Discours d’Evo Morales, président de la Bolivie, à l’Assemblée générale des Nations unies le 25 septembre 2015 :
Le discours de Rafael Correa, président de l’Équateur, le 27 septembre 2015 :
Retranscription du discours d’Evo Morales
Merci.
Cher frère, président de l’Assemblée, je salue tous les présidents et délégations rassemblés à l’Assemblée des Nations Unies.
Je me félicite de pouvoir être ici pour au nom de mon peuple pouvoir dire ce que nous ressentons, ce que nous connaissons, ce que nous faisons en Bolivie. Comme tout le monde l’a dit, cela fait soixante-dix ans que les Nations Unies ont été fondées. Il y a soixante-dix ans, comme ils l’ont dit, l’on a fondé les Nations Unies pour parvenir à la paix après la guerre mondiale.
Il est important de procéder à l’évaluation économique, politique, sociale et culturelle et environnementale. Alors que les Nations Unies fêtent leur soixante-dixième anniversaire, qu’ont fait les Nations Unies ?
Soixante-dix ans plus tard, il y a encore des guerres.
Soixante-dix ans plus tard, il y a encore des invasions.
Et quelles sont les origines de ces invasions, de ces guerres sur certains continents ? L’ambition de quelques régions, de quelques nations, les politiques visant à concentrer la politique entre quelques mains de pays dirigés de quelques oligarchies avec le soutien des multinationales. Et donc soixante-dix ans après la fondation des Nations Unies, l’on n’a pas atteint les objectifs de paix et de stabilité dans le monde. Ce matin nous avons entendu plusieurs interventions.
Le président Obama, d’autres présidents d’autres continents ont tous dit : « Nous voulons la paix. » mais je puis vous dire mes frères, mes sœurs et je le dis aux peuples du monde, il n’y aura pas de paix sans justice sociale.
Ils ont critiqué le terrorisme des groupes armés sur les différents continents alors que certaines puissances cherchent à savoir comment régler ces problèmes. J’ai entendu des interventions qui condamnent les mouvements sociaux et qui prennent des mouvements sociaux pour des terroristes.
Moi je viens d’un mouvement social, je viens d’un mouvement autochtone et les mouvements sociaux ne sont pas terroristes. Nous contribuons à la paix sociale ce qui débouche sur l’égalité, la dignité, la justice.
Et je puis également vous dire qu’au cours des soixante-dix années, certains défendent encore le capitalisme. Moi, je puis vous dire que le capitalisme a échoué, c’est un modèle qui a échoué.
Depuis ce matin, tout le monde nous parle de la crise humanitaire, la crise financière, énergétique, alimentaire.
J’ai entendu plusieurs interventions, la moitié des habitants de la planète souffre de famine. Des milliards, des milliards de ressources économiques qui viennent détruire la terre nourricière qu’on appelle en occident la planète Terre.
Ils veulent réduire le réchauffement climatique avec 100 millions de dollars. Savez-vous combien d’argent est gaspillé pour détruire la planète ? Combien de milliards de milliards sont gaspillés pour envahir des pays ?
J’ai écouté avec attention les propos de mon frère Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies qui déplorait ce que traversait le peuple libyen et syrien. A cause de qui ces peuples libyen et syrien vivent si mal ? N’oublions pas que le gouvernement des Etats-Unis a fait tomber Kadhafi et comme aujourd’hui il parlait de tyran.
L’opération militaire de l’OTAN visait peut-être le président de l’époque. Mais l’objectif n’était pas vraiment Mr Kadhafi. Le vrai objectif, c’était le pétrole libyen. Posez-vous la question, mesdames et messieurs : à qui appartient le pétrole libyen ? Est-ce qu’il appartient au peuple libyen, à l’État libyen ou finalement à quelques transnationales nord-américaines, européennes ?
Imaginez-vous un peu. Ils utilisent de faux prétextes pour intervenir et maintenant pauvre peuple libyen détruit à ce moment-là, il ne nous intéresse plus du tout, dès lors que les ressources économiques ou les ressources naturelles sont d’ores et déjà dans les mains des multinationales.
Ça c’est le capitalisme. Je pourrai vous parler de tous les pays envahis avant la formation des Nations Unies, dans les Andes, ou après. On pourrait encore parler de la Syrie.
Voilà pourquoi mes frères, mes sœurs ici présents, de par le monde, nous sommes convaincus que le capitalisme n’est pas la solution pour la vie et encore moins pour l’Humanité.
Parfois, on nous fait le reproche en tant que présidents de ne pas dire la vérité, de ne pas dire ce qui se passe vraiment dans le monde. Moi, je puis vous dire mesdames, messieurs, alors que certains croient mieux vivre, avec cette politique on ne pourra régler les problèmes sociaux ni les questions humanitaires. Le bien-vivre, comme le disait également notre frère le président de l’Equateur, le bien-vivre, c’est la synthèse du socialisme commutarisme. Le mieux-vivre, c’est la synthèse du capitalisme. Il y a une nette différence.
Dans le bien-vivre, je puis vous dire, mes frères et sœurs, c’est vivre dans la solidarité, dans la complémentarité, en solidarité avec l’être humain mais en harmonie également avec la terre nourricière. Pour nous, issus des mouvements sociaux notamment autochtones, c’est la terre nourricière, la mère-terre. Nous sommes tous convaincus que l’être humain ne pourra pas vivre sans la terre nourricière et la terre nourricière peut mieux vivre sans l’être humain.
Je tiens également à vous dire et certains ne comprendront certainement pas, mais dans cette façon de vivre, les services fondamentaux ne peuvent pas être privés. C’est cette expérience que nous avons faite en Bolivie. Les services fondamentaux ont été également privatisés : l’eau privatisé, énergie privatisé, éclairage privatisé, télécommunication privatisé, et en vertu de la Constitution, nous avons convenu que les services fondamentaux étaient un droit de l’homme et ne pourraient jamais être privatisés parce que la vie en dépend. Je tiens également à vous dire que cette façon de bien vivre, nous sommes convaincus que les ressources naturelles ne pourront jamais être entre les mains des étrangers et de transnationales. Je tiens à vous faire part d’une expérience. Après que le gouvernement a entendu l’appel du peuple le 1er mai 2006 pour rendre hommage aux travailleurs, nous avons nationalisé les hydrocarbures. Nous avons récupéré cette ressource naturelle. Nous avons dit pendant la campagne : « il ne peut y avoir ici ni de propriétaires, ni de patrons. Peut-être juste des associés. »
Une donnée. Avant l’arrivée du gouvernement, la rente pétrolière était de trois millions de dollars ; depuis que nous avons nationalisé, l’année dernière notre rente pétrolière a atteint plus de cinq mille millions de dollars.
Imaginez seulement les montants qui nous ont été volé en Bolivie ! Des millions de dollars pour un pays qui compte dix millions d’habitants. Ce sont-là des ressources économiques essentielles à la libération économique.
Et voilà pourquoi nous sommes absolument convaincus que les ressources naturelles doivent appartenir au peuple sous l’administration de l’état. C’est l’expérience que nous avons faites et comment nous nous sommes libérés économiquement. Voilà pourquoi mes frères, mes sœurs, nous ne croyons pas au capitalisme. Pourquoi intervenir dans un autre pays pour prendre possession de ses ressources naturelles et pour continuer d’accumuler le capital entre quelques mains ?
Deuxièmement.
Je tiens également à présent, à vous dire que nous avons une longue responsabilité à assumer en décembre de cette année à Paris, en France sur ces questions de l’environnement.
En tant que présidents, il est important de transmettre les propositions de nos peuples. Selon moi, il faut consulter mes frères et mes sœurs en Bolivie. Il faut adopter des politiques, des programmes et des projets permettant d’assainir la terre nourricière comme l’appelle aussi l’Occident. Si nous n’assumons pas cette responsabilité de sauver la terre nourricière, nous serons responsables pour les générations à venir.
Je tiens à vous faire part de mon expérience personnelle. Veuillez m’excusez de tant parler de moi mais quand je me rends à l’intérieur du pays de Bolivie, mes frères et mes sœurs ne savent même plus quand c’est le printemps, quand c’est l’été, quand c’est l’automne.
Un matin mes compagnons des tropiques, vers 02 heures 03 heures du matin, ils me disent : « Président, qu’est-ce que tu fais ? »
Je suis dans mon lit.
« Nous sommes en train de quitter la maison pour aller au fleuve. » Pourquoi ?
« Parce qu’il fait chaud, il fait tellement chaud qu’on arrive pas à dormir. » Evidemment, on n’a pas encore de douche.
Et ils partent en famille à ces heures indues vers le fleuve pour se protéger de ces températures.
Et cela c’est avec moins d’une hausse de un degré Celsius de température. Qu’en sera-t-il quand on arrivera à une élévation de deux degrés Celsius selon certains experts ? Si on ne met pas un terme à un réchauffement d’ici 2030, on pourrait voir une élévation de température de l’ordre de quatre ou cinq degrés.
Cher frère, chère sœur, les générations futures vont devenir anti-impérialistes, anticapitalistes parce que c’est là l’héritage du capitalisme.
Et maintenant le Nord me dit que nous sommes de simples gardes-forestiers, que… le Nord ne veut pas assumer ses responsabilités vis-à-vis des pays en développement. Donc c’est également là une responsabilité que nous devons assumer, voilà pourquoi, mes frères, mes sœurs, à Paris nous devons arriver avec un sens des responsabilités.
Comment sauver la terre nourricière ?
Nous invitons les personnes présentes, en tant que Bolivie nous allons organiser une manifestation internationale des mouvements sociaux du monde entier qui auront lieu les 10, 11 12 Octobre (2015), la semaine prochaine. Nous vous invitons à y participer. Nous vous invitons à apporter des propositions. Il faut savoir ce que pensent les peuples. Il ne faut pas dépendre uniquement des initiatives de l’Empire d’Amérique du Nord ou des multinationales parce que rien ne sert de brandir des politiques extérieures.
Ce matin, j’ai entendu deux interventions très intéressantes, très différentes, du président Obama et du président de la Chine. Le président Obama pour garantir la sécurité de son état et des alliés, que nous disait-il et pour lutter contre le terrorisme que nous disait-il ? Il disait qu’il nous offrait la guerre et l’intervention. Et le président de la Chine, qu’est-ce qu’il nous offrait ? Aide et coopération ! Ce n’est pas un état expansionniste.
Nous, mouvements sociaux, nous sommes des mouvements qui misons sur l’unité, sur l’unité pour parvenir à la libération, l’intégration, pour parvenir à la libération et non pas à des politiques d’invasion pour dominer. Il y a de fortes différences ! Et je salue les propos du président de la Chine qui nous offre son aide et sa coopération. Nous saluons le sens de la direction de ce pays mais nous savons également par les médias, je pense que les Etats-Unis nous ont dominé vis-à-vis de la Chine, si la presse ne ment pas. Il faut que cesse cette volonté de dominer les peuples du monde l
Il est une question qui est au débat ce matin. Nous allons parler des modes de démocratie.
Moi, je vous dirai qu’il y a deux types de démocratie : il y a démocratie du peuple et démocratie des multinationales, démocratie des mouvements sociaux parce que chez nous les mouvements sociaux sont organisés. Et en quoi consistent ces démocraties des mouvements sociaux. ? Ce n’est pas seulement une démocratie participative ou représentative. Dans mon expérience de dirigeant syndical, avant syndicaliste, aujourd’hui président, nous avons toujours pris des décisions avec les dirigeants même s’il y a certaines différences. Certains secteurs sont très ambitieux même dans leurs exigences. Non seulement elles sont inaccessibles, ne sont pas appropriées mais, … ensemble l’on présente des politiques, on présente des programmes de responsabilités : c’est de répondre à ces propositions sociales, c’est de répondre à ces exigences.
Mais dans d’autres démocraties soit disant représentatives, le vote s’achève le jour des élections. Donc, soyons sincères, mes frères, mes sœurs, présidents, délégués, ministres ici présents. Celui qui gouverne, ce n’est pas le président Obama, ce sont les banquiers, les entrepreneurs, les multinationales. De quel type de démocratie parlons-nous alors ?
Tromper le peuple qui vote, pour après ne pas gouverner. J’ai entendu dans les médias qu’un candidat disait : « Moi, je finance tout ! Les Républicains. Les Démocrates. C’est moi qui commande ! »
Ça ce n’est pas une démocratie. Ça c’est le capitalisme.
Et c’est là que se pose le grave problème de l’humanité. Et voilà pourquoi, nous en sommes convaincus, si nous voulons éradiquer la pauvreté, il faut éradiquer le système capitaliste. Il n’y a pas d’autres voies, mes frères et mes sœurs. Et pas seulement ça. Ça va plus loin. J’en suis convaincu. Ce nouveau millénaire doit être le millénaire des peuples. Et ce n’est pas ni les monarchies, ni les hiérarchies, les monarchies, nous les respectons bien entendu, mais ce n’est pas les monarchies européennes ou américaines latines doivent.., ça doit cesser. Ce n’est plus l’époque, ce n’est pas… l’époque des oligarchies, ce n’est pas non plus l’époque de l’anarchie financière comme c’est le cas à l’heure actuelle.
Voilà pourquoi mes frères et mes sœurs, nous avons l’obligation, ensemble, de lutter contre ce problème.
Imaginez, soixante-dix ans après la formation des Nations Unies, … s’il n’y a pas de coup d’état militaire, il y a maintenant des coups d’état tout en douceur. On parle d’espionnage. L’on arrête des avions présidentiels. Dans quelle époque vivons-nous ? Il y a désormais des bases militaires. Voilà pourquoi mes frères et mes sœurs, franchement, moi je ne souscris pas à ces politiques. Et je ne sais pas… Les dissidents incarcérés disaient qu’on ne pouvait pas emprisonner les idées. Tant de terroristes, de délinquants, de criminels, de présidents qui ont violé les droits de l’homme après avoir tué, … des présidents corrompus. Et après aux États-Unis, l’on veut lutter contre le terrorisme, la criminalité, les trafiquants de drogue car ce sont des trafiquants de drogues corrompus qui ont violé les droits de l’homme, expulsés des États-Unis, jugés dans leur pays. Moi, je ne peux pas comprendre, c’est un cimetière de corrompus. Nous respectons les États-Unis mais voilà ce qui se passe. L’on exerce des pressions sur des autorités, sur des… gouvernements qui souscrivent à l’impérialisme et au capitalisme.
Mes frères, mes sœurs, je voulais également saisir cette occasion pour évoquer une question grave qui n’a pas été abordé par les présidents, par tous les présidents qui est sur l’immigration.
L’on présente les migrants comme des criminels. On expulse les migrants. Je puis vous parler en tant qu’habitant des Amériques. Il y a 500 ans, les européens nous ont envahis. Est-ce que nous on a dit qu’ils étaient des criminels alors qu’ils ont pillé nos ressources naturelles, qu’ils ont décimé les peuples autochtones. Il n’y a jamais eu de programmes pour les expulser, eux. Et maintenant qu’il y a quelques frères qui quittent l’Amérique latine pour se rendre en Europe, ou aux États-Unis pour aller travailler, ils sont jugés comme des criminels, ils sont persécutés.
Vous savez, mes frères, mes sœurs, dans le capitalisme, l’argent a ses paradis fiscaux. Et les êtres humains connaissent l’enfer de la misère. Expulsion des migrants ! Voilà pourquoi, mes frères et mes sœurs, je veux vous le dire, nous proposons de travailler tous ensemble pour créer une citoyenneté universelle. Nous avons tous le droit de vivre où que ce soit dans le monde. La mondialisation ne vaut pas uniquement que pour le commerce, pour l’argent. La mondialisation doit valoir pour tous les êtres humains sur cette terre. Et nos frères migrants ne peuvent jamais être expulsés. En Bolivie, on ne les expulse pas.
Les entreprises à présent ne sont ni propriétaires ni associés, elles sont presque des services maintenant en Bolivie.
Mes frères, mes sœurs, une question très importante : le trafic de drogue, toujours lié au capitalisme. Nous avons nationalisé, en coopération avec les pays d’Amérique latine, nous avons nationalisé la lutte contre le trafic de drogue. Dans les données…, il est important de connaître les données des Nations Unies. Le trafic de drogue a été géré selon les intérêts géopolitiques. J’ai examiné les données des Nations Unis. Examinez-les ! Voyez les pays d’Amérique latine. Voyez les pays d’autres continents. Où il y a des bases militaires, où on investit des milliards de dollars. Quels sont les résultats ? Inexistants, voire une augmentation du trafic de drogue. Et là, nous avons nationalisé la lutte de trafic de drogue et en Bolivie, la situation s’est améliorée, sans base militaire, sans l’aide des États-Unis, sans les ressources économiques et du fait de la responsabilité partagée, devraient être fournie par les États-Unis, nous ne les réclamons pas, même si je salue la contribution de l’Europe non assortie de conditions qui voit le succès de notre lutte contre les stupéfiants. Je puis une fois de plus, dire aux pays avec des gouvernements anti-impérialistes que l’on nous accuse de ne pas respecter les normes et d’être nous-même des trafiquants de drogue. Dans les pays où les gouvernements sont pro-capitalistes où s’est développé le trafic de drogue, on les félicite de leurs efforts. Mais quels mensonges. Je vous demande d’examiner les données. Penchez-vous sur les données des Nations Unies sur la lutte contre le trafic de drogue. Heureusement, d’autres pays ont bien compris les résultats que nous avons obtenus en Bolivie. Et l’on parle actuellement du modèle de lutte contre le trafic de drogue en Bolivie. On n’a jamais dit que l’on allait éradiquer la culture de la feuille de coca, mais on ne permet pas une libre culture de la coca, si on avait davantage de technologies, la situation serait bien meilleure qu’actuellement. Sachez-le : les anciens gouvernements m’ont laissé plus de 30 000 hectares de coca. Et cette année,… sans que le moindre paysan ne meure nous sommes parvenus à 20 400 hectares de coca. Sachez, connaissez ces données des Nations Unies.
Voyez les données des différents pays du monde. Mes sœurs, mes frères, je me fais l’écho de nombreux présidents pour saluer l’accord entre Cuba et les États-Unis pour nouer des relations diplomatiques. Mais, j’ai un souvenir que j’aimerai partager avec vous. J’espère que je ne vous fatigue pas.
Quand j’ai pris mes fonctions de président, la visite de l’ambassadeur des États-Unis, lorsqu’il y avait encore un ambassadeur des États-Unis, il m’avait donné des instructions. « Président Evo, vous ne pouvez pas avoir de relations diplomatiques ni avec Cuba, ni avec le Venezuela ni avec l’Iran. » Très bien. Arrive un groupe de parlementaires des États-Unis qui me disent : « Président, vous ne pouvez pas avoir de relations avec les 3 pays susmentionnés. » Bien entendu, j’ai balayé cela d’un revers de la main et j’ai dit que si nous avions des ressources économiques nous aurions des ambassades dans le monde entier, personne ne va m’interdire, à moi d’avoir des relations diplomatiques ou de ne pas en avoir avec tel ou tel pays. Depuis, je n’ai jamais accepté les instructions des États-Unis m’autorisant ou non à avoir des relations diplomatiques avec Cuba ou l’Iran.
Alors, je félicite maintenant les États-Unis d’avoir des relations diplomatiques avec l’Iran et Cuba. Il ne manque plus que le Venezuela. On peut espérer que bientôt ils auront des relations diplomatiques avec le Venezuela.
Non seulement,… il faut ces relations diplomatiques, ces échanges d’ambassadeurs, mais le peuple bolivien espère sincèrement que les États-Unis rendent Guantanamo à Cuba, que, une fois pour toute, cesse l’embargo. Le président Obama, ce matin, s’est engagé à lever l’embargo. Nous espérons qu’il joindra le geste à la parole.
Deuxièmement.
Le président Castro l’a très bien dit : lacélac nous avons déclaré une région de paix. Il y a peut-être un petit problème en Colombie, il y a les FARC. Heureusement, grâce au soutien, grâce à la médiation cubaine, nous avons appris avec grande joie qu’il y avait un pré-accord entre les FARC et le gouvernement colombien. Nous saluons l’effort et la patience du président Santos de parvenir à un accord. Mais je tiens à dire aux compagnons des FARC, nous… ne faisons plus de révolutions avec des balles. L’on fait une révolution désormais démocratiquement, par des votes et par des idées et l’on peut changer la situation sociale, la situation économique sur notre continent mais sur d’autres continents également. Lorsque des groupes, des pans de la société ont raison et luttent pour la dignité, la souveraineté, les peuples soutiennent cette lutte, cette proposition pour parvenir à la libération. Et nous saluons cet accord.
Il y a sur d’autres continents… il y a la question (des iles) Malvinas (Malouines). Et je peux vous dire mes frères et mes sœurs avec l’indulgence de l’Argentine, elles ne sont pas à Argentine, elles sont d’Amérique latine. Il y a tant, il y a des milliers de kilomètres, comment de si loin elle viendrait contrôler une ile qui est juste à côté de notre continent ? Que cela cesse et nous en appelons à votre compréhension. Et pour régler ce type de problèmes qui subsiste encore.
Il reste encore une question en souffrance, et je salue d’ailleurs notre frère du Chili qui me filme et qui suit cette intervention. Bonjour, mon frère du Chili. Il y a 136 années, ce n’était pas la faute du peuple chilien, un groupe d’oligarques avec le soutien des multinationales anglaises nous envahit pour des raisons économiques. Simplement, pour vous rafraichir la mémoire, l’invasion eut lieu le 14 Février 1879. Un mois d’invasion, jusqu’au 23 Mars. Je ne vais pas m’attarder sur la question mais après tant de propositions, je déplore que la situation n’ait pas pu être réglée. Voilà pourquoi nous avons saisi la Cour Pénal Internationale à La Haye, une institution de justice, parce que la Bolivie est un pays pacifique, en vertu de sa constitution, nous n’avons pas une mentalité qui nous enclin à l’expansion, l’invasion de nos voisins. Voilà pourquoi nous avons saisi cette juridiction.
Malheureusement certains au Chili, pas tous, certains disaient qu’il n’y avait aucune affaire en souffrance avec la Bolivie. Récemment, il a été dit qu’il y avait une question en souffrance dans notre continent. Et La Haye s’est jugée compétente pour connaitre de l’affaire entre le Chili et la Bolivie, une question en souffrance. Et la Bolivie, avec humilité, simplicité et dignité a accueilli cette décision puisque la plus haute instance qui rend la justice dans le monde, qui a été créée par les Nations Unies a reconnu qu’il y avait là une question en souffrance. Et là, je m’adresse aux frères chiliens, au peuple chilien, nous ne voulons pas…il n’y a pas de perdants ou de gagnants, nous voulons régler par le dialogue cette question dans l’intérêt des peuples. Voilà notre souhait en tant que Bolivie.
Il ne s’agit pas de faire du mal à qui que ce soit. Nous sommes deux voisins, deux frères. Comment pourrions-nous nous affronter ? Nous voulons simplement parvenir à régler le problème mais je me félicite du soutien de tous. Je comprends bien cette grande solidarité des ex présidents, gouvernements, mouvements sociaux, institutions.
Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies avait dit tout son soutien, il faut régler cette question. Pas uniquement (lui). Le pape François, Jean-Paul II lui-même, avaient soutenu. Quatre anciens présidents des États-Unis, trois prix Nobels de la paix avaient dit qu’il fallait régler cette question de l’accès à la mer. Ce n’est pas une revendication. C’est notre droit. Et tôt ou tard, en vertu de la justice, nous aurons de nouveau, accès au Pacifique en toute souveraineté. Nous espérons que ce sera grâce à un dialogue concerté dans l’intérêt de nos peuples.
Mes frères, mes sœurs, en conclusion, je salue le travail des Nations Unies. Il y a deux semaines, les médias nous ont appris qu’ici les ambassadeurs, les délégués, et les représentants de gouvernement du monde entier avaient approuvé les principes régissant le mouvement autochtone andin amasouia : ne pas voler, ne pas mentir, ne pas être oisif, ne pas être paresseux. Mais ça mes frères, je puis vous dire que ces valeurs, elles viennent de ma famille. Elles viennent de ma famille. En tant que vice-président, président, on applique ces valeurs. Et voilà pourquoi la Bolivie a beaucoup changé. Nous sommes arrivés au gouvernement lorsque la Bolivie était l’avant dernier pays du continent, le dernier pays d’Amérique du Sud. Et grâce à la lutte du peuple bolivien, grâce aux mouvements sociaux, grâce à notre programme, nous ne sommes plus un petit pays mal vu comme avant, grâce aux politiques que j’ai évoqué rapidement.
Et voilà pourquoi ces valeurs : ne pas voler, ne pas mentir, ne pas être oisif doivent devenir une norme. Les valeurs permettant une gestion transparente, une gestion honnête au service des autres peuples du monde.
Au nom du mouvement autochtone de Bolivie et de la région andine, je vous remercie d’avoir adopté ces normes du peuple autochtone approuvées donc par les Nations Unies.
Je tiens également à saisir cette occasion pour saluer le travail conjoint effectué avec l’Argentine et le compte 77 et l’Assemblée Générale pour approuver les principes de restructuration de la dette souveraine et les limites devant être imposées à la voracité transnationale des fonds vautours, une façon supplémentaire d’étrangler les économies des peuples souverains que nous rejetons catégoriquement.
Il s’agit, ici, de défendre la souveraineté économique des différents pays.
Enfin, mes frères, mes sœurs, je tiens à remercier par ce message le pape François. Ma maman est coupable : elle m’a élevé dans le catholicisme. Et moi, j’ai grandi dans l’Église catholique et j’ai été déçu par l’Église catholique. Mais avec ce frère pape, ce frère qui remet en cause ce capitalisme, qui demande qu’on ne se soumette pas au Dieu Argent et bien je suis beaucoup plus catholique. J’ai retrouvé mon moral. Vraiment je salue ce message de paix envoyé par notre frère le pape François. Je vous le dis, maintenant j’ai un pape. Mais je puis également vous dire, mes sœurs, mes frères, le pape François grâce à ces messes religieuses nous bénit… mais il respire, il vit. Nous nous devons de défendre et de protéger le pape François.
Je vous remercie mes sœurs.
Je vous remercie mes frères.
Retranscription du discours de Rafael Correa
Nous appuyons totalement la proposition de notre collègue, compagnon vice-président costaricain, que le prochain secrétaire général soit une secrétaire générale et notre région a de grandes dames Mme Bachelet, Mme Kirchner, Mme Rousseff entre autres !
Merci d’être ici, c’est pratiquement un acte héroïque. Ce matin il y a eu 19 interventions ; cet après-midi 16. Cela en fait 34 avec deux heures de retard. Merci au personnel des Nations Unies pour son sacrifice. Je pense qu’il faut changer la méthode. Cela n’a aucun sens. Après la 3° séance, qui écoute encore quand on arrive à la conférence trente quatre ? Si en trois minutes je ne vous touche pas, je ne vous émeus pas à ce moment-là, demandez à quitter la salle. Donc merci, merci d’être ici. En tous cas, cela aurait pu être pire, j’aurais pu être Evo Morales, qui lui prend la parole après moi. Cher ami, je te salue.
Intervention
L’ONU est née le 24 octobre 1945 des cendres de la 2de Guerre mondiale afin de veiller au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Face à l’holocauste, nous estimions que la paix était uniquement l’absence de guerre. Au XXI°, 70 ans plus tard, la paix doit être surtout la présence : la présence de la justice, la présence de la dignité, la présence du développement. Gandhi nous le disait déjà : « la pauvreté est la pire forme de violence ».
La Communauté des Etats de l’Amérique latine et des Caraïbes, la CELAC a proclamé notre région Continent de paix mais l’opulence insultante d’une poignée d’individus à coté d’une pauvreté intolérable sont autant d’atteintes quotidiennes à la dignité humaine. La paix sans justice n’est que pacification. Les 164 millions de personnes en Amérique Latine qui vivent dans la pauvreté, dont 68 millions qui vivent encore et toujours dans l’extrême pauvreté attendent encore et toujours la justice, la liberté et une vraie démocratie. Pas uniquement la possibilité d’organiser régulièrement des élections !
Surmonter la pauvreté, chers amis, voilà la principale nécessité morale pour la planète. Car, pour la première fois dans l’histoire de l’Humanité, la pauvreté ne s’explique pas par un manque de ressources ou par des facteurs naturels mais bien par des systèmes injustes d’exclusion, qui sont le fruit de structures malsaines de pouvoir. Je l’avais déjà dit, le penseur français Frédéric Bastiat l’avait déjà dit, il y a deux siècles : « Quand le pillage devient un mode de vie pour un groupe d’hommes vivant dans des société, alors ces hommes, au fil du temps, se créent un système juridique qui l’autorise, un code moral qui le glorifie » Et pour ceux qui veulent nous voler des concepts aussi sublimes que celui de « liberté », qu’ils comprennent bien : il n’y aura pas de liberté sans justice. Et ce d’autant plus dans des régions aussi inégalitaires que l’Amérique latine, ce n’est qu’en cherchant la justice que nous parviendrons à une véritable liberté.
Voilà pourquoi, nous ne pouvons nous satisfaire d’objectifs a minima, à l’instar des objectifs du millénaire pour le développement en 2015. Des objectifs a minima reviennent à légitimer la réalité actuelle ; le « bénéficiaire » est inférieur aux autres et il est impossible à ce moment-là de modifier la relation de pouvoir entre les sujets et les sociétés. Comme l’a dit le Secrétaire général Ban Ki -moom ce matin, notre idéal n’est pas que la population soit en vie mais de lui donner une vie : une vie digne, une vie pleine sur un pied d’égalité avec tout autre être humain. Nous pensons que les 17 objectifs de développement durable 2015-2030 s’avoisinent de cette attente. Nous proposons des objectifs communs, pas uniquement sur un minimum de vie, mais bien sur des maxima sociaux le « sumak kawsay » le « bien vivre » de nos peuples ancestraux. Ce qui signifie vivre dans la dignité, en satisfaisant des besoins fondamentaux en harmonie avec soi-même, avec les autres êtres humains, avec les différentes cultures, en harmonie avec la nature.
Cependant, et comme nous l’avons dit ici même hier, l’absence dans le programme 2015-2030 d’un objectif portant directement sur la liberté de circulation humaine est une déplorable omission. Le paradoxe immoral qui veut que, d’une part, l’on promeuve la libre circulation des marchandises, des capitaux en recherchant la rentabilité maximale alors que, d’autre part, l’on pénalise la libre circulation des personnes qui cherchent un travail digne, est purement et simplement intolérable et indéfendable sur le plan éthique. C’est là l’une des grandes incohérences de la mondialisation néo-libérale. Elle ne cherche pas à créer une société planétaire, elle cherche uniquement à créer des marchés planétaires. Elle dépend totalement du capital et non des êtres humains. La solution, ce n’est pas d’ériger davantage de frontières, la solution c’est la solidarité, c’est l’humanité. Ce sont des conditions propices à la prospérité, à la paix qui découragent les migrations.
Une Grande nouveauté, c’est que, dans les objectifs du développement durable, comme l’indique leur nom, l’on tient dûment compte du respect de la planète et globalement dans le monde l’on constate une amélioration de l’efficience des processus de production. Il y a eu une diminution de l’intensité énergétique mondiale, c’est-à-dire la quantité d’énergie nécessaire par unité de produit, la diminution donc a été de 1,2 % par an, entre 1971 et 2009 mais en dépit des progrès technologiques, en dépit de la dématérialisation de l’économie, il y une plus forte consommation d’énergie mondiale. Les émissions ont été multipliées par 3,6 en 50 ans, ce qui représente une croissance annuelle moyenne de 2,6 %. Si cette tendance venait à se conforter, dans 28 ans, les émissions actuelles auront doublé.Tout nous montre que la consommation d’énergie et la génération d’émissions sont directement proportionnelles au niveau de revenu ; ce qui signifie que la consommation l’emporte sur l’efficience.
Un habitant des pays riches émet 38 fois plus de CO2 qu’un habitant des pays pauvres. Tout cela nous amène au principe des responsabilités communes mais différenciées. Bien sûr il y a également un impact environnemental en lien avec la pauvreté par exemple l’érosion des sols, l’absence de traitement des résidus solides etc.. Problème supplémentaire, la différence entre les rendements énergétiques dans les pays pauvres et dans les pays riches est abyssale. Et ce fossé se creuse au fil du temps, concrètement de 4 à 5 fois plus important entre 1971 à 2010.Pour le combler, il faut avoir accès à la science, à la technologie. A nouveau, il y a ici un fossé énorme entre les pays riches et les pauvres. Les pays riches, chaque année, déposent 1 million 360 mille demandes des brevets alors que les pays pauvres, dans leur ensemble, en déposent 9 mille 170.
Les inégalités mondiales ne se reflètent pas uniquement dans la répartition des émissions mais bien également dans l’impact sur les changements climatiques et sur le réchauffement mondial. Des pays tels que l’Equateur sont responsables de moins de 0,1 % du total des émissions de CO2 mais subissent les conséquences du changement climatique. Par exemple, le seul pingouin qui arrive à la ligne d’équinoxe le spheniscus mendiculus, que l’on appelle communément le pingouin des Galápagos est menacé d’extinction en raison du réchauffement des eaux marines superficielles. Voilà pourquoi il nous faut tendre à une déclaration universelle des droits de la nature ; le principal droit universel de la nature devrait être que la nature puisse continuer d’exister mais également qu’elle puisse continuer d’offrir les moyens nécessaires à la vie pour que nos sociétés puissent vivre avec ce « sumak kawsay ». Voilà quelle doit être l’idée clef pour éviter un certain fondamentalisme : l’être humain n’est pas le seul être important dans la nature, mais il n’en reste pas moins le plus important.
Nonobstant ces responsabilités communes mais différenciées et le rôle que joue l’accès aux connaissances la science et la technologie, il existe actuellement, paradoxalement, une nouvelle et injuste division internationale du travail. Les pays riches génèrent des connaissances qu’ils privatisent ; les pays pauvres ou à revenus intermédiaires produisent des biens environnementaux qu’ils conservent gratuitement. La connaissance en général est un bien d’accès libre, c’est-à-dire que l’exclusion est techniquement impossible ou très onéreuse. Pour éviter le libre accès, en d’autres termes, pour privatiser le dit bien l’on érige des obstacles institutionnels, à savoir des droits de propriété intellectuelle. Les pays du bassin de l’Amazonie produisent également des biens d’accès libre, dans le cas présent des biens environnementaux qui régulent le climat mondial et sans lesquels la vie sur Terre se verrait nettement dégradée. Malgré cela, les grands pollueurs mondiaux ne paient rien pour consommer ces biens et services environnementaux.
Et l’on croit parfois que la génération de biens environnementaux se fait sans coût. De fait, c’est une production qui peut s’avérer extrêmement onéreuse. Pas en termes de coût direct mais dans le sens de ce à quoi nous renonçons pour produire ces biens environnementaux. Aujourd’hui nombreux sont ceux qui exigent que l’on n’exploite pas le pétrole en Amazonie mais cela représente un coût énorme en termes de revenus non perçus. Chaque jour qui passe c’est un enfant qui ne va pas à l’école, c’est une communauté qui n’a pas accès à l’eau potable, ce sont des personnes qui meurent de maladies que l’on aurait pu éviter, de véritables pathologies de la misère. Ce n’est qu’en compensant la consommation de biens environnementaux que nous n’aurions pas besoin de plus de financement pour le développement.
Voici encore une autre idée fondamentale alors qu’il est question de développement durable. Dans les pays pauvres, la préservation de l’environnement ne sera possible que si elle ne suppose de nettes améliorations du niveau de vie de la population. Comme l’a dit le pape François dans son encyclique « Laudato Si » « une véritable démarche écologique soulève toujours le problème d’une démarche sociale ». L’accès à la science, à la technologie est essentiel pour les pays pauvres qui luttent contre les changements climatiques et contre la pauvreté. Il est capital, comme l’avait dit le président du Paraguay, Horacio Cartes, il est indispensable de déclarer que les technologies qui atténuent les changements climatiques et leur impact sont des biens publics mondiaux et il est indispensable d’en garantir le libre accès.
La nouvelle répartition internationale du travail, chers amis, est un paradoxe total, les biens d’accès libre devraient être ceux qui n’ont pas de rivalité, de concurrence en termes de consommation, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas de coût supplémentaires s’ils sont consommés par une personne supplémentaire. Par voie de conséquence, une fois qu’ils sont crées, plus le nombre de personnes utilisant le bien créé est élevé, mieux c’est. C’est normalement la caractéristique des connaissances, de la science, de la technologie. Comme l’a dit à juste titre George Bernard Shaw : « Si tu as une pomme et moi j’ai une pomme, et que nous échangeons cette pomme, à ce moment-là toi et moi aurons chacun une pomme. Mais si toi tu as une idée et que moi j’ai une idée, et que nous les échangeons alors nous aurons chacun deux idées » Et à l’inverse, quand un bien vient à manquer ou est détruit au fur et à mesure qu’il est consommé, à l’instar des biens environnementaux, c’est à ce moment-là qu’il faut en restreindre la consommation pour éviter ce que Garett Hardin a appelé la « tragédie des biens communs ».
Pourquoi ne pas faire ce qui est évident ? Pire encore, pourquoi faire exactement le contraire ? Parce que le problème n’est pas technique mais bien politique. L’injuste nouvelle répartition internationale du travail, n’est rien d’autre que la logique perverse visant à privatiser les bénéfices et à socialiser les pertes. Rien ne peut justifier cette démarche si ce n’est le pouvoir.Imaginons pendant un instant que la situation soit inversée : les producteurs de biens et de services environnementaux seraient les pays riches et les pays pauvres ou aux revenus intermédiaires seraient les pollueurs. Qui pourrait douter du fait qu’ils ne nous auraient pas, y compris envahis, pour exiger « une juste indemnisation » ?
C’est impressionnant, chers amis, mais le problème des changements climatiques pourrait être réglé à grand renfort de justice dans le cas de l’environnement. Mais malheureusement, comme le disait Thrasymaque dans son dialogue avec Socrate : « La justice n’est que l’intérêt du plus fort » Fin 2015 nous allons organiser la 21° conférence de Etats des Nation Unies à Paris. Si nous échouons, lors de cette conférence, si nous ne parvenons pas à des accords contraignants pour protéger la seule planète que nous avons, nous pouvons commencer à enterrer notre civilisation. Mais si nous remportons la victoire, nous organiserons la 22° conférence en pensant au cantique du premier manifeste écologique écrit en 1225 par Saint François d’Assise qui témoignait de toute sa reconnaissance à « frère le vent, à l’air, aux nuages, au ciel serein et à tous les temps »
Chers amis, l’Equateur est empli d’espoir à la vue du rétablissement des relations diplomatiques entre Cuba et les Etats-Unis. Nous espérons que cela conduira à la levée de l’embargo et au retrait de la base de Guantanamo. Ce ne sera pas là la concession d’un pouvoir quelconque mais bien le triomphe de la justice et de la dignité du peuple cubain. Nous avons entendu le président Obama dire qu’il proposait de lever cinquante ans d’embargo non pas parce que c’est en violation du Droit internationale, du peuple cubain mais « parce que ça n’a pas fonctionné ». Nulle concession ici. Mais cinquante ans de résistance ! Nos peuples n’accepteront plus jamais la tutelle, l’ingérence ou l’intervention. La mémoire de nos peuples est lacérée par les abus, la violence du passé, même si on nous demande de l’oublier, de nous concentrer uniquement sur l’avenir. L’Equateur soutient l’Argentine dans sa défense de ses droits souverains sur les îles Malouines. Nous dénonçons ce néo colonialisme du XXI° siècle qui est inacceptable. Nous reconnaissons l’ Etat de Palestine qui doit être un état membre de notre organisation jouissant des pleins droits avec Jérusalem Est comme capitale dans les limites établies en 1967. Nous nous félicitons des accords récemment passés entre le gouvernement de Colombie et les FARC. L’Equateur aspire à la paix pour la Colombie et nous les soutenons dans cette entreprise.
L’Equateur dit toute sa solidarité envers le peuple Syrien, victime d’un conflit qui a détruit des familles, des biens, des personnes. Certaines puissances ont fait fi du principe de non ingérence dans les affaires intérieures et n’ont fait qu’exacerber la violence. Nous espérons pour le peuple syrien que sera rétablie la paix et nous rappelons que seul le peuple syrien peut choisir son avenir. L’Equateur est très attaché à sa relation avec l’Afrique. Nous allons d’ailleurs accueillir le 4° sommet Afrique Amérique du Sud en mai 2016, auquel tous les pays de ces deux régions sont invités. En octobre 2016, nous accueillerons également la Conférence Mondiale sur les Installations et Développements Urbains Durables « Habitat III », qui n’a lieu que tous les 20 ans, et lors de laquelle sera formulé le nouveau programme urbain. Nous sommes convaincus qu’il existe un droit à une ville sans exclusive avec une croissance urbaine durable. Enfin, je tiens à saisir cette occasion qui m’est donnée pour dénoncer une fois de plus, aux yeux du monde, une catastrophe environnementale 85 fois pire que l’accident du British Petroleum qui avait coulé dans le Golfe du Mexique en 2010 et 18 fois pire que l’accident Exxon Valdez en Alaska en 1989. Je vous parle ici de la pollution causée par Texaco, compagnie pétrolière qui a opéré en Amazonie équatorienne jusqu’en 1992, qui a été rachetée par la multinationale Chevron en 2001.
Chevron, troisième plus grande compagnie des Etats-Unis a fait l’objet d’une plainte, il y a 20 ans environ, déposée par la communauté autochtone de l’Amazonie touchée par la pollution. Il s’agit d’une affaire purement privée : Communauté de l’Amazonie contre Chevron Texaco. Chevron a passé les dix dernières années à se battre pour ne pas être jugé devant les tribunaux de New York, lieu de domicile de l’entreprise mais à être jugé sur les lieux de l’infraction dans la province de Sucumbios en Equateur. Cependant, comme il a perdu le procès et a été condamné à verser une importante somme, il a passé les dix dernières années à détruire ces mêmes tribunaux qu’il avait défendus avec un grand enthousiasme lorsqu’il pensait encore pouvoir les acheter. Il a dépensé des centaines de millions de dollars dans une campagne mondiale visant à discréditer l’Equateur.
Les entreprises transnationales doivent cesser ces atteintes aux Etats et aux peuples du sud. L’Equateur lance un appel aux Etats membres afin qu’ils participent à l’élaboration d’un traité contraignant pour sanctionner des entreprises dès lors qu’elles portent atteinte aux Droits de l’homme ou qu’elles portent atteinte à la nature. Nous vous invitons à vous rendre en Equateur, à plonger votre main dans les centaines de piscines laissées par Texaco pour que vous ressortiez cette main couverte de résidus de pétrole vingt ans après que la compagnie pétrolière a quitté le pays. C’est la main sale de Chevron.
Face à la superpuissance, aux milliards de dollars de Chevron Texaco, face à l’infamie de cette entreprise corrompue et source de corruption, l’Equateur utilisera l’arme la plus mortelle qui ait jamais inventée : la vérité.
Je vous remercie.