Des Français ont pour la première fois été identifiés dans les rangs d’Aqmi au Sahel, destination inédite pour ces volontaires au jihad que les services français avaient davantage l’habitude de repérer en Bosnie, en Irak ou à la frontière pakistano-afghane.
Deux Français, dont l’un connu du contre-espionnage français, ont été localisés dans une brigade d’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) au Mali, a-t-on appris de source proche du dossier, confirmant une information du quotidien français Le Monde.
Les deux hommes ont été identifiés sur un cliché récupéré fin août par les services secrets français, toujours selon Le Monde.
L’un d’eux, selon la source proche du dossier, était connu du contre-espionnage et aurait participé à un interrogatoire des otages français capturés dans le Sahel.
Interrogée par l’AFP, la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE, les services secrets) n’a pas souhaité faire de commentaire.
"Pas de commentaire", a également déclaré Vincent Floreani, porte-parole adjoint du ministère français des Affaires étrangères.
Selon Le Monde, les deux hommes sont âgés d’une trentaine d’années. L’un d’eux aurait participé à la révolution libyenne, avant de rejoindre une katiba (brigade) au Mali.
Selon une source sécuritaire malienne jointe par l’AFP à Bamako, l’un est "un jihadiste pur" et "c’est lui le plus dangereux".
L’autre, "un ressortissant français se présentant sous le nom de Abdel Jelil et qui vit avec son épouse maghrébine et leurs enfants au nord du Mali n’est pas un véritable jihadiste. Disons qu’il a épousé la cause des jihadistes", a ajouté cette source sécuritaire malienne.
Un élu du nord du Mali a également rappelé que le dénommé "Abdel Jelil vivait au nord du Mali, avant l’arrivée des islamistes". "Quand ils sont arrivés, il est resté et a épousé leurs idées", a-t-il relevé.
"La présence de deux Français dans une katiba d’Aqmi au Mali constitue une première"dans le nord de ce pays, sous le contrôle total des groupes islamistes armés depuis six mois, a expliqué à l’AFP, Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R).
Les volontaires français dans les rangs islamistes ont commencé à rejoindre dès le milieu des années 1990 la Bosnie, la Tchétchénie, puis à partir des années 2000 l’Afghanistan et l’Irak avant la Libye en 2011, rappelle Eric Denécé.
Au total, ils n’ont été que quelques dizaines, selon lui, à avoir rejoint les rangs de ces combattants, dont quelques-uns ont trouvé la mort les armes à la main.
"Les cas de retour en France et de passage à l’action sont toutefois relativement rares", dit Eric Denécé.
"Ces Français sont partis pour la plupart dans ces pays pour se battre et non pas avec l’idée de revenir en France pour commettre des attentats", estime-t-il.
"De plus, la majorité des filières de retour d’Afghanistan ou d’Irak vers la France ont été neutralisées par les services de renseignement", ajoute-t-il.
Il cite le gang de Roubaix, démantelé en 1996, qui comptait dans ses rangs le Français Lionel Dumont, ancien combattant dans un bataillon de moudjahidines arabes en Bosnie. Ce gang composé de plusieurs Français convertis à l’islam organisait des braquages en France pour financer la cause islamiste.
Pour Louis Caprioli, ancien responsable de la lutte antiterroriste et conseiller spécial du groupe de sécurité Géos, il "faut s’inquiéter" de l’entraînement qu’ont peut-être suivi ces deux Français, au maniement de missiles sol-air, emportés de Libye vers le Mali après la chute de Kadhafi.
"Même si 5 000 des 2 .000 missiles sol-air de Kadhafi ont été récupérés et qu’une autre partie est inutilisable, faute d’entretien, rien ne dit que ces Français ne puissent ensuite commettre des attentats en France avec des missiles qui pourraient être introduits en Europe", dit-il à l’AFP.
Mais Louis Caprioli assure également s’inquiéter de la présence probable de Français en Syrie dans les rangs des miliciens de l’opposition dite "syrienne".