« Il aime profondément les gens c’est vrai ! »
Davet et Lhomme ont inventé un genre de journalisme inédit : l’investigation pro-pouvoir. Ils ont enquêté sur François Hollande, avec la permission de François Hollande, et les informations de François Hollande. Une méthode devenue un livre, Un Président ne devrait pas dire ça, qu’ils pourront enseigner à leurs étudiants en journalisme. Edwy Plenel peut être fier de ses poulains.
Dans leur ouvrage sous-titré Les Secrets d’un quinquennat, Davet & Lhomme ont eu la chance de rencontrer le PDR (le président de la République) 60 fois. On appelle ça des journalistes de cour. Logiquement, ils transmettent à la plèbe – dite aussi les sans-dents – la parole royale. Et que dit la parole royale ? Qu’elle « aime les gens », qu’elle a été « trahie » – par Cahuzac et Macron – et qu’elle veut laisser « une trace ». On évitera les jeux de mots avec les pneus pour passer à la question : et la politique, là-dedans ? Et la géopolitique ? Pourquoi avoir pris Fabius, la catastrophe ambulante, à un poste aussi sensible que les Affaires étrangères ? Pourquoi avoir voulu bombarder Assad en août 2013, dans une guerre dont aucun Français n’avait besoin ? Pourquoi avoir cédé au cabinet de Netanyahou lors du massacre de Gaza en juillet 2014, où plus de 1 000 civils innocents perdront la vie ? Pourquoi la génuflexion généralisée au dîner du CRIF ? Pourquoi Valls, l’homme du CRIF ? Pourquoi la trahison du socialisme, même réaliste ?
« Ma vie, elle est déjà réussie »
Au lieu de ça, des petites phrases, des états d’âme, dont on n’a rien à faire. Ça vole pas haut, ça fait Voici, mais c’est un président Voici. Ou plutôt Closer, dont il a rencontré deux représentants, en douce, à l’Élysée, en pleine affaire Julie Gayet. Les Français se fichent que le président ait des maîtresses, du moment qu’il fait le boulot. Et là, le boulot c’est pas qu’il est pas fait, il est carrément saboté. La grande question du quinquennat demeurera le pourquoi de ce sabotage. Et on ne parle même pas des promesses de campagne, qu’il faut oublier dès le lendemain de l’élection. Ça, c’est pour la galerie. Non, l’important, les grands choix, sur lesquels on juge une présidence. Le pire, c’est que le peuple français est tout entier entraîné dans les décisions catastrophiques – il n’y a pas d’autre mot – de Hollande et sa clique. Ici, on n’a que des petits choix.
Hollande refuse de recevoir Poutine ? Au moins Poutine fait-il le boulot, avec Daech. Hollande a nommé et soutenu Fabius, qui devrait être jugé devant la Haute Cour pour haute trahison. Il a armé des terroristes, des assassins, des mercenaires, contre un État souverain. Où étais-tu, François, quand ton ministre délirait sur le Front al-Nosra, déclarant à la face du monde qu’il fallait éliminer Assad ? En vérité, Hollande laissera une trace de dégoût dans l’histoire de France, mais la petite. Un petit encart en bas de page dans les livres de 5ème. Chirac, en ne foutant presque rien, ne faisait pas honte à la France à l’étranger. Hollande a dégueulassé la France, sans parler de la GPA et de la théorie du genre, qui souillent la morale publique et l’esprit des enfants. Peut-être que la France a besoin d’un tel miroir pour se regarder bien en face, et rebondir. Il y a eu le roi Soleil, on aura eu le roi des Mauvais Choix.
Monsieur Scoop
Sauf qu’en politique, il n’y a pas de mauvais choix. Hollande a été si cohérent dans l’ensemble de ses choix, si désastreux, qu’il n’a pu qu’obéir à d’autres intérêts que ceux des Français. D&L nous font croire que François aime les gens et qu’il a du mal à leur parler. C’est tomber bien bas dans l’analyse politique. Mais voilà, on a un président qui aime à s’épancher, à recevoir les journalistes qui deviennent ainsi, qu’ils le veuillent ou pas, des relais du pouvoir. Pendant son quinquennat, pas moins de 10 livres ont répercuté la parole – en off – du président : Jusqu’ici tout va mal de Cécile Amar (Grasset), Le stage est fini de Françoise Fressoz (Albin Michel), L’Élysée selon Hollande d’Hervé Asquin (L’Archipel), Le Pari de Bastien Bonnefous et Charlotte Chaffanjon (Plon), Ça n’a aucun sens d’Elsa Freyssenet (Plon), Conversations privées avec le Président (Albin Michel) d’Antonin André (Europe 1) et Karim Rissouli de France 2, en attendant ceux de Franz-Olivier Giesbert (Le Point) et Marie-Ève Malouines (LCP). Du côté de la télé, tout le monde ou presque a fait son sujet ou son docu sur le président (Rotman, Jeuland), et même un dessinateur de BD, Mathieu Sapin. Valérie Trierweiler, dans son best seller Merci pour ce moment, avance que 70 journalistes politiques reçoivent les SMS de Hollande.
« Souvent les journalistes préfèrent une information déjà traitée, et relater l’information qui leur vient ; mais peu vont chercher l’information à la source – or c’est la seule qui vaille » (Gérard Davet, le 26 octobre 2014 à Capharnaüm Tremens)
Or ce qui intéresse ces journalistes, n’est pas ce qui intéresse les Français. Les deux cercles d’intérêts ne se confondent pas, et parfois, ne se touchent pas. Le journaliste aime la petite phrase, le Français aime être fier de son président. Et là, de quoi peut-on être fier ? Même en étant un militant du PS ? On n’est pas ici pour accabler des confrères qui ont la chance d’entrer à l’Élysée, côtoyer le Pouvoir, un pouvoir qui montre ainsi ses limites ou son impuissance. On rapporte alors la parole présidentielle avec trois piques, histoire de « faire » journaliste indépendant, tout en conservant les fameux petits déjeuners, voyages présidentiels et autres friandises élyséennes. Dans la hiérarchie du journalisme politique, paradoxalement, tout en haut, trône le journaliste de cour élyséenne. Il ne peut pas aller plus haut, à moins de devenir conseiller.
Au fait, que dit ce livre ?
« Il n’y a pas d’attachement à cette équipe de France. Il y a les gars des cités, sans références, sans valeurs, partis trop tôt de la France. (...) On voit bien que sur l’expression, il y a une perte de niveau. (...) Ils sont passés de gosses mal éduqués à vedettes richissimes, sans préparation. Ils ne sont pas préparés psychologiquement à savoir ce qu’est le bien, le mal. »
« Quand on lit Finkielkraut, Zemmour, Houellebecq, qu’est-ce que ça charrie ?Toujours la même chose, la chrétienté, l’histoire, l’identité face à un monde arabo-musulman qui vient… C’est ça qui fait que les gens basculent, ce n’est pas parce qu’ils ont perdu 3 % de pouvoir d’achat – qu’ils n’ont pas perdu d’ailleurs ! – ou parce qu’ils sont chômeurs. Il y a des choses qui les taraudent, ils arrivent dans un train, ils voient des barbus, des gens qui lisent le Coran, des femmes voilées… »
- François Hollande reçoit les (bons) Bleus le lendemain de la finale de l’Euro 2016
L’objectif du livre de François Hollande rédigé par ses deux employés Davet & Lhomme, est de recoller avec le peuple, une relation mise à mal par l’affaire des « sans-dents » du livre de Trierweiler. D’où quelques sorties populistes bien calculées, sur les magistrats, « une institution de lâcheté », sur les immigrés, via le très rassembleur football... Une opération de « com » destinée à neutraliser la contre-com. Chaque média a sa part du gâteau, et peut faire « buzzer » les flèches pointues prévues à cet effet. On découvre par exemple dans L’Équipe toute l’étendue du pouvoir personnel du président :
« Tout commence au printemps 2014, écrivent-ils. BeIN Sports, la chaîne qatarienne, s’apprête à rafler l’intégralité des droits de la L1. Canal + est en danger de mort. Or, Vincent Bolloré, dont l’amitié avec Nicolas Sarkozy est notoire, vient de faire main basse sur la chaîne cryptée, via Vivendi. En avril 2014, Hollande reçoit, en secret, Rodolphe Belmer et Bertrand Méheut, les patrons de Canal +, venus exposer leurs craintes. Le président va se démener. "On a sauvé Canal, nous confie alors Hollande. J’ai reçu discrètement Belmer et Méheut. J’ai appelé l’émir du Qatar et lui ai dit : ’Vous allez venir en France en juin, on vous a défendus par rapport aux Saoudiens, on est à vos côtés, mais là, qu’allez-vous faire sur les Rafale ? Il y a aussi l’histoire du foot... Je souhaite qu’il y ait un partage.’" » Il aura lieu, car Canal + empoche, sans combattre, les trois meilleures affiches jusqu’en 2020 et beIN Sports les autres rencontres.
« L’intendance suivra » (Charles de Gaulle)
Au final, que reste-t-il de tous ces livres et de ce président ? L’aveu d’une véritable impuissance, en creux. Une impuissance géopolitique, l’acceptation d’une influence perdue dans le concert des nations, et à la place, un sursaut de puissance à l’échelle nationale sur des sujets qui ne sont pas du niveau d’un président : sauver Canal+, peaufiner son image à travers les journalistes du Système, des réglages qui sont habituellement le fait de l’intendance. Avec Sarkozy, on aura eu un président-Premier ministre de l’Intérieur ; avec Hollande, le porte-parole de pouvoirs supérieurs à la présidence.
Par le livre de Davet & Lhomme, on apprend ce qu’on savait déjà. La seule question qui vaille est celle-ci : un homme seul, nanti de tous les pouvoirs que lui confère la constitution de la Ve République, peut-il renverser la vapeur, redonner à la France son image et son rôle dans le monde ?
Ou est-il condamné à entériner les décisions supranationales, que ce soit de l’Union européenne, de George Soros, ou de l’axe américano-israélien, sans parler de la paire qataro-saoudienne, qui a acheté notre politique étrangère à coups de Rafale et d’armement lourd ?
Hollande aura été un petit président, le président d’une petite France, mais qui aura fait tous ses choix dans ce sens : comment avoir pu caster une Belkacem à l’Éducation, une Taubira à la Justice, un Moscovici aux Finances puis à l’Union européenne (logiques supranationales), un Fabius aux Affaires étrangères... sans imaginer une seconde que ce sera le choix de la soumission aux lobbies LGBT, sioniste et européiste ? De cela, il n’est évidemment pas question dans les livres sur Hollande. Car seule la structure du pouvoir est intéressante. Les hommes, eux, passeront.
Quant à la courageuse « transparence » présidentielle, louée par ses derniers soutiens, si c’est pour faire transparaître la résignation et le rabaissement, Hollande aurait mieux fait de bosser son « indépendance » de la France.