Le livre de Marc Reisinger Opération Merah est passé totalement inaperçu. Ni la presse traditionnelle, ni les sites Internet d’information alternative ne semblent avoir été tenus au courant de la sortie de cette excellente enquête aux éditions La muette. Marc Reisinger, psychanalyste, a eu le courage et la patience de collecter, synthétiser et confronter toutes les informations publiées dans la presse sur l’affaire Merah pour finalement en arriver à une thèse qui a de quoi effrayer : ce qu’il appelle « l’opération Merah » aurait en réalité été orchestrée par Nicolas Sarkozy et ses proches (parmi lesquels le truculent Bernard Squarcini) dans le but d’aider à sa réélection. Mais voilà, une mauvaise évaluation de Merah aurait conduit au bain de sang de l’école Ozar Hatorah, Merah étant in fine nettement plus imprévisible que la DCRI ne le pensait.
Même s’il ne peut prouver que l’affaire retourne d’une telle manipulation étatique, l’auteur montre précisément ce qui cloche dans le récit officiel tout en étayant ses démonstrations par de solides sources. C’est ainsi qu’il démontre avec brio que les transcriptions édifiantes des bandes fournies par l’avocate de Mohamed Merah au journal algérien Echorouk, et que notre ami Paul-Eric Blanrue avait été le premier à publier en français, sont bel et bien authentiques. Ainsi, Merah qui clamait avoir été manipulé par un certain « Zouhir » travaillant pour la DCRI, aurait bien été manipulé par les services français et probablement avec l’aide de son frère Abdelkader Merah, à propos duquel Marc Reisinger écrit :
« Il a été interrogé à neuf reprises par les policiers de la SDAT (Sous-direction antiterroriste), ainsi que deux fois par le juge d’instruction sans que rien n’émerge de ces interrogatoires, comme s’il était placé sous sarcophage [...] Le curriculum d’Abdelkader donne l’impression qu’il pourrait s’agir d’un indicateur manipulé par les services de renseignement. Comme Olivier Correl [NDLR : l’émir blanc ariégeois supposé à la tête du réseau toulousain], il a bénéficié d’une remarquable impunité dans le procès de la filière jihadiste de Toulouse en 2009. Le fait qu’il n’existe aucune photo de lui sur Internet, à part un portrait flouté, laisse soupçonner un travail de « communication négative », comme les services de renseignement l’assurent auprès des agences de presse, pour protéger leurs agents. Abdelkader aurait-il été un indicateur traité, plus ou moins à son insu, pour piloter l’action suicide de son jeune frère ? »
Une question pertinente à laquelle l’auteur, prudent, ne prétend pas apporter de réponse. Mais si de telles suspicions autour d’un homme lié aux désormais fameuses filières irakiennes surprennent au premier abord, il faut tout de même avouer que leur longévité a de quoi étonner puisqu’en 2015, c’est la mère de ces filières qui a été à l’origine des attentats de Paris.
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