Cette petite séquence souligne l’importance des animateurs télé aujourd’hui, qui ont autant sinon plus de poids qu’un ministre : lors de son émission Touche pas à mon poste du mercredi 20 décembre 2017, Cyril Hanouna a appelé le président de la République Emmanuel Macron en direct pour lui souhaiter un joyeux anniversaire (le président a 40 ans).
Si l’animateur y gagne en poids politique, le président y gagne en poids populaire et conforte son électorat jeune, puisque TPMP draine chaque soir plus d’un million de téléspectateurs dans les 15-35 ans. Cette petite mise en scène n’est donc pas anodine – il s’agit probablement d’une coproduction très étudiée – et confirme le succès de la méthode Macron.
Sans remonter jusqu’à De Gaulle, une telle scène serait inimaginable avec Mitterrand (1981-1995) ou même Chirac (1995-2007). Le premier possédait une culture qui lui interdisait de se mélanger avec les « vulgaires » stars de la télé, et le second se fichait complètement de cet univers dans lequel il n’était pas à l’aise, du fait de la prédominance de la gauche culturelle.
C’est sous Sarkozy (2007-2012) que le rapport entre la présidence et la télévision a basculé : fan de Johnny et de Michel Denisot, et réciproquement, le président Nicolas Sarkozy a brisé la solennité de la fonction pour se rapprocher des Français. Rabaisser la fonction par calcul électoraliste présentait toutefois un risque, celui de ne plus pouvoir (la) remonter.
« Nous nous devons à notre public » (Louis XIV, dit le Roi-Soleil)
Fort de toutes ces expériences, et ne les ignorant pas, Macron construit une communication nouvelle qui réunit les deux comportements présidentiels possibles : il est à la fois dans la solennité, reprenant le fil des grands anciens avec la scénographie de sa victoire devant la pyramide du Louvre (lancée par Mitterrand), celle de la réception de Poutine à Versailles (agrandi sous Louis XIII mais occupé par Louis XIV), celle du défilé du 14 Juillet avec Trump, sans oublier son anniversaire à Chambord, et il est dans l’univers people où il évolue avec délectation.
Mais il peut se le permettre, tant qu’il entretient chez les Français l’imaginaire de la fonction supérieure ou divine, c’est-à-dire la posture royale, celle que François Hollande (2012-2017) a complètement éteinte. Alors il peut, comme Louis XIV, qui a inventé la politique-spectacle, aller vers les Français et leur parler simplement. Il n’y a pas de hasard chez Macron. On ne s’étonnera pas qu’après six mois de règne, sa cote monte encore, malgré sa politique libérale qui va si mal à la France.