Une nouvelle longue journée de tractations a commencé hier à Vienne pour les négociateurs du nucléaire iranien, qui tentent d’achever le travail technique avant le retour des hommes politiques et la conclusion espérée, mais toujours incertaine, d’un accord historique d’ici à mardi.
Au neuvième jour de la reprise formelle des discussions, très peu d’informations précises filtrent sur l’avancée du dossier, même si quelques clignotants ont semblé passer au vert. L’Iran et le P5+1 (États-Unis, Grande-Bretagne, Russie, Chine, France et Allemagne) essayent de résoudre depuis des mois une équation simple dans son principe, mais affreusement complexe dans les détails : comment placer sous contrôle international le programme nucléaire iranien, en échange d’une levée de sanctions contre Téhéran. Les experts et diplomates planchent jour et nuit sur un texte de 20 pages avec cinq annexes, au total entre 70 et 80 pages, selon le négociateur iranien Abbas Araghchi.
Objectif : présenter aux ministres un projet aussi précis et consensuel que possible, afin de laisser les politiques faire les derniers arbitrages et tenter de trancher les nœuds les plus durs de cette négociation sans précédent. Les chefs de la diplomatie doivent d’ailleurs commencer à revenir à Vienne dès dimanche soir - le Français Laurent Fabius et l’Allemand Frank-Walter Steinmeier sont les premiers attendus, les Russe Sergueï Lavrov, Chinois Wang Yi et Britannique Philip Hammond pourraient suivre lundi. Ils retrouveront l’Américain John Kerry, présent sans interruption dans la capitale autrichienne depuis plus d’une semaine, et l’Iranien Mohammad Javad Zarif. La négociation est censée se conclure d’ici mardi 7 juillet, avant-veille de la date à laquelle le Congrès américain doit recevoir le texte pour se prononcer dans les 30 jours. Si la négociation est prolongée, la mise en œuvre d’un accord n’interviendrait pas avant au minimum deux mois.
Savoir s’arrêter
Dans l’histoire de cette négociation, entamée en septembre 2013, les dates butoir ont toujours été allègrement dépassées. Mais à un moment, il faut savoir s’arrêter, soupire un haut responsable occidental.
La prolongation des négociations n’est une option pour personne. Ni pour nous, ni pour les autres, a déclaré samedi soir à la télévision iranienne M. Araghchi. « Si on parvient à un accord qui respecte nos lignes rouges, il y a accord, sinon nous préférons rentrer à Téhéran les mains vides », a-t-il prévenu, en écho au président américain Barack Obama qui a prévenu la semaine dernière qu’il refuserait un mauvais texte.
Les points les plus durs de la négociation sont connus depuis des mois : combien de temps le programme nucléaire iranien sera-t-il bridé, quelles seront les modalités et le périmètre des inspections internationales, et à quel rythme tomberont les sanctions qui étranglent l’économie iranienne depuis une décennie. Si certains diplomates ont laissé entendre samedi qu’un compromis sur les sanctions était en vue, M. Aragchi a toutefois assuré que quatre ou cinq points relatifs à cette question n’étaient pas réglés. Les Iraniens réclament une levée rapide des sanctions -le président Hassan Rohani a été élu en 2013 sur cette promesse, quand le P5+1 insiste sur un processus progressif et réversible au cas où Téhéran ne tiendrait pas ses engagements. Concernant les vérifications d’une possible dimension militaire (PMD) du programme nucléaire iranien, point clé du dossier, le patron de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Yukyia Amano, a fait part de progrès dans les discussions avec Téhéran.
Dernière ligne droite
Après des mois d’intenses négociations, les grandes puissances et l’Iran ont entamé samedi un week-end de discussions cruciales sur le programme nucléaire iranien, dernière ligne droite avant un possible accord historique, espéré d’ici à demain. Une avancée décisive dans les pourparlers se fait toujours attendre, au huitième jour de ce round final. Mais des clignotants semblent passer timidement au vert.
Le patron de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Yukia Amano, a ainsi signalé samedi que son organisation pourrait conclure à la fin de l’année ses investigations sur la possible dimension militaire (PMD) du programme nucléaire de l’Iran, un des points clés du dossier. « Avec la coopération de l’Iran, je pense que nous pourrons publier un rapport à la fin de l’année sur (...) la clarification des questions liées à la PMD », a-t-il déclaré à son retour de Téhéran où il a notamment rencontré le président Hassan Rohani. La PMD est un des aspects les plus délicats des négociations.
Des progrès sur la PMD
« Téhéran a toujours démenti avoir voulu ou vouloir se doter d’un arsenal militaire nucléaire, affirmant que les documents sur lesquels se base l’AIEA sont des faux. Des progrès ont été réalisés », a assuré M. Amano, dont l’agence onusienne serait appelée à jouer un rôle crucial de supervision d’un éventuel accord entre l’Iran et les grandes puissances.
Les États-Unis et l’Iran ont par ailleurs rivalisé vendredi de messages conciliants, le secrétaire d’État américain, John Kerry, saluant un authentique effort des parties, tandis que son homologue iranien, Mohammad Javad Zarif, évoquait des défis communs, notamment la lutte contre l’extrémisme.
« Nous n’avons jamais été aussi proches d’un accord, même s’il n’est pas certain », a déclaré M. Zarif à quatre jours de l’échéance théorique pour parvenir à un compromis sur le nucléaire.
Dans un message vidéo publié sur Youtube du balcon du palace viennois abritant les négociations, M. Zarif a ouvert des perspectives de coopération future dans le cas où un accord serait signé. « Nous sommes prêts à ouvrir de nouveaux horizons pour affronter les défis importants et communs. Aujourd’hui, la menace commune est le développement de l’extrémisme violent et de la barbarie sans limites », a-t-il dit, dans une allusion au groupe djihadiste État islamique (EI).
« Pour affronter ce nouveau défi, de nouvelles approches sont absolument nécessaires », a souligné le chef de la diplomatie iranienne, évoquant une bataille existentielle. Les États-Unis dirigent une coalition internationale contre l’EI en Irak et en Syrie, à laquelle ne participe pas l’Iran, qui soutient de son côté les régimes irakien et syrien contre le groupe djihadiste.
Questions difficiles
Un peu plus tôt, M. Kerry, qui s’est de nouveau entretenu vendredi avec son homologue iranien, a salué un authentique effort de toutes les parties pour parvenir à un accord. « Nous avons des questions difficiles, mais il y a un authentique effort de tous pour être sérieux (...) Les deux parties travaillent très dur, dans la bonne volonté, pour faire des progrès et nous faisons des progrès », a dit M. Kerry.
En vertu d’une nouvelle loi, si le Congrès américain reçoit le texte de l’accord d’ici au 9 juillet, il aura 30 jours pour se prononcer, mais si cette date est dépassée, la période d’examen passera à 60 jours. Ce qui retardera d’autant la mise en application de l’accord et pourra créer des complications supplémentaires. Les négociations doivent permettre d’aboutir à un accord visant à s’assurer que le programme iranien ne puisse avoir de dimension militaire, en échange d’une levée des sanctions internationales qui frappent l’Iran.
« Nous sommes vraiment en fin de partie, a déclaré à des journalistes un haut responsable gouvernemental américain. Nous faisons certainement des progrès, il n’y a aucun doute là-dessus, a déclaré ce responsable sous couvert de l’anonymat, mais il est également clair qu’il y a toujours des questions importantes qui ne sont pas résolues, c’est pourquoi les gens travaillent jusque très tard dans la nuit. »
La plupart des ministres devraient être de retour à Vienne dimanche.
Authentique effort
« Les diplomates de l’Iran et des pays du groupe 5+1 mettent les bouchées doubles dans les négociations sur le nucléaire iranien, et font un authentique effort », selon l’Américain John Kerry, pour parvenir à un accord dans les prochains jours. Les discussions entre experts s’intensifient à Vienne, en attendant le retour, à partir de dimanche soir, de tous les chefs de la diplomatie, censés faire les ultimes arbitrages politiques pour tenter d’avoir un accord d’ici au 7 juillet. Le secrétaire d’État américain John Kerry, qui n’a pas quitté la capitale autrichienne depuis une semaine, s’est de nouveau entretenu avec son homologue iranien Mohammad Javad Zarif.
« Nous avons des questions difficiles, mais il y a un authentique effort de tous pour être sérieux (...) Les deux parties travaillent très dur, dans la bonne volonté, pour faire des progrès et nous faisons des progrès », a dit M. Kerry avant la rencontre.
Il a ajouté que toutes les parties comprenaient les contraintes du calendrier, en faisant référence à l’échéance du 7 juillet nouvellement fixée pour parvenir à un accord.
« Nous continuons à travailler. Très certainement, nous voulons, tous deux, essayer de voir si nous pouvons parvenir à une conclusion », a-t-il ajouté.
« Nous travaillons durement pour aller de l’avant et nous avons fait des progrès. Il existe encore des questions difficiles à résoudre », a déclaré de son côté M. Zarif. Le matin, il avait demandé aux pays occidentaux de prendre une décision politique et de choisir entre un accord ou la continuation de la pression alors que son principal collaborateur, le vice-ministre des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, réaffirmait que tout accord devait obligatoirement respecter le cadre, les principes et les lignes rouges de l’Iran.
« On arrive au bout du chemin. Ça sent la fin. Il reste cinq jours » (avant la nouvelle date butoir du 7 juillet), « on espère conclure d’ici là », a déclaré une source diplomatique occidentale vendredi matin. Les négociations doivent permettre de parvenir à un accord visant à s’assurer que le programme iranien ne puisse avoir de dimension militaire, en échange d’une levée des sanctions internationales qui frappent l’Iran.
Meilleure compréhension Iran-AIEA
Parallèlement à ces discussions diplomatiques intenses à Vienne, le chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique, le Japonais Yukiya Amano, qui a effectué jeudi une visite surprise d’une journée à Téhéran, pour rencontrer notamment le président Hassan Rohani, a parlé d’une meilleure compréhension entre l’Iran et son agence. « Je crois que les deux parties ont une meilleure compréhension (...) mais plus de travail est nécessaire », a déclaré M. Amano, dont l’agence est appelée à jouer un rôle majeur de vérification en cas de conclusion d’un accord.
L’AIEA soupçonne Téhéran d’avoir mené des recherches, au moins jusqu’en 2003, pour se doter de la bombe atomique, et cherche à avoir accès aux scientifiques impliqués, ainsi qu’aux documents et sites qui pourraient avoir abrité ces recherches. Téhéran a toujours démenti avoir voulu ou vouloir se constituer un arsenal militaire nucléaire, affirmant que les documents sur lesquels se base l’AIEA sont des faux.
« Nous sommes prêts à coopérer avec M. Amano pour qu’il soit prouvé que les accusations contre la République islamique d’Iran sont sans fondement (...) Nous sommes prêts à coopérer sur la PMD avec l’Agence et accélérer cette coopération pour parvenir à une conclusion », a déclaré M. Araghchi.
Par ailleurs, le chef de cabinet du président iranien Hassan Rohani, Mohammad Nahavandian, s’est rendu vendredi en mission spéciale à Vienne pour participer aux ultimes jours de négociations nucléaires avec les grandes puissances, selon les médias locaux.
Fin des enquêtes à la fin 2015
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pourra terminer ses investigations à la fin de l’année sur la possible dimension militaire du programme nucléaire de l’Iran, a annoncé samedi à la presse le directeur général de l’organisation, Yukia Amano.
« Avec la coopération de l’Iran, je pense que nous pourrons publier un rapport à la fin de l’année sur (...) la clarification des questions liées à la possible dimension militaire (PMD) du programme nucléaire de l’Iran », a-t-il déclaré à son retour de Téhéran où il a notamment rencontré le président Hassan Rohani. M. Amano a eu jeudi des entretiens avec M. Rohani mais aussi le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale, Ali Shamkhani, pour accélérer le règlement des questions en suspens, notamment la PMD. « Des progrès ont été réalisés, mais je ne peux fournir des détails », a-t-il ajouté.
M. Amano a également précisé que l’AIEA était prête à jouer son rôle après la conclusion d’un accord global sur le nucléaire iranien entre Téhéran et les puissances du groupe 5+1.
« L’AIEA est prête à mettre en œuvre les éléments liés au nucléaire lorsque cela sera demandé », a-t-il déclaré.
L’AIEA est appelée à jouer un rôle majeur de contrôle et de vérification en cas d’accord entre Téhéran et les grandes puissances. Cet accord verrait le programme nucléaire iranien placé sous étroit contrôle international, en échange d’une levée des sanctions contre Téhéran.