Vingt-cinq minutes : c’est le temps qui a suffi aux riverains du très chic arrondissement parisien pour interrompre une réunion consacrée à un projet de centre d’hébergement d’urgence, après des dérapages en tous genres.
« Escroc », « fils de pute », « menteur », « collabo », « stalinien », « vendu », « salopard », « salope », « caca » : c’est la liste, non exhaustive, des insultes et insanités proférées en moins de vingt-cinq minutes par les habitants du XVIe arrondissement de Paris venus assister à une réunion d’information sur un projet de centre d’hébergement d’urgence. L’événement, qui se tenait lundi soir à l’université Paris-Dauphine, devait durer deux heures mais a été écourté par le président de la faculté, Laurent Batsch. Pour des « raisons de sécurité », a-t-il argué, l’amphithéâtre ayant rapidement débordé de monde, avec près d’un millier de personnes dans la salle. Celle-ci, déjà tendue avant le début des débats, s’est rapidement embrasée.
Première à intervenir, la préfète de Paris Sophie Brocas est vite huée : « Provocation », « Y en a marre », hurle l’assistance grisonnante. Pas question, pour ces riverains, de voir s’ouvrir d’ici l’été un centre d’hébergement d’urgence pour 200 personnes en bordure du bois de Boulogne. L’argument de la solidarité parisienne ne prend pas. Peu importe que le très chic XVIe arrondissement ne compte aujourd’hui qu’une vingtaine de places d’accueil, quand d’autres en ont plusieurs centaines. Claude Goasguen, le maire (Les Républicains) du secteur, dénonce les « thuriféraires de la morale » et se fait le porte-voix de ses administrés : « Nous mettre devant le fait accompli est un diktat. »
Bronca pour Brocas
Irritée par les vociférations de la salle, Sophie Brocas menace d’« arrêter de parler ». Cris de joie : « Oui ! Oui ! » Quelques instants plus tard, elle tente de rassurer le public avec cet argument étrange : « Je le dis avec la plus grande fermeté : il n’y aura pas de migrants dans ce centre, de personnes qui viennent d’Afrique et d’ailleurs. » Peine perdue, les SDF n’émeuvent guère plus la foule. Qui redouble de protestations. « Mettez-les à Calais », lance un homme. Certains sortent des sifflets, d’autres entonnent des « Hidalgo démission ! ».
Claude Goasguen, debout devant l’estrade, chauffe la salle. Il fait huer Thomas Lauret, un élu socialiste du XVIe. « Ne cédez pas face à cet agent provocateur », lâche-t-il, avant de menacer : « On se retrouvera ! » Lors d’une précédente réunion publique à laquelle avait assisté France Culture, le maire s’était déjà fait remarquer par le même type de dérapage : « Vous voulez dynamiter la piscine [située à proximité du futur centre d’hébergement, ndlr] ? Ne vous gênez pas, mais ne vous faites pas repérer. »
Les « débats » durent à peine depuis quinze minutes quand les travées latérales sont envahies par des militants encore plus excités. Les insultes fusent. Un homme traite la préfète de « salope », un autre s’en prend à Claude Bartolone, qualifié de « salopard ». Un type se balade avec une pancarte en forme de grande main verte : « Touche pas à mon bois », peut-on y lire. Un autre arbore ce message : « Mairie de Paris, respecte les lois, respecte le bois ! »
Lire la suite de l’article sur liberation.fr