Allons-nous nous résigner au pire ? Nous sommes confrontés à la perspective d’une période relativement longue de faible croissance et d’accélération du processus de déconstruction sociale dont nous pouvons déjà voir les effets de nos jours. L’Europe est épuisée. Qui peut encore croire en un approfondissement de sa dimension fédérale alors que l’on s’apprête à abandonner les pays les plus endettés. Cette Europe ne se changera pas sans un affrontement, voire un éclatement. Nous ne ferons pas l’économie d’une épreuve de force, et il faut s’en convaincre et s’y préparer afin d’en tirer le meilleur parti. Nous n’avons pas à le redouter. Ce sera l’occasion de remettre à plat l’architecture de la construction européenne. Il n’est pas d’autre choix possible que d’avancer, pour un temps, seul. Mais, l’ébranlement que provoqueraient des actions unilatérales de la France auraient comme effet immédiat d’ouvrir un immense débat en Europe. Si nous aurons à prendre nos premières décisions seuls, gageons que nous ne le resterons pas longtemps.
Nous sommes depuis l’été 2007 dans la plus grave crise économique que l’on ait connue depuis celle de 1929. Elle se double d’une crise géostratégique et d’une crise environnementale qui, l’une et l’autre, ont des conséquences considérables. Les timides éléments de reprise que l’on constate dans les pays développés depuis la fin de 2009 ne doivent pas faire illusion. Ils ne sont pas durables où, pour reprendre un mot à la mode, « soutenable ».
Cette situation appelle des réponses radicales, et qui pourtant sont de bon sens. Aujourd’hui, être extrémiste c’est être réaliste. (...)
I - De « l’inévitable » et pourtant fort contestable austérité
De toute part, on nous présente l’austérité comme un choix inévitable. L’argument du déficit budgétaire, qui nous a déjà été servi ad nauseam, sert bien évidemment de prétexte. Alors même que la démographie connaît en France un redressement notable, on veut aussi tailler dans les retraites. Enfin, la précarisation du travail, dans le secteur privé comme dans le secteur public, est plus que jamais à l’ordre du jour. Tous ces choix nous sont présentés comme le produit d’évolutions inéluctables. Pourtant, ils sont tous extrêmement contestables.
Sur la question du déficit budgétaire, il faut savoir que son augmentation est pour une large part due à ce qu’il nous faut emprunter à plus de 3% (3,45% en moyenne) alors que l’on n’attend pas, même dans les rêves les plus fous de Mme Lagarde, une croissance au-dessus de 2%. Or, dans le même temps, les banques se refinancent auprès de la BCE (comme d’ailleurs auprès de la Réserve Fédérale américaine et des autres Banques Centrales des pays développés) à des taux oscillant entre 1% et 0,5%. Serait-ce du fait de la meilleure qualité des dettes privées par rapport à la dette publique ? Poser cette question, c’est y répondre, et par un immense éclat de rire.
Les dettes qui sont dans les banques sont en général de très mauvaise qualité, et le FMI lui-même estime à plus de 3 trillions de dollars les mauvaises créances dans ce secteur. C’est avant tout un choix qui, pour certains, s’explique par des raisons idéologiques et pour d’autres par leurs intérêts privés.
Assurément, il y a des pays qui sont plus mal lotis que nous. La Grèce, en particulier, doit emprunter à 6%. Son gouvernement devra bientôt choisir entre un appauvrissement généralisé de la population et une sortie de l’Euro. D’autres pays connaîtront le même sort d’ici 2012, du Portugal à l’Espagne en passant par l’Italie et l’Irlande. Mais, cela ne change rien à notre problème.
Non seulement l’Euro ne protège pas de la tourmente monétaire, ce que l’on constate aujourd’hui avec les écarts grandissants des taux sur la dette publique (les « spreads »), mais les règles de financement de la BCE transforment en un problème social en apparence insoluble ce qui serait, sous d’autres règles, parfaitement maîtrisable.
Il faut par ailleurs rappeler que la dette publique n’est qu’une partie de la dette totale de l’économie, et qu’il faudrait, en bonne logique, y ajouter la dette des ménages et celle des entreprises. Le taux d’endettement total réserve alors quelques surprises, comme celle de nous révéler la France comme un des pays les MOINS endettés parmi les grands pays de l’OCDE.
Il ne fait pourtant aucun doute que la machine à produire de l’austérité, c’est-à-dire du chômage et de la misère se mettra en route à partir de 2011 ou de 2012.
La précarisation du travail et de nouvelles coupes dans les retraites seront, il n’en faut pas douter, justifiées par la « compétitivité » internationale de la France et par des arguments plus ou moins ad hoc sur la démographie.
Pourtant, le mouvement d’enrichissement des plus riches est incontestable dans le long terme. C’est ce qui explique pourquoi la majorité des revenus est aujourd’hui comprimée, au point de ne pouvoir maintenir son pouvoir d’achat que par l’endettement.
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