Selon Guéant et Péchenard, la DCRI a le droit d’enquêter sur les sources des journalistes dès lors que des "informations confidentielles d’une affaire judiciaire en cours" sont divulguées. Des centaines de journalistes doivent donc être espionnés en permanence...
A l’origine, une fuite : en pleine affaire Woerth-Bettencourt, David Sénat, alors directeur du cabinet de MAM à la Justice, balance au quotidien Le Monde quelques infos truculentes sur une enquête de police. Embêtant... une femme de ministre aurait été embauchée après intervention expresse de son mari, dans une obscure TPE soupçonnée d’avoir couvert, sinon organisé, une fraude fiscale à plusieurs centaines de millions d’euros ?! Pas franchement du meilleur effet. Il fallait agir et vite. L’impétrant s’est retrouvé muté en Sibérie Guyane en deux temps trois mouvements. Est-il utile de préciser que la fraudeuse n’a quasiment pas été inquiétée ? Non, bien entendu... mais le sujet n’est pas là.
Y a-t-il eu intervention de l’Etat pour identifier les sources des journalistes ? Oui, c’est un fait. Guéant et Péchenard l’ont admis. Même si aucune écoute n’aurait été réalisée, nos flics de chocs ont tout de même épluché les fadettes d’un journaliste pour identifier le délateur. Hors cadre judiciaire, bien entendu... mais le sujet n’est pas là (article à venir).
Un secret mal gardé
Concentrons-nous plutôt sur les arguments de nos valeureux défenseurs de la veuve (Bettencourt) et de l’opprimé (Woerth) : "J’ai demandé à la DCRI d’identifier le haut fonctionnaire qui, soumis au secret professionnel et ayant un accès direct à des documents sensibles, avait divulgué des informations confidentielles dans une affaire judiciaire en cours", a expliqué Frédéric Péchenard, Directeur général des services de police. "Je trouve cela grave. C’est un infraction pénale", a-t-il ajouté le regard sombre.
Et d’une, au moment où il a demandé à la DCRI d’enquêter, n’étant pas censé connaître le coupable, Péchenard ne pouvait pas savoir qu’il s’agissait d’un haut fonctionnaire. Et de deux, faut-il comprendre qu’à chaque fois que "des informations confidentielles dans une affaire judiciaire en cours" sont divulguées à la presse, il y a enquête ? Aïe...
♦ 13/09/2011 : "Mediator : comment Servier a corrigé le rapport du Sénat" titre LeFigaro.fr. La pilule a toujours autant de mal à passer et le site balance les retranscriptions d’écoutes téléphoniques récoltées par la police. Violation du secret de l’instruction.
♦ 13/09/2011 : LeMonde.fr publie les "déclarations de Madame Bettencourt à la police". Violation du secret de l’instruction.
♦ 13/09/2011 : Le Parisien et Le Canard Enchainé dévoilent quelques perles de l’interrogatoire de Jean-Noel Guérini, qui lâche son frère. Violation du secret de l’instruction.
♦ 14/09/2011 : "En Corse, les gendarmes sur la piste agricole" titre LePoint.fr. Citant une "source proche de l’enquête", le journaliste révèle quelques secrets relatifs aux investigations des pandores sur le meurtre d’un maire. Violation du secret de l’instruction.
♦ 16/09/2011 : bon pied, bon oeil, Liberation.fr nous donne quelques indices sur l’évolution de l’enquête concernant les exploits podologistiques de Georges Tron.
♦ Les multiples révélations de Mediapart sur Ziad Takieddine ? Violation du secret d’instruction...
♦ 13/09/2011 : Marianne2.fr dévoile que Sarko compte se rendre en Libye, jeudi. Pire qu’une violation du secret d’instruction : la sécurité du chef de l’Etat est en jeu ! Haute trahison !
Liste évidemment non exhaustive. Bref. Tous les jours, en France, cinq, dix, peut-être vingt ou trente articles citent des "informations confidentielles d’une affaire judiciaire en cours". Et autant de journalistes espionnés ? Ça coule de source... à en croire nos deux compères.