Humour. Jouant avec son image écornée et ses cibles préférées, l’humoriste présentait deux fois son « best-of », hier au Quai du rire. Retour à Marseille le 1er février au Palais des congrès.

On le savait déjà, il l’a encore confirmé hier : Dieudonné est un formidable comédien. Au Quai du rire -sans incident à l’entrée comme on aurait pu le craindre-, au fil de deux représentations très resserrées (17h et 19h), il présentait hier son « Best-of » comme il le fera de nouveau, toujours avec la complicité du Quai du rire, le 1er février au Palais des congrès.

Au menu, quelques sketches issus de ses précédents spectacles, - notamment Cocorico (2002) - enchaînés par un malicieux procédé où il s’imagine mort et remplacé par un droïde LR6 programmé par une scientifique sexy mais rigide, Sandra, et télécommandé -avec quelques bugs- par Jacky, complice régisseur.

Multipliant les allusions aux controverses au cœur desquelles il a été plongé, avec plus ou moins d’humour et de sagacité (du lobby juif à la main tendue à Le Pen en passant par son « sketch » chez Fogiel, rien n’est esquivé), Dieudonné reste en parfait équilibre, même si le regard du spectateur est forcément « déformé » par les polémiques passées. Le malaise plane parfois, sur un salut nazi ou un chapeau affublé de papillotes -celui de la fameuse émission de Fogiel-, et, tout en repérant dans le public quelques rires malsains, on craint le dérapage. Le truc vraiment pas drôle. Car l’essentiel, quel que soit le sujet soulevé, c’est l’esprit. Cette fois en tout cas, c’est drôle. D’autant que, à l’instar de Desproges ou Coluche, l’artiste tire tous azimuts, bien au-delà des thèmes qui lui ont valu soucis judiciaires et disgrâce médiatique.

United connerie of Benetton
De René, le technicien récemment embauché au Quai du rire, raciste et violent, au journaliste cynique et suffisant, envoyé (très) spécial à Villiers-le-bel (« tu m’étonnes qu’ils aient envie de tout cramer »), en passant par « La fine équipe du 11 », où le commando terroriste se prépare à se scratcher sur les tours jumelles, mais aussi le débat tenu en conseil de classe sur le sujet du port du voile à l’école, et le médecin-conseil de « SOS espèces en voie de disparition », le comédien déploie une impressionnante palette de mimiques et d’accents, ponctuant ses interventions d’improbables et inimitables vagissements hystériques, entre autres rires sardoniques.

Tel un Benetton trash, il dresse un inventaire de la connerie « united coulours », voyageant des Etats-Unis à la Papouasie, du Moyen-Orient au pays du Soleil Levant, sans oublier de faire un tour du côté des médias (« si la réalité intéressait les gens, ils éteindraient la télé et regarderaient par la fenêtre »). Mais l’obsession du bonhomme, presque une marque de fabrique, va vers les religions, dans une attaque en règle et en vrac, délicieusement burlesque ou acide, à l’instar des missionnaires envoyés par le Vatican en Nouvelle Guinée pour évangéliser les étuis péniens, du peuple élu qui pense avoir « le POS de la planète », des cathos qui croient qu’au paradis, « après la mort, c’est open bar », ou des fous d’Allah qui se demandent comment ils auront les 1 000 vierges promises après l’explosion. Le tout pour prôner au final, dans la peau du grand Francis Quedalle, la secte du « rien ».

Artistiquement, Dieudonné le comédien-chroniqueur est inattaquable. A 10 000 lieues de la morgue d’un Laurent Gerra, il est un des rares à oser encore appuyer là où ça peut faire mal plutôt que raconter ses soucis d’Internet ou ses problèmes de belle-mère. Pour le reste, on lira les chroniques judiciaires. Mais sur un plateau, le show goes on. Ceux qui avaient encore des réticences pourront le vérifier au Palais des congrès…

DENIS BONNEVILLE


Source : http://journal-lamarseillaise.com