Même selon les normes du processus de paix israélo-palestinien, la tentative récemment bloquée de l’Autorité palestinienne (AP) de faire voter une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU a été une perte de temps spectaculaire et a offert sur un plateau une victoire diplomatique symbolique à Israël.
Le projet - qui appelait à la paix avec Israël dans un délai d’un an et la fin de l’occupation en 2017 - a raté d’une voix le minimum de neuf votes positifs requis au Conseil de sécurité composé de 15 membres. Cinq pays se sont abstenus, et deux - les États-Unis et l’Australie - ont voté contre.
Les projets de résolution sont généralement précédés de consultations avec les membres du Conseil, aussi celui qui les soumet sait, à l’avance, de quelle manière tournera le vote. Ce projet n’avait en cela rien de différent. En fait, un soutien insuffisant parmi les membres du Conseil était le prétexte invoqué depuis des mois par l’Autorité palestinienne pour repousser le dépôt de la résolution.
Ainsi, l’AP devait savoir avant de présenter le projet que celui-ci ne passerait pas. Alors pourquoi l’avoir présenté ?
En fait, tout d’abord, pourquoi l’AP a-t-elle tenté de faire passer cette résolution ? Même si elle avait rassemblé le nombre minimal et nécessaire de votes, les États-Unis auraient utilisé leur droit de veto et l’Autorité palestinienne le savait parfaitement. Non seulement les Américains ont toujours fait capoter toute résolution qui contenait la moindre critique ou risquait de faire pression sur Israël, mais Washington avait été explicite sur son intention d’utiliser son droit de veto en cas de besoin.
Plus de temps nécessaire
Par conséquent, il est curieux que Dina Kawar, Ambassadeur de Jordanie aux Nations Unies et dont le pays avait soumis le projet avec le soutien de l’Autorité palestinienne et de la Ligue arabe, ait estimé que les membres du Conseil auraient dû avoir plus de temps pour étudier la proposition.
Quel pouvait en être l’intérêt, alors qu’un veto américain était assuré ?
Le seul moyen pour que Washington puisse accepter la résolution, était que celle-ci appelle à mettre fin à l’occupation palestinienne d’Israël ! Cela rend étrange la récente déclaration de Mahmoud Abbas selon quoi il avait reporté à plusieurs reprises la résolution en raison de la pression américaine.
Pensait-il réellement que tout ce qu’il pouvait dire ou faire conduirait les États-Unis à mettre fin à leur pression, ou qu’ils accepteraient le projet présenté ?
Dans tous les cas, des mois de consultations et diverses raisons pour des retards n’ont abouti qu’à une édulcoration du texte. Cela explique la condamnation générale des Palestiniens, du public et de toutes les factions.
Parmi les critiques les plus éminents se trouve le haut responsable du Fatah et très populaire Marwan Barghouti, dont le parti domine l’Autorité palestinienne et inclut Abbas lui-même. Barghouti a qualifié le texte de « recul injustifiée, qui nuira à la position palestinienne ».
En outre, le projet n’a pas été présenté comme une résolution du Chapitre VII, ce qui aurait alors entraîné des mesures punitives en cas de non-application. Par conséquent, même si la résolution avait été adoptée, Israël - qui a catégoriquement condamné l’initiative de l’Autorité palestinienne depuis le début - serait libre de l’ignorer et sans aucune conséquence, comme il l’a fait avec toutes les nombreuses résolutions du Conseil de sécurité au cours des décennies.
En effet, le projet ne contient aucune formulation dont Israël pouvait s’inquiéter.
Étant donné que le droit de veto des États-Unis protège Israël, et que les résolutions existantes sont ignorées en toute impunité, il est étonnant que l’Autorité palestinienne ait placé ses espoirs dans le Conseil de sécurité pour sa dernière et futile tentative pour un État.
Un endroit d’aucun intérêt pour les Palestiniens
La réponse même de son ambassadeur aux Nations Unies, Riyad Mansour, a été explicite : « Le Conseil de sécurité a de nouveau échoué à respecter les obligations liées à sa charte, pour remédier à cette crise et contribuer de façon significative à une solution durable, conformément à ses propres résolutions. »
Il est clair depuis longtemps que les Nations Unies sont un lieu hautement improbable pour que les Palestiniens obtiennent justice, car les souhaits et le soutien de la communauté internationale pour leur cause sont systématiquement pris en otage par un seul pays. La notion même de droit de veto du Conseil de sécurité des Nations Unies rend cette institution intrinsèquement et terriblement antidémocratique. L’ironie est que dans le cas de la Palestine, c’est une démocratie qui est à blâmer.
L’ambassadeur américain aux Nations Unies, Samantha Power, a eu le culot de dire que la résolution compromettait les efforts « pour parvenir à deux États pour deux peuples ». L’objectif de l’ensemble de la résolution était de créer un État que l’État déjà en place est déterminé à empêcher.
On peut même se demander si Power a lu le projet. Il semble que la simple mention d’Israël déclenche automatiquement un veto américain.
Tout ce dernier mois s’est avéré un exercice d’une futilité évidente, au cours duquel Israël a en outre renforcé son occupation et sa colonisation de la Palestine.
Le lendemain du jour où la résolution a été repoussée, Abbas a signé un document demandant l’adhésion à la Cour pénale internationale (CPI).
Compte tenu de nombreuses menaces antérieures en cas d’adhésion à la CPI, c’est un développement bienvenu. Cependant, cela aurait dû être fait au moment du changement du statut de la Palestine aux Nations Unies il y a plus de deux ans. Au milieu de la colonisation et de l’occupation implacables d’Israël, et après plus de 20 années de négociations infructueuses, les Palestiniens ne peuvent se permettre le luxe d’attendre indéfiniment un État.
L’Autorité palestinienne doit maintenant agir dans l’urgence et avec la détermination nécessaire.