Plusieurs dizaines de civils et militaires ont été arrêtés en Gambie, après le coup d’État raté contre le président Yahya Jammeh qui a accusé un mystérieux "groupe terroriste" soutenu par des "puissances" étrangères. Jeudi, Washington a nié toute intervention.
"Le gouvernement américain n’a eu aucun rôle dans les événements qui se sont produits à Banjul", selon un responsable du département d’État. "Plusieurs dizaines de militaires et de civils ont déjà été arrêtés et soumis à des interrogatoires" après l’attaque de mardi contre le palais présidentiel à Banjul, a indiqué à l’AFP une source proche de la National Intelligence Agency (NIA), les redoutés services de renseignements du pays.
L’identité de ces personnes, ainsi que la date de leur arrestation, n’est pas connue. Certaines d’entre elles étaient logées dans "quatre villas", à Banjul et dans ses environs, où devaient les rejoindre d’autres participants au putsch, toujours selon la même source, jointe dans la capitale gambienne depuis la Guinée-Bissau.
Des documents contenant notamment un plan de l’attaque ont également été découverts par les enquêteurs, qui ont aussi mis la main, au port de Banjul, sur un container avec "une grande quantité d’armes automatiques, très sophistiquées, et d’explosifs". Cet arsenal était caché dans "des ballots de friperie".
"Les enquêtes sont maintenant orientées vers la provenance du container et surtout les commanditaires" de l’assaut, a poursuivi la même source. L’attaque du palais présidentiel dans la nuit de lundi à mardi a été menée par un "groupe de terroristes soutenus par des puissances que je ne voudrais pas nommer", "des dissidents basés aux États-Unis, en Allemagne et au Royaume-Uni", a accusé le président Jammeh dans un discours à la télévision nationale dans la nuit de mercredi à jeudi.
Ce "n’est pas un coup d’État militaire comme on l’a appelé dans certains médias", a assuré le chef de l’État, arrivé au pouvoir il y a 20 ans par un coup d’État et qui dirige depuis lors la Gambie d’une main de fer. Il n’y a eu "aucune participation d’éléments des Forces armées de Gambie" à cette attaque, elles "ont été vraiment loyales", a encore affirmé M. Jammeh.
Officiers en fuite
Parmi les assaillants, il y a "des soldats qui ont été renvoyés (de l’armée). L’un d’eux était l’(ancien) chef de la garde présidentielle, il pensait que parce qu’il était là, il connaît tout" du palais, a ajouté M. Jammeh, sans autre précision. Selon une source militaire, les assaillants étaient "commandés par un ex-capitaine du nom de Lamin Sanneh, déserteur de l’armée", qui figure parmi les trois personnes tuées, selon un bilan non-officiel.
L’attaque sur le palais avait été repoussée par les forces loyales au président Jammeh, alors que celui-ci était en déplacement hors du pays, en visite privée à Dubaï. "Aucune force ne peut prendre cette place et personne ne peut déstabiliser ce pays", a martelé M. Jammeh qui avait fustigé mercredi, dans une première déclaration publique, les comploteurs visant "un changement de régime par la violence".
Rentré dans son pays quelques heures après les violences, le président avait fait peu après une apparition surprise dans les rues de Banjul, circulant dans un cortège avec escorte surarmé. La crainte de représailles commence à se manifester dans le pays.
Quatre officiers soupçonnés d’avoir participé à la tentative sont arrivés mercredi soir à Bissau, selon une source militaire sur place. Ces officiers gambiens, dont l’identité n’a pas été révélée, "se sont rendus aux autorités" militaires de Guinée-Bissau à leur arrivée dans la capitale. Leur itinéraire pour arriver à Bissau pas plus que le lieu où ils se trouvaient jeudi n’ont été précisés.
La Guinée-Bissau n’a pas de frontière avec la Gambie, pays dont elle est séparée par le Sénégal. La Gambie, ex-colonie anglaise, est entièrement enclavée dans le Sénégal à l’exception de sa façade maritime sur l’Atlantique. "Les accusations fusent de partout", s’est inquiété une source diplomatique à Banjul. "Les noms de personnalités militaires et civiles commencent à tomber sur la table de la NIA" (National Intelligence Agency, les très redoutés services de renseignements). Je crains que des innocents soient pris à partie par simple dénonciation", a commenté cette source à l’AFP, sous couvert d’anonymat.
"Il y a un risque que le président Jammeh profite de cette situation pour se livrer à une répression", a estimé pour sa part Aboubacry Mbodj, responsable de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho), une ONG panafricaine basée à Dakar. Le régime de M. Jammeh a été souvent accusé de violations de droits de l’homme, menant régulièrement des purges contre ses opposants. "Ceux qui jouent avec Dieu le paieront cher", avait-il menacé mercredi soir.