Précisons d’entrée de jeu qu’il n’existe à l’heure actuelle aucune indication que l’accident survenu à l’aéroport Vnoukovo de Moscou et qui a coûté la vie au PDG de Total, Christophe de Margerie, et aux trois membres de l’équipage de l’avion privé qui devait le ramener à Paris, pourrait cacher un attentat.
L’Affaire Mattei
Cependant, les liens personnels du dirigeant de la pétrolière française avec Vladimir Poutine, ses positions sur l’utilisation du dollar US comme référence dans les transactions sur le pétrole, et le contexte géopolitique actuel, nous forcent à faire un rapprochement avec la disparition dans des circonstances similaires d’un autre acteur important de l’industrie pétrolière il y aura exactement 52 ans dans quelques jours, Enrico Mattei (photo ci-dessus), alors PDG de l’Ente Nazionale Idrocarburi, l’ENI, une société d’État italienne.
Rappelons les faits.
Le soir du 27 octobre 1962, en pleine tempête, l’avion privé qui le ramène de Catane, en Sicile, à Milan, s’écrase à la suite d’une déflagration dans un petit village de Lombardie quelques minutes avant l’heure prévue pour son arrivée. Selon les conclusions cumulatives de plusieurs enquêtes dont la dernière remonte au milieu des années 1990, l’ouverture du train d’atterrissage de l’appareil a déclenché le détonateur d’un engin explosif placé subrepticement à bord avant le décollage.
Héros de la résistance antifasciste italienne pendant la Deuxième Guerre mondiale, il s’était vu confier par le gouvernement dès la fin de celle-ci, la responsabilité de démanteler l’Azienda Generale Italiana Petroli (Agip), la pétrolière nationale créée sous Mussolini.
Découvrant son potentiel, il s’appliquera plutôt à restructurer l’entreprise et la transformer en l’un des atouts économiques les plus importants du pays. En 1949, la découverte d’un important champ pétrolier et gazier dans la vallée du Pô, le fleuve qui traverse le nord du pays, l’amène à déclarer que l’Italie pourrait devenir autosuffisante en matière d’énergie.
Profitant d’une très bonne couverture de la presse italienne, il suggère que le pays, à cette époque encore durement touché par les répercussions de la guerre, va enfin connaître la prospérité. Jouissant d’un statut juridique hybride qui lui permet d’être cotée en bourse bien qu’elle appartienne à l’État, Agip voit son titre grimper en flèche, et l’entreprise devient très rapidement l’une des plus solides et des plus importantes du pays.
Mais Mattei a pris quelques libertés avec la réalité. Le territoire de Cortemaggiore, dans la vallée du Pô, renferme en fait une certaine quantité de gaz et seulement un peu de pétrole. Assez cependant pour en justifier l’exploitation commerciale.