Après deux ans et demi au pouvoir, le président Donald Trump est sur le point d’imposer ses vues au Pentagone. Celui qui a mis fin au projet de « Sunnistan » de Daech entend en finir avec la doctrine Rumsfeld/Cebrowski de destruction des structures étatiques du Moyen-Orient élargi. S’il y parvient, la paix reviendra dans la région ainsi que dans le Bassin des Caraïbes. Cependant, les peuples qui auront survécu à l’impérialisme militaire devront encore combattre pour leur souveraineté économique.
Depuis deux ans et demi, les États-Unis mènent parallèlement deux stratégies contradictoires et incompatibles.
D’un côté, la destruction des structures étatiques de grandes régions – le Moyen-Orient élargi depuis 2001, puis le Bassin des Caraïbes depuis 2018 –, soutenue par le département de la Défense (doctrine Rumsfeld/Cebrowski) ;
De l’autre, le contrôle du marché mondial de l’énergie (doctrine Trump/Pompeo), soutenu par la Maison-Blanche, la CIA et le département d’État.
Il semble que le président Donald Trump soit sur le point d’imposer sa pensée à son administration, toujours dominée par les fonctionnaires et militaires des ères Bush Jr et Obama, et d’en annoncer les conséquences le 19 septembre, lors de la 73ème Assemblée générale des Nations-Unies : la paix en Afghanistan, en Iraq, en Libye, en Syrie, au Yémen, au Venezuela et au Nicaragua.
Annoncé durant sa campagne électorale en 2016, le passage d’une logique belliqueuse de conquête à une autre, pacifique, d’hégémonie économique n’est toujours pas formellement décidé.
Même une fois acté, un tel revirement ne se fera pas en un jour. Et il s’accompagnera d’un prix à payer.
Concernant le principal conflit actuel, la Syrie, les principes d’un accord ont été négociés entre les États-Unis, l’Iran, la Russie et la Turquie.
On ne touchera pas aux frontières du pays et l’on ne créera pas de nouvel État (ni le « Sunnistan » de Daech, ni le « Kurdistan » du PKK). Mais le pays sera neutralisé : les bases militaires légales de la Russie sur la côte méditerranéenne seront équilibrées par des postes états-uniens permanents – pour le moment illégaux – au Nord-Est du pays.
Aucun pipe-line ne traversera le pays, qu’il soit qatari ou iranien. La Russie exploitera les hydrocarbures, mais les États-Unis devront lui être associés.
La réconciliation syrienne sera autorisée à Genève, lors de l’élaboration d’une nouvelle Constitution par un Comité représentatif des diverses forces au conflit.
Les entreprises US devront participer, directement ou indirectement, à la reconstruction de la Syrie.
Le processus préparatoire à cet accord n’en est qu’à ses débuts. Depuis deux mois, l’armée arabe syrienne a été autorisée à reconquérir le gouvernorat d’Idleb occupé par Al-Qaïda et les États-Unis l’ont aidée en y bombardant eux-mêmes le QG de l’organisation terroriste. Puis, les États-Unis ont commencé à démanteler les fortification du pseudo-Kurdistan (le « Rojava ») tout en développant celles de leurs bases militaires illégales, notamment à Hassaké. Pour le moment, le volet économique du plan n’a pas commencé. Les États-Unis assiègent la Syrie depuis l’automne 2017 et ont sanctionné les entreprises étrangères – à l’exception des émiraties – qui ont osé participer à la 61éme Foire internationale de Damas (28 août-6 septembre 2019). La reconstruction du pays reste impossible.
Simultanément, dans le Bassin des Caraïbes, des négociations ont discrètement débuté en juin 2019 entre les États-Unis et le Venezuela. Alors que Washington répète encore que la réélection de Nicolás Maduro en mai 2018 est nulle et non avenue, il n’est plus question entre les diplomates de dénigrer le chavisme ni de « juger le dictateur », mais d’offrir une porte de sortie au « président constitutionnel ». Les États-Unis sont prêts à abandonner leur projet de destruction des structures étatiques s’ils sont associés à l’exploitation et au commerce du pétrole.
Il sera facile pour de pseudos intellectuels d’expliquer que les États-Unis ont mené toutes ces déstabilisations et guerres uniquement pour le pétrole. Mais cette théorie ne rend pas compte de ce qui s’est passé durant dix-huit ans. Le Pentagone s’était donné pour mission de détruire les structures étatiques de ces régions. Il y est parvenu en Afghanistan, en Libye et au Yémen, partiellement en Iraq, et pas du tout en Syrie. Ce n’est qu’aujourd’hui que la question du pétrole revient en tête des priorités.
La stratégie Trump/Pompeo est une nouvelle calamité pour les régions pétrolières, mais elle est infiniment moins dommageable que celle de Rumsfeld/Cebrowski qui a dévasté le Moyen-Orient élargi depuis deux décennies avec ses dizaines de milliers de tortures et ses centaines de milliers de meurtres.