Un groupe de femmes réalise des fouilles dans l’État de Sinaloa, situé dans le nord-ouest du Mexique, depuis trois ans, afin de retrouver leurs proches portés disparus. Un travail réalisé au péril de leur vie, mais qu’elles jugent « nécessaire », dans la mesure où les autorités ne se mobilisent guère pour rechercher les dizaines de milliers de personnes disparues dans le pays.
Ce groupe de femmes s’appelle « Las Rastreadoras del Fuerte » (« Les traqueuses de El Fuerte »), du nom d’une ville située dans le nord du Sinaloa. C’est dans cette zone qu’elles réalisent l’essentiel de leurs recherches.
Le 19 novembre, elles ont retrouvé six corps dans des fosses clandestines situées en périphérie de Los Mochis, une ville à 80 kilomètres au sud d’El Fuerte. Grâce à leur travail, 113 corps de personnes disparues ont déjà été retrouvés depuis trois ans, dont 88 ont été remis aux familles.
Leur travail est essentiel dans cet État, puisque c’est le troisième comptant le plus de disparus dans le pays, derrière l’État de Tamaulipas et l’État de Mexico. Selon le Registre national de données des personnes perdues ou disparues, 2 852 personnes sont portées disparues dans le Sinaloa et environ 32 000 à l’échelle nationale.
Ces disparitions sont généralement imputables – directement ou indirectement – à des acteurs étatiques (fonctionnaires, policiers, membres de l’armée) et non étatiques (membres du crime organisé), selon les organisations de défense des droits de l’Homme, comme Amnesty international. Parmi les victimes, on compte des étudiants, des journalistes, des narcotrafiquants, des migrants d’Amérique centrale et de plus en plus de jeunes femmes.
« Notre priorité est de retrouver nos proches, et non les coupables »
Mirna Nereida Medina Quiñónez est une femme de 47 ans vivant à Los Mochis. C’est elle qui a créé le groupe « Las Rastreadoras del Fuerte » à la suite de la disparition de son fils, le 14 juillet 2014.
« Quand mon fils a disparu, je suis allée au bureau de la police fédérale ministérielle [qui dépend du Procureur général de la République, NDLR]. Mais ils m’ont dit qu’ils ne recherchaient pas les disparus. Du coup, j’ai décidé de rechercher mon fils moi-même. »
- Mirna Nereida Medina Quiñónez à la recherche de restes humains. Photo envoyée par elle-même.
« Au début, j’ai fait des recherches uniquement avec ma famille. Puis j’ai utilisé les réseaux sociaux pour trouver d’autres familles dans la même situation : c’est ainsi que j’ai rencontré 14 femmes d’El Fuerte et que j’ai constitué le groupe des "Rastreadoras". Puis, le groupe s’est agrandi petit à petit. Appartenir à ce groupe permet de bénéficier d’un soutien énorme, notamment psychologique.
Actuellement, 60 femmes vivant dans quatre villes différentes – El Fuerte, Los Mochis, Guasave et Choix – participent régulièrement aux recherches. Mais nous sommes seulement 25 à prendre part à toute les fouilles. Les autres y participent uniquement quand elles ont lieu près de chez elles. En moyenne, nous sommes 40 lors de chaque sortie. »
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« L’odeur permet de savoir s’il y a un cadavre sous terre »
« Lorsque nous effectuons des recherches, nous introduisons des baguettes dans la terre. Quand nous les retirons, si elles ont une odeur particulière, nous savons qu’il y a un cadavre en-dessous.
Quand nous en trouvons un, nous regardons s’il y a des indices permettant de l’identifier : vêtements, etc. Cela permet ensuite de recouper ces informations avec celles données par les familles de disparus. Nous regardons aussi s’il y a des balles ou des menottes à côté. Puis un médecin légiste procède à l’enlèvement du corps. Celui-ci part alors aux pompes funèbres, des tests ADN sont réalisés, et s’il est identifié, il est remis à la famille. »
« On pourrait croire que c’est un soulagement de retrouver un corps, mais pas du tout »
« Cet été, j’ai retrouvé le corps de mon fils, trois ans exactement après sa disparition. J’ai donc pu l’enterrer le 28 juillet. »