L’offensive des troupes syriennes contre les bandes armées se poursuit en Syrie. Des heurts ont notamment eu lieu à Hama et Homs, et les « comités locaux de coordination » (CLC liés à l’opposition exilée et à l’OSDH, Ndlr) annoncent que « des victimes ont été signalées dans les deux camps« , ce qui est une énième reconnaissance du fait que les soldats syriens affrontent beaucoup plus des activistes en armes qu’ils ne persécutent des opposants civils.
Petite phrase & grosses ficelles
Dans le même temps, une manoeuvre que nous pressentions – mais nous n’avions guère de mérite, tant la ficelle était grosse – continue de se dessiner : prenant prétexte de la persistance des violences, le CNS et son président Ghalioun ont adressé une lettre à la Ligue arabe lui demandant de tirer les conclusions de la non application du « plan de paix » qu’elle avait concocté puis littéralement imposé au gouvernement syrien début novembre. « A la lumière de l’absence d’engagement de la part du régime à mettre en oeuvre les clauses de cette initiative, la seule option désormais est de chercher à protéger les civils par tous les moyens légitimes du droit international » écrit Burhan Ghalioun.
« Protéger les civils » : c’est sous ce prétexte que l’OTAN, détournant la lettre et plus encore l’esprit d’une résolution du Conseil de sécurité, est intervenu pour renverser un régime qui lui déplaisait en Libye. On voit très bien où veulent en venir les gens du CNS, engagés dans une fuite en avant qui leur fait souhaiter le bombardement de leur pays d’origine, et aussi agresser, comme mercredi dernier au Caire, les autres opposants, demeurés responsables et patriotes, comme Michel Kilo.
On peut se demander quel est le degré de duplicité de la Ligue arabe dans toute cette histoire : sans doute élevé, car en proposant-imposant un plan qu’elle savait inapplicable compte tenu de l’existence des groupes terroristes présents sur le terrain, elle a fourni sciemment au CNS le prétexte pour légitimer – enfin, au moins aux yeux des médias occidentaux – sa radicalisation, et son inféodation à l’OTAN.
La sainte colère sioniste de Bernard Schalscha
Mais figurez-vous, qu’il se trouve des analystes, en France, pour juger, au contraire, que la Ligue arabe a voulu sauver la mise de Bachar al-Assad. C’est la thèse développée dans un article délirant – mais cependant d’une implacable logique atlanto-sioniste – signé Bernard Schalscha, un des bras droits de Bernard-Henri Lévy – et qui a pris d’ailleurs la parole à son meeting de « soutien » à la Syrie, le 4 juillet dernier à Paris.
L’avantage d’un tel document, c’est que l’on a en une centaine de lignes le projet de ces messieurs pour la Syrie, et ça fait froid dans le dos. Schalscha commence par dresser le tableau qu’on imagine de la situation du pays après huit mois de troubles, portant le bilan humain à 5 000 morts civils, 100 000 emprisonnés (petit joueur l’OSDH !) plus des « milliers de torturés » et des « centaines d’enlevés », sans oublier les villes bombardées, les maisons pillées, etc.
Suite à cette description, qui n’est pas sans évoquer globalement quarante ans de politique israélienne en Palestine, ou la situation de Gaza pendant l’opération « Plomb fondu » , Schalscha, prenant acte de l’échec des manœuvres euro-américaines au Conseil de sécurité, et affirmant – puisse-t-il avoir raison – que le régime « n’est pas trop affecté (à cause de l’aide de l’Iran, insinue-t-il) par les sanctions économiques« , préconise une nouvelle manière d’aborder le problème :
« Tout le monde sait qu’en fait cette bande (Bachar et son gouvernement, Ndlr) ne comprend que le langage de la force« . Or la force c’est l’OTAN qui en dispose, et du reste son intervention est réclamée par les manifestants en Syrie martèle Schalscha. Alors où est le problème ? Le problème, fulmine Schalscha, c’est que le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Fog Rasmussen himself, a déclaré le 31 octobre qu’une intervention de l’OTAN en Syrie était « totalement exclue ».
Et Bernard Schalscha, voix fidèle et indignée de son patron BHL, de fustiger la « lâcheté occidentale » et celle de Rasmussen en particulier. Autre objet du ressentiment « schalschesque » , le malheureux Burhan Ghalioun, pourtant président du CNS, mais coupable de refuser (pour combien de temps encore ? Ndlr) le principe d’une intervention étrangère, et aussi de « dissuader les déserteurs de tirer sur les forces de l’armée régulière » (cela dit, ils semblent se passer de la permission de Ghalioun Ndlr). D’ailleurs Schalscha assure que le pauvre homme ne devrait pas tarder à être débarqué de la direction du CNS. Et l’irascible super-sioniste tacle un peu aussi au passage la Ligue arabe, « cartel d’autocrates » (ha, un point d’accord !, Ndlr) qui a « passé un accord avec la mafia de Damas » (On aimerait bien savoir lequel, compte tenu des communiqués officiels de la dite ligue arabe, Ndlr).
L’« Armée syrienne libre », ultime espoir du tout-Paris sioniste
Après avoir mis un carton jaune à l’OTAN, à la Ligue arabe, à l’Iran, à la Russie, à la Chine, à Burhan Ghalioun, tous acteurs du formidable complot visant à laisser au pouvoir Bachar al-Assad, Bernard Schalscha doit quand même indiquer une lumière aux rares lecteurs de La Règle du Jeu (la revue confidentielle et néoconservatrice de BHL, Ndlr), histoire de ne pas désespérer Neuilly et Saint-Germain. Eh bien, l’espoir, pour Schalscha et sa bande à lui de bellicistes sionistes, c’est l’ "Armée syrienne libre" , qui regrouperait des centaines de déserteurs de l’armée régulière, tous animés d’une volonté ardente d’imposer la démocratie les armes à la main. « Ils ont déjà infligé des pertes sensibles à l’armée loyaliste et aux miliciens chabihas » se réjouit Schalscha qui ajoute qu’ils sont commandés par un « homme exceptionnel« , un certain « colonel » al-Hijazi. Au fait, Schalscha, et les groupes salafistes ? Apparemment, connais pas !
Il faut donc aider à tout prix cette « dream team » de l’ASL. Comment ? En « multipliant les pressions auprès des gouvernements démocratiques pour que les militaires passés du côté de la révolution reçoivent de quoi poursuivre la protection concrète des opposants« . Autrement dit des armes, des bases logistiques, de l’argent. Mais, cher Schalscha, il semble que la Turquie, de ce point de vue, « assure » un minimum… Mais là Schalscha s’en prend justement à la Turquie, accusée d’exercer une « étroite tutelle » (on peut dire ça en effet, Ndlr), sur l’ASL. Bon d’accord, pas la Turquie…
Arrêtons là l’exégèse de ce morceau d’hystérie sioniste parisienne. On retiendra de tout ça que la fureur du clan BHL est à la mesure de son impuissance à traduire en réalités politiques ses fantasmes syriens, et de l’impossibilité qu’il a de reproduire le scénario libyen. Le moins qu’on puisse dire, avec toutes les excommunications prononcées par Shalscha dans son article, c’est que la fameuse ASL ne peut plus guère compter, dans l’immédiat, que sur le soutien de BHL et de son « gang » (pour reprendre la formulation utilisée par Schalscha pour désigner le gouvernement syrien, Ndlr) : la route de Damas est encore longue…