Palais de l’Élysée – Mercredi 6 février 2013
Monsieur le ministre,
Mesdames et Messieurs les présidents, car ici il n’y a que des présidents,
Mesdames et Messieurs, qui ne sont pas encore présidents,
Je suis très heureux de vous accueillir, à l’occasion de la première visite en France de la Conférence des présidents, qui représente 51 organisations juives des États-Unis d’Amérique.
À travers vous, la France salue le judaïsme américain, son dynamisme, sa vitalité, sa diversité. La communauté juive des États-Unis s’est constituée, comme beaucoup de communautés juives, par des vagues d’immigration successives, portées toujours par l’espoir d’un monde libre, démocratique, où les juifs, depuis si longtemps persécutés, pourraient enfin vivre en paix.
Cette promesse a aussi, au fil des siècles, amené de nombreux juifs vers la France. Avec la même idée : trouver là stabilité, tranquillité et prospérité.
Vous connaissez l’importance du judaïsme dans l’histoire de la France. La communauté juive, ici représentée, est la 3ème du monde. Elle est marquée par une grande diversité de ses origines : des pays de l’Est, d’Europe centrale et orientale, mais aussi des pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient... La France ne serait pas la France sans l’apport des juifs qui, depuis toujours, aiment leur pays, le servent et l’honorent.
Vous connaissez aussi dans votre intimité profonde la tragédie subie par les juifs de France et d’Europe au siècle dernier, les humiliations, les persécutions, les violences, qui ont fait fuir beaucoup de vos parents, de vos grands parents – qui se sont réfugiés dans le meilleur des cas aux États-Unis et pour d’autres, qui sont restés ici et ont été victimes de la Shoah. En France, et c’est une douleur de le rappeler, 76 000 juifs ont été tués entre 1942 et 1945, un quart des juifs de notre pays.
Il y a 70 ans, quand notre continent tout entier était régi par l’ordre barbare du nazisme, je l’ai dit, les États-Unis étaient un refuge pour la dignité humaine et pour la liberté et un espoir pour ceux qui ne parvenaient pas à y accéder. Depuis, les représentants du judaïsme américain se considèrent, et vous en êtes ici les témoins, comme des protecteurs des juifs d’Europe et même des juifs du monde.
Les communautés juives du monde entier perçoivent tout acte antisémite, tout propos, comme une violence qui les concerne directement. Sachez qu’il en est de même de la République française qui vit comme une atteinte à son essence la plus profonde toute agression commise sur son territoire contre un juif parce que juif.
Vous étiez à Toulouse hier, où il y a un an une tragédie nous a tous saisis d’effroi et d’horreur. J’imagine ce qu’ont inspiré à chacun d’entre vous les actes commis ce 19 mars 2012. Ils n’ont pas été commis par hasard, ni dans n’importe quelle circonstance. Ils ont été dirigés contre une communauté dans ce qu’elle pouvait avoir de plus précieux : ses enfants. Celui ou ceux qui ont commis ces actes ont donc, d’une certaine manière voulu atteindre l’avenir même des juifs. C’est toute la France qui en a été bouleversée et qui s’est rassemblée. Je réaffirme aujourd’hui la volonté qui est la mienne de veiller sur le souvenir des enfants de Toulouse, qui sont nos enfants, ceux de la République française.
Je me suis rendu à Toulouse, avec le Premier ministre israélien, justement pour que nous partagions la même émotion et puissions tenir le même engagement : veiller sur le souvenir et faire preuve d’un devoir de vigilance. Et d’intransigeance. Le ministre de l’Intérieur, qui est à mes côtés, est chaque jour attentif à tout acte qui pourrait être commis et aussi à prévenir tout renouvellement d’une telle tragédie.
Dans ces circonstances, vous le savez, où la France est engagée au Mali pour lutter contre le terrorisme, nous sommes encore plus attentifs et vigilants. Nous n’avons pas besoin d’être encore plus intransigeants ; nous avons besoin d’être plus soucieux encore de la sécurité de nos concitoyens.
Les pouvoirs publics sont d’ailleurs pleinement mobilisés. Nous avons pris des mesures – déjà depuis plusieurs années – pour garantir la sécurité des juifs de France. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, dirigera dans quelques semaines une réunion avec les principaux ministres du gouvernement, pour établir un plan d’action contre le racisme et l’antisémitisme.
C’est un comble qu’au début du XXIe siècle, il soit nécessaire de réunir des ministres pour faire un plan pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme, alors que le XXe siècle a été marqué par la barbarie. Et pourtant nous faisons face à des menaces. Nous savons aussi que le développement des nouvelles technologies, d’internet peut être un moyen de diffuser la haine. Nous faisons donc preuve d’une vigilance et d’une intransigeance.
Vous êtes vigilants sur ce qui se passe dans le monde, mais vous êtes aussi aux côtés d’Israël. Parce que pour les juifs du monde entier, je sais ce que représente Israël. Je mesure aussi la crainte qui est la vôtre, parce que c’est aussi la nôtre, par rapport à la prolifération nucléaire et la volonté, jusque-là non démentie de l’Iran, de vouloir accéder à l’arme nucléaire.
Je recevais, il y a quelques jours, le Vice-président des États-Unis, Joseph Biden et nous avons partagé nos analyses sur ce qui pouvait se produire en Iran.
Nous avons lancé un nouvel avertissement, appelé à une négociation, exigé la transparence et surtout le renoncement clair par l’Iran à la recherche de tout ce qui pourrait lui permettre d’accéder à l’arme nucléaire. Il y a les sanctions, elles seront renforcées. Elles sont couteuses pour la population de l’Iran et nous le savons. Elles sont nécessaires, car nous devons contraindre l’Iran à renoncer.
La France est aussi aux côtés d’Israël pour l’affirmation de son droit à la sécurité, c’est-à-dire le droit à défendre sa propre existence. Nous sommes aussi aux côtés des Palestiniens pour qu’ils puissent disposer d’un État. C’est l’intérêt même d’Israël car tant que la Palestine n’aura pas de frontières reconnues, Israël n’en aura pas non plus. Tant que la Palestine n’aura pas conquis la stabilité, Israël n’aura pas conquis la sécurité.
Nous souhaitons donc qu’il y ait une reprise des négociations. Faut-il encore que toutes les parties veuillent aboutir, non pas à ouvrir la négociation, mais à la conclure.
Je vous l’ai dit, la France est engagée, elle aussi, dans la lutte contre le terrorisme. Si nous sommes au Mali, ce n’est pas pour défendre quelque intérêt que ce soit en tant que puissance, c’est pour agir au nom de la communauté internationale, pour veiller à ce qu’aucun groupe terroriste ne puisse conquérir un pays, car il s’agissait de cela au Mali.
Voilà ce qui nous rassemble, Mesdames et Messieurs, ce sont des principes, ceux de la démocratie, les valeurs universelles de la liberté et c’est ce qui fonde notre amitié, l’amitié entre la France et les États-Unis et également l’amitié entre l’organisation que vous représentez, cette Conférence des présidents, et la République Française.
En vous recevant ici, nous recevons des amis.
Merci d’être là.
François Hollande, président de la République française