En refusant de louer une de ses salles à Dieudonné, la Ville de Genève a bien violé la liberté d’expression. Le Tribunal fédéral (TF) vient de confirmer la décision du Tribunal administratif du canton de Genève, qui avait donné raison à l’humoriste français.
En décembre 2009, l’exécutif de la Ville de Genève avait refusé de louer la salle de l’Alhambra au producteur de Dieudonné qui la demandait pour les 26 et 27 mars. Patrice Mugny, conseiller administratif en charge de la culture, avait expliqué dans la presse que la Ville n’allait pas se rendre complice d’un humoriste clairement antisémite en lui louant ses installations.
Dieudonné a finalement présenté son spectacle "Sandrine", qui traite de la violence conjugale, fin mai à la Cité Bleue, une salle appartenant à la Fondation de la Cité universitaire de Genève. Dans l’intervalle, son producteur avait fait recours contre la décision de la Ville de Genève.
"Censure préalable"
Le Tribunal administratif lui a donné raison le 11 mai. La restriction à la liberté d’expression n’était justifiée par aucun intérêt public et le risque de troubles à l’ordre public n’était pas davantage fondé, a rappelé le TF dans un arrêt rendu public vendredi et qui confirme cette décision.
Pour les juges de Mon Repos, les motifs de refus de la recourante constituent "une sorte de censure préalable". En effet, ce refus aurait été admissible si le spectacle "Sandrine" enfreignait de façon manifeste des dispositions pénales en incitant à la discrimination raciale ou en constituant une atteinte à la liberté de croyance ou des cultes. Or rien ne le laissait supposer.
Les craintes de troubles à l’ordre public sont purement hypothétiques, relève le TF. La restriction à la liberté d’expression n’est justifiée par aucun intérêt public suffisant. En outre, la décision de la Ville ne respecte pas le principe de la proportionnalité. Selon le règlement sur l’Alhambra, un service d’ordre supplémentaire peut être imposé aux frais du locataire.