Après la décision du président turc Erdogan de transformer l’ex-basilique Sainte-Sophie d’Istanbul en mosquée, la Russie, éternelle protectrice des vestiges byzantins, monte au créneau. Le patriarche de Moscou Kirill y voit une « menace pour l’ensemble de la civilisation chrétienne ».
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Quelle est l’importance de Sainte-Sophie pour les Russes ?
Dans la mémoire collective russe, Istanbul est avant tout Constantinople. Capitale de l’empire byzantin et chantre de la culture orthodoxe. La Russie s’est tout au long de son histoire positionnée comme l’héritière légitime de cette puissance disparue. Une position expliquée par Nikola Mirkovic, spécialiste de l’Europe de l’est.
« Quand la Russie médiévale se convertit au christianisme au Xe siècle, les Russes reconnaissent tout de suite l’autorité de l’empereur byzantin comme protecteur des chrétiens. La Russie se positionne dans cet héritage » affirme-t-il. Kirill, le patriarche de Moscou, voit ainsi dans la transformation de Sainte-Sophie en mosquée une « menace pour l’ensemble de la civilisation chrétienne ». Il considère aussi que les Russes perçoivent cela « jadis comme maintenant, avec amertume et indignation ». Toujours selon l’homme le plus puissant de l’église russe, l’ancienne basilique Sainte-Sophie d’Istanbul est « l’un des plus grands monuments de la culture chrétienne ».
De quoi comprendre l’attachement charnel d’une population envers son ancienne capitale religieuse.
Et pour les Turcs ?
Pour les Turcs, cet édifice religieux est avant tout une mosquée. En effet, lors de la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453, ces derniers ont réhabilité la basilique en mosquée. Elle le restera jusqu’en 1934, Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de l’État turc moderne, décidant d’en faire un musée pour « l’offrir à l’humanité ». Au cœur de ce conflit diplomatique, existe donc une guerre mémorielle autour de la légitimité sur Sainte-Sophie.
Que reproche exactement la Russie à la Turquie ?
Si le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov, estime que Sainte-Sophie a une « valeur sacrée » pour les Russes, il appelle à ne pas toucher à un symbole du « patrimoine mondial ». Mais au-delà de l’aspect patrimonial, la Russie souhaite surtout freiner les projets d’Erdogan au Moyen-Orient et en Europe de l’est. Une lutte d’influence qui rappelle celle du XIXe siècle entre les deux grandes puissances régionales de l’époque. D’une part, la Russie, déjà fidèle défenseure des Orthodoxes et de l’autre, les Ottomans, alors désireux d’étendre leur sphère d’influence. La donne n’a visiblement pas changé.
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Pourquoi une telle décision maintenant ?
Plusieurs raisons expliquent la volonté d’Erdogan de transformer l’ancienne basilique Sainte-Sophie d’Istanbul en mosquée. [...]
Le deuxième facteur puise sa source dans le sort personnel du chef de l’État turc. « La popularité d’Erdogan est en berne. La Turquie traverse une crise économique et il y a une dimension de politique intérieure importante » confie la chercheuse. [...] Enfin, selon Nikola Mirkovic, spécialiste de l’Europe de l’est, « Erdogan, avec sa politique de conquête territoriale du bassin méditerranéen, se fait des ennemis dans le monde arabe ». Le président turc souhaiterait dès lors « s’attirer la sympathie du monde musulman en étant celui qui aura transformé Sainte-Sophie en mosquée ».
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