrais encore vous dire qu’un tel schéma d’analyse me conduit tant à défendre Cuba qu’à considérer le Vlaams Belang ou la Ligue padane comme des groupes ennemis…
Mais si vous m’avez écouté et compris, ces conclusions vous êtes tout à fait capables de les faire vous-même.
Christian Bouchet
Docteur en ethnologie, enseignant, rédacteur en chef adjoint chargé des pages internationales du bimensuel Flash, éditorialiste du site voxnr.com
Références
Alain de Benoist, Vue de droite, p. 237 et s., Le Labyrinthe, 2001.
Tiberio Graziani, « Le temps des continents et la déstabilisation de la planète », Résistance n° 51, septembre 2008, p. 3 et s.
Ugo Gaudenzi, « Consolidons deux axes contre l’atlantisme ! », idem, p. 2.
La géopolitique, on en parle beaucoup, mais sait-on réellement ce que c’est ?
Je vais donc dans un premier temps rappeler ce qu’elle est, puis dans un second quels sont les grands axes du combat géopolitique qui se déroule actuellement avant de montrer comme cette science nous oblige à faire des choix qui doivent être issus de nos cerveaux et non pas de nos tripes.
Tout d’abord, qu’est-ce donc que la géopolitique ?
C’est la branche de la science politique, parfois appelée « géographie dynamique », qui étudie la part active prise par le milieu géographique dans la détermination des événements politiques et historiques affectant la population d’un territoire donné. Elle se distingue de la géographie politique dans la mesure où elle ne traite pas seulement de la situation naturelle des États et des peuples, mais aussi et surtout de la façon dont cette situation naturelle influe sur leur formation et leurs destins.
Elle tire son origine des travaux du géographe allemand Friedrich Ratzel, mais ce n’est qu’en 1916, qu’un suédois, Rudolf Kjellen, en fait une notion autonome. Cette science va être développée et enrichie, tout particulièrement, par deux personnalités dont tout le monde, ou presque, connaît le nom : l’anglais Halford John Mackinder et l’allemand Karl Haushofer.
On doit à Mackinder l’idée que le monde doit être perçu à partir d’une cartographie polaire et non d’une projection mercatorienne. On observe alors notre planète comme une totalité sur laquelle se situe une île mondiale formé par l’ensemble Europe-Afrique-Asie, au sein duquel se trouve une région-clef, le cœur du cœur, l’Heartland, qui correspond à la plaine s’étendant de l’Europe centrale à la Sibérie occidentale. La lutte pour la possession de ce secteur constitue pour Mackinder, au sens propre, le combat final, l’Endkampf. Il a résumé sa thèse en une phrase : « qui tient l’Europe orientale tient le Heartland, qui tient le Heartland domine l’île mondiale, qui domine l’île mondiale domine le monde ».
Opposé à cet Heartland, on a les « îles périphériques », les Outlyings Islands, soit l’Amérique et l’Australie, auxquelles on peut appliquer une devise parallèle : « Qui tient la mer tient le commerce du monde ; qui tient le commerce tient la richesse ; qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même ».
Cette vision géopolitique cristallise le rapport de force qui oppose les puissances thalassocratiques, nommées aussi puissance maritimes, (hier l’Angleterre, aujourd’hui les Etats-Unis) aux puissances continentales (hier l’Allemagne, puis l’URSS, aujourd’hui l’Europe, la Fédération de Russie et la Chine).
Mackinder a été complété par l’américain Nicholas Spykman qui a développé le concept de Rimland. Celui-ci étant le monde côtier formé par l’Asie des moussons et l’Europe péninsulaire que se disputent l’Heartland et la World Island et qui constituent l’enjeu historique, car, selon Spykman : « Qui contrôle le Rimland domine l’Eurasie ; qui domine l’Eurasie contrôle les destinées du monde »...
Pour sa part, Haushofer fait reposer sa conception du monde sur deux notions principales : l’espace, déterminé par l’étendue, les caractéristiques et le climat, et la position de cet espace par rapport aux espaces environnant. L’un des critères de l’action historique, précise-t-il, est le « sens de l’espace » ou aptitude à l’organiser en dotant le monde environnant d’un dynamisme créateur.
Développant ce que nous venons de voir, un certains nombre de chercheurs de moindre importance ont identifiés des lois géopolitiques subséquentes :
le désir d’étendre son territoires ou sa zone d’influence est un des signes les plus élémentaires de la bonne santé d’un État. Ce fait, disent les géopoliticiens, prévaut sur tous les principes, et nulle autorité internationale ne saurait l’empêcher. Qu’elles soient maritimes ou continentales, les grandes puissances sont conduites à l’expansion territoriale. D’un point de vue géopolitique, celle-ci apparaît comme une fatalité. Elle fait partie des caractères biologiques de l’État, ou à défaut d’un groupe d’État apparentés par leur comportement, et la logique de la vie lui commande de s’étendre.
un espace homogène ne peut jamais être définitivement fractionné.
un État artificiel créé par une grande puissance étrangère pour faciliter ses desseins n’a pas d’avenir et ne dure que le temps d’une politique.
a degré de coercition égale, la domination par une puissance continentale est plus durement perçue par le dominé que lorsqu’elle est le fait d’une puissance maritime. Cette dernière n’a, en effet, besoin que de bases sûres pour jalonner les routes maritimes mondiales, tandis que la première est obligée d’occuper l’espace total jusqu’à la mer.
lorsque les puissances qui s’opposent potentiellement sur le même enjeu sont de forces égales, la stratégie dérive sur les régions périphériques.
Enfin, il faut avoir conscience que la géopolitique n’est pas un pur déterminisme. Le milieu naturel ne constitue en effet que le cadre dans lequel interviennent les facteurs humains spécifiques. Seules cette intervention actualise ce qui, sinon, n’est que potentialité. L’expansion d’un État est ainsi plus fonction de la vitalité intrinsèque de ses citoyens que de fatalités uniquement territoriales.
Cela étant, et en tenant compte que ce que je viens de vous dire n’est qu’une introduction très simplifiée à la géopolitique, essayons maintenant de comprendre celle-ci au quotidien.
Pour rester très schématique, pour ne pas rentrer dans des complexités qui m’entraîneraient à déborder le temps qui m’est imparti, je vais me limiter à vous montrer la stratégie géopolitique suivie par les États-Unis pour affaiblir l’Heartland, que certains nomment la stratégie de l’anaconda et celle qu’il serait souhaitable de lui voir opposer.
Pour bien comprendre la situation, il faut avoir conscience de la centralité de la Russie comme région pivot de l’Eurasie et de l’importance de la Chine comme élément de stabilité et d’équilibre pour la masse continentale eurasiatique et pour la planète entière. On retrouve donc les éternelles tensions entre, d’une part les puissances thalassocratiques, représentées aujourd’hui par les USA, et d’autre part les puissances continentales, constituées principalement par la Russie et la Chine.
Après la dissolution de l’URSS, et un très important recul géopolitique de la puissance continentale russe, nous avons assisté à la mise au point et au renforcement d’importants dispositifs géopolitiques, tels que l’Organisation de la Conférence de Shanghai et l’Organisation du Traité de Sécurité Collective des Pays de la Confédération des États Indépendants, qui rassemblent la Russie et les principaux pays du continent asiatique. De tels dispositifs sont significativement ouverts aussi au Pakistan, à la Turquie et à l’Iran mais excluent les puissances occidentales et les USA.
L’œuvre patiente et continue de tissage de relations spéciales entre Russie, Inde, Chine, Iran et les pays d’Asie centrale, mise en oeuvre par Poutine, et diligemment poursuivie maintenant par Medvedev, a ralenti l’expansionnisme étasunien au cœur de l’Asie ; elle a aussi irrité fortement les lobbies européens et d’outre-atlantique qui espéraient, au début des années 1990, à force de « vagues démocratiques », ou de « bourrades démocratiques » - comme on le verra plus tard avec les agressions et les « guerres humanitaires » de l’Occident américano-centrique contre la Fédération yougoslave, l’Afghanistan, l’Irak, etc – qui espérait donc l’unification de la planète sous l’égide de Washington, champion de l’Humanité et, avant tout, la réalisation d’un gouvernement mondial fondé sur des critères libéraux de l’économie de marché. La fin de l’Histoire qu’on nous annonçait et qui ne s’est pas produite.
Sur l’échiquier mondial, s’est donc formé une sorte de bloc eurasiatique, qui n’en est pour le moment encore qu’à un stade embryonnaire et qui est déséquilibré vers la partie orientale de la masse continentale, à cause de l’absence de l’Europe comme entité politique cohérente et de son insertion artificielle dans le camp « occidentaliste ». Ce bloc a, en outre, et par effet de polarisation, favorisé les tendances continentalistes de certains gouvernements d’Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Venezuela et Bolivie), en mettant ainsi en valeur l’hypothèse, réaliste, d’un scénario multipolaire en cours de constitution, articulé sur des entités géopolitiques continentales.
Les USA qui ont été quelques années après l’implosion de l’URSS dans une situation de seul grande puissance mondiale ont pris conscience du danger que représentait pour eux une jonction des intérêts géopolitiques entre les grandes puissances eurasiatiques (Russie, Chine et Inde) et les tendances continentalistes de certains gouvernements sud-américains. Cela a amené les analystes du Département d’État et de certains think tanks atlantiques, a identifier les zones de crise potentielles dans les régions de la masse continentale eurasiatique – et du sous-continent indio-latin – du fait de tensions endogènes historiques et encore irrésolues, et a définir des scénarios géopolitiques qui soient en syntonie avec les desiderata et les intérêts globaux de Washington et du Pentagone.
C’est donc dans cette perspective d’opérations de déstabilisation et de pression sur la Chine, la Russie et l’Inde et sur certains gouvernements latino-américains que l’on doit interpréter certaines situations critiques qui sont proposées, avec une emphase variant selon le moment et le pays, à l’attention de l’opinion publique occidentale, par les principaux organes d’information.
Nous faisons ici référence à ce qu’on désigne comme la question de la minorité du peuple Karen et de la « révolte » couleur safran du Myanmar, aux questions du Tibet et de la minorité ouigour en République Populaire de Chine, à la déstabilisation du Pakistan, au conflit du Cachemire et au maintien d’une crise endémique dans la région afghane.
En instrumentalisant les tensions locales de certaines aires géostratégiques, les USA, avec leurs alliés occidentaux, ont lancé un processus de déstabilisation – de longue durée - de tout l’arc himalayen, véritable charnière continentale, qui va impliquer huit pays de l’espace eurasiatique (Népal où d’étranges maoistes soutenus par Washington mais dénoncés par Pékin viennent de prendre le pouvoir dans l’indifférence des médias, Pakistan, Afghanistan, Myanmar, Bangladesh, Tibet, Bhoutan et Inde).
Ce processus de déstabilisation se coordonne avec celui déjà ébauché par les USA dans la zone caucasienne, sur la base des indications exposées, il y a plus de dix ans, par Brzezinski dans son ouvrage Le Grand échiquier ; ce processus semble en outre se conjuguer au Projet du Nouveau Grand Moyen-Orient de Bush-Rice-Olmert, destiné à redéfinir les équilibres de toute la zone en faveur des États-Unis et de son principal allié régional, l’entité sioniste, ainsi qu’à reconsidérer les frontières des principaux pays de la zone (Iran, Syrie, Irak et Turquie) le long de lignes confessionnelles et ethniques.
Parallèlement à ce processus de déstabilisation, déjà en cours dans l’arc himalayen, il semble que les USA en aient lancé un autre, analogue, dans leur ex-arrière cour, en Bolivie : précisément dans la « région de la demi-lune » sur la base des tensions ethniques, sociales et politiques qui affectent toute la zone.
Dans le cadre des stratégies destinées à fragmenter les espaces continentaux en voie d’intégration, il faut souligner le grand rôle que jouent les Organisations Non Gouvernementales dites humanitaires. Comme l’a démontré Michel Chossudovsky, directeur du Centre pour la recherche sur la mondialisation (CRM-CRG), certaines d’entre elles sont reliées à la CIA, directement ou indirectement, par l’intermédiaire de la National Endowment for Democracy, puissante organisation étasunienne créée en 1983, dans le but de renforcer les institutions démocratiques dans le monde au moyen d’actions non gouvernementales. NDA qui est, comme par hasard, très active dans le financement de tout le mouvement pro-tibétain en Occident
Le quotidien de notre planète dans les années à venir sera, selon toutes vraisemblance, marqué par l’affrontement entre deux tendances opposées : l’une initiée par les USA, visant à la fragmentation de la planète, et l’autre, souhaitée par les plus grandes puissances eurasiatiques et par certains gouvernements du sous-continent indio-latin, allant dans le sens d’intégrations continentales.
Qu’elle sera la place de l’Europe dans tout cela ?
Je l’ai dit précédemment l’Europe est insérée artificielle dans le camp « occidentaliste » et elle n’est pas une entité politique cohérente.
On a là le résultat d’un long travail du Département d’État.
D’un côté se gagner les élites politiques et économiques des pays européens et en faire de parfaits serviteurs des yankees aux intérêts desquels ils s’assimilent. Il faut là absolument signaler pour notre pays le rôle joué par la French American Foundation et son programme Young leaders, ou le travail actuellement mené par l’ambassade des États-Unis à Paris en direction des jeunes les plus brillants des communautés immigrées.
De l’autre empêcher que l’Europe puisse devenir une puissance géopolitique. Cela de deux façons. D’un côté, en la poussant à atteindre un tel niveau qu’il devient impossible de la faire fonctionner démocratiquement comme une entité cohérente, c’est l’Europe des 25, et c’est aussi les manœuvres des USA favorisant l’entrée en son sein de la Turquie. D’un autre, en poussant à la roue pour sa landerisation. Il faut avoir conscience que l’Europe aux cent drapeaux que certains peuvent trouver sympathique est aussi l’Europe aux cent Kosovo potentiels.
Cela étant, la situation actuelle ne doit pas nous empêcher de dire ce qui serait souhaitable et de soutenir les hommes politiques susceptibles de rendre le souhaitable réalisable.
Depuis des années déjà, moi-même et mes amis militons et prêchons en faveur de ce qui semble la seule et unique solution possible pour assurer la survie de notre Europe : l’union stratégique de l’Ouest et de l’Est du continent.
Cette unité de la « plus grande Europe » est une question de vie ou de mort : elle ne se réalisera que par la réactivation et la consolidation d’un nouvel « axe carolingien », l’Axe Paris-Berlin-Moscou, et par l’invention révolutionnaire d’une « alliance continentale-méditerranéenne », d’un Axe Madrid-Rome-Belgrade-Moscou, capable de fermer les côtes méridionales de l’Europe à toute influence hostile émanant de l’atlantisme.
Telle est notre « utopie réalisable » (et, en partie, elle est déjà en voie de réalisation) : construire un double axe géopolitique assurant la défense et la sécurité en Europe.
L’objectif, de fait, est de rendre la souveraineté aux États nationaux européens, qui ont été transformés, par les Anglo-Américains, en un chapelet de petites colonies satellisées. L’objectif, pour tous les peuples d’Europe, c’est de faire converger leurs forces, de les additionner et de les joindre à celles de la Russie, l’unique Etat national européen encore capable de donner à notre « plus grande patrie » un avenir dans l’unité sur tous les plans : culturel, social, économique et politique.
En dépit de toutes les vicissitudes, et même des vicissitudes négatives, jour après jour, année après année, notre vision commune s’est renforcée et n’a cessé de se renforcer en Europe. Notre voix, n’est plus une voix qui crie dans le désert, mais une voix qui a suscité, en dehors de son vivier d’origine, un écho tangible et des analyses similaires, désormais partagées par de nombreux cercles et personnalités.
De l’effondrement du Mur de Berlin à nos jours, l’histoire européenne a enregistré et subi des offensives répétées contre son territoire. Par le miroir aux alouettes du bien-être occidental ou par les armes de l’OTAN, les fédérations des États d’Europe orientale, soit l’URSS et l’ex-Yougoslavie, ont été brisées, émiettées et fragmentées par l’offensive anglo-américaine et néo-libérale, agissant souvent par le biais de « révolutions oranges », financées par des fonds issus de l’usure et de la finance.
Actuellement, les fondations et les groupes de pression occidentaux (Rockefeller, Agnelli, Trilatérale, Davos et autres) ont juré de détruire tous les États nationaux et tous les systèmes de protection sociale qu’ils ont mis sur pied, en faisant miroiter les délices d’un fédéralisme composé d’autonomies régionales, alors que leur objectif réel est tout entier contenu dans le vieil adage latin « Divide et impera » (Diviser pour régner), à appliquer, cette fois, à tout le globe, par ceux qui détiennent le maximum de pouvoir sur les plans politique et économique.
Mais voilà que l’attaque en direction du coeur de la Russie, attaque qui était censée constituer la manoeuvre principale dans la conquête définitive de l’Europe, vient d’échouer.
Le Kremlin a repris les rênes du pouvoir en ses terres propres. Il a utilisé les mêmes armes que les puissances atlantiques, le pétrole et l’énergie, mais sans avoir eu besoin, pour ce faire, d’envahir d’autres pays et de les occuper. Ainsi, le Kremlin est revenu à un status quo ante qui hisse à nouveau la Russie au rang de puissance planétaire et non plus régionale.
J’ai l’habitude de dire que le soleil se lève toujours à l’Est. Ajoutons qu’il est plus éclatant depuis cet été.
Pour le bien commun de toutes nos terres européennes, pour le bien de l’humanité toute entière, il faut qu’échoue la stratégie mondialiste qui, sous les oripeaux de la « globalisation économique » et sous la bannière du « libre marché », cherche en réalité à imposer à toutes les nations la domination unipolaire des Anglo-Américains, orchestrée par la haute finance.
L’enjeu est énorme, extrême. Notre tâche, à nous européens, est de travailler à l’alliance méditerranéenne/continentale, à l’Axe qui nous unira à Moscou.
La phrase est belle, convenez-en.
Maintenant est-elle réaliste ? Telle est la véritable question.
Et nous, vous et moi, que pouvons nous faire ? Peu et beaucoup.
Tout d’abord créer un état d’esprit, une opinion publique. Celle-ci, vous le savez, n’est pas sans compter sur la réalité des faits. Il faut se souvenir que l’aventure coloniale des pays européens au XIX° siècle ne fut possible que grâce à l’action de diverses structures qui créèrent un état d’esprit, une opinion publique, favorable à ces orientations géopolitiques. Alors par nos faibles moyens, par nos journaux, par nos sites, par nos blogs, nous pouvons y contribuer.
Ensuite, il faut réfléchir aux positions que nous prenons, aux choix que nous faisons, non pas en fonction de nos sympathies politiques mais de leurs conséquences géopolitiques.
Je vais vous citez quelques exemples, mais je pourrais vous en donner une multitude d’autres.
La lutte des Karens est vue d’une manière assez favorable par nombre des nôtres, or les Karens sont un pion dans la stratégie géopolitique des USA pour affaiblir le Myanmar, un pays alliée de la Chine et de la Russie. Donc on oublie les Karens et le soutien qu’on pourrait souhaiter leur apporter par romantisme.
Il est possible que comme moi vous soyez fasciné par le Tibet, ses moines et sa religion. Vous pourriez donc être tenté de leur apporter un soutien quelconque. Or le Dalaï Lama et son bouddhisme tibétain sont des pions dans la stratégie géopolitique des USA pour causer des troubles sur les marches de la Chine. Donc on oublie le Dalaï Lama, on oublie le Tibet et ses moines et le soutien qu’on pourrait souhaiter leur apporter par romantisme.
Mon troisième exemple m’oblige à être en désaccord avec Alain Soral qui a dit, hier, que tout le mouvement national soutenait la Russie et que cela était parfait. Or, où je suis en désaccord avec lui c’est qu’il ne faut pas soutenir la Russie mais Vladimir Poutine et la Fédération de Russie. Je m’explique, on annonce prochainement une marche russe à Moscou, c’est-à-dire une manifestation des mouvement nationalistes russes se dirigeant symboliquement vers le Kremlin. La plupart des sites et blogs identitaires s’en sont fait l’échos et il a même été prévu que des délégations de mouvements de l’Europe de l’Ouest y soient représentés. Fort bien, le nationalisme russe nous est a priori sympathique. Mais si on y réfléchit, qu’est-ce que c’est ? C’est un nationalisme ethnique de division opposé au nationalisme étatique et multi-ethnique de la Fédération de Russie qui est un nationalisme de réunion. Donc cette marche russe, c’est une marche anti-Poutine, une marche anti-eurasiste, une marche qui défend des idées géopolitiques à l’opposé des nôtres. Donc c’est une marche de salauds, d’alliés des USA et tous ceux qui en font la promotion dans nos rangs sont des idiots utiles de l’Empire du mal…
Voilà, je pourrais encore vous dire qu’un tel schéma d’analyse me conduit tant à défendre Cuba qu’à considérer le Vlaams Belang ou la Ligue padane comme des groupes ennemis…
Mais si vous m’avez écouté et compris, ces conclusions vous êtes tout à fait capables de les faire vous-même.
Christian Bouchet
Docteur en ethnologie, enseignant, rédacteur en chef adjoint chargé des pages internationales du bimensuel Flash, éditorialiste du site voxnr.com
Références
Alain de Benoist, Vue de droite, p. 237 et s., Le Labyrinthe, 2001.
Tiberio Graziani, « Le temps des continents et la déstabilisation de la planète », Résistance n° 51, septembre 2008, p. 3 et s.
Ugo Gaudenzi, « Consolidons deux axes contre l’atlantisme ! », idem, p. 2.