Alors que le bâtiment français a dû rentrer à Toulon pour cause de contamination de l’équipage au Covid-19, de premiers témoignages mettent en cause le ministère des Armées, qui assure de son côté qu’aucune « erreur d’appréciation » n’a été commise.
Plus d’un tiers des marins du porte-avions français Charles de Gaulle ont été testés positifs au Covid-19 depuis son retour anticipé en France le 12 avril, provoqué par la découverte de contaminations à bord, selon un bilan provisoire publié le 15 avril mais qui devrait augmenter. Le même jour, France Bleu Provence a publié une interview d’un des membres de l’équipage, sous couvert d’anonymat.
« L’armée a joué avec notre santé, notre vie […] Les mesures barrières étaient difficiles à respecter à bord du porte-avions », assure ce père de famille originaire du Var, visiblement très remonté. D’après lui, le commandant du bâtiment aurait demandé à interrompre la mission mais se serait vu opposer une fin de non-recevoir de la part du ministère des Armées, alors que plusieurs membres de l’équipage présentaient déjà des symptômes de contamination au Covid-19.
« Le chef d’état-major de la Marine nationale a ordonné une enquête de commandement afin de tirer tous les enseignements de la gestion de l’épidémie au sein du groupe aéronaval et pour faire toute la lumière sur les conditions de propagation du virus à bord du porte-avions », s’est contenté de répondre le ministère. L’enquête prendra plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
668 marins testés positifs
« En date du 14 avril au soir, 1767 marins du groupe aéronaval ont été testés. La grande majorité de ces tests concerne à ce stade des marins du porte-avions. 668 se sont révélés positifs », a fait savoir le ministère des Armées dans un communiqué. Parmi eux, « 31 sont aujourd’hui hospitalisés à l’hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne de Toulon [Var], dont un en réanimation », est-il précisé. Ce bilan temporaire est amené à gonfler encore car « 30% de ces tests n’ont pas encore livré leurs résultats » et « la campagne de tests est encore en cours », selon le ministère.
Le Charles de Gaulle est le second porte-avions contaminé officiellement dans le monde, après le porte-avions américain USS Theodore Roosevelt, dans le Pacifique. Le bâtiment nucléaire français (1750 marins) et la frégate de défense aérienne qui l’accompagnait (200 marins) ont rejoint le port de Toulon le 12 avril avec deux semaines d’avance, après la découverte initiale d’une cinquantaine de cas de coronavirus. Les marins ont été placés en isolement sanitaire pendant 14 jours avant de pouvoir regagner leur foyer.
En parallèle, « les opérations de désinfection des aéronefs et des bâtiments de surface ont débuté », menées par les armées en lien avec des industriels, a souligné le ministère, précisant que la ministre Florence Parly « adresse un message de soutien aux marins confinés et à leurs familles et remercie tous les élus locaux pour leur implication ».
Aucune « erreur d’appréciation » pour le ministère
L’origine de la contamination du porte-avions n’est pas encore connue. L’équipage n’avait pas été en contact avec un élément extérieur depuis une escale à Brest (Finistère), dans l’ouest de la France, du 13 au 15 mars. Les marins avaient pu descendre à terre, mais en respectant les gestes barrières et l’interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes en vigueur à l’époque. Parallèlement, une relève d’une cinquantaine de personnes a embarqué lors de cette escale, de source proche du dossier.
L’actuelle pandémie de Covid-19, qui a déjà tué plus de 130 000 personnes dans le monde selon un comptage de l’AFP, a des effets particulièrement amplifiés dans les bâtiments militaires où des équipages nombreux s’entassent dans des volumes réduits et où l’isolement et le débarquement des malades est compliqué à mettre en œuvre. L’armée avait cependant indiqué la semaine dernière qu’aucune « erreur d’appréciation » n’avait été constatée. Le site Mediapart affirme de son côté avoir identifié deux cas de marins présentant des symptômes sans être confinés. « À partir du 3 ou 4 avril, la situation a empiré très rapidement », selon le proche d’un marin.
Le groupe aéronaval français était en mission depuis le 21 janvier et avait passé plusieurs semaines en Méditerranée dans le cadre de l’opération Chammal, volet français de l’opération internationale antidjihadistes Inherent Resolve en Irak et en Syrie. Il a navigué ensuite en mer du Nord et dans l’Atlantique pour des opérations de sécurisation et de défense des approches maritimes européennes.