Je me trouvais samedi soir chez un ami qui organisait une soirée pour fêter son emménagement dans notre ville. Après avoir bien bu et bien dansé, nous nous sommes retrouvés à quelques uns à l’extérieur, autour d’une table dressée sur la rue, pour prendre l’air et discuter un peu. La nuit était froide et l’heure avancée, mais l’esprit encore vif. Il y avait là, entre autres personnes, un de mes vieux amis de l’époque où nous étions syndicalistes-étudiants, et, comme souvent lors de nos rencontres, nous parlions politique, sans jamais réussir à tomber d’accord. Mon ami, qui a longtemps milité sur les questions liées à la formation, est membre du Parti Socialiste. Je ne lui jette pas la pierre : à l’époque où nous avons fait connaissance, j’étais trotskiste – ce qui, comme chacun sait, mène à tout à condition d’en sortir.
Comme à notre habitude, nous discutons de ce que pourrait être le modèle de société idéal. Nous commençons par débattre au sujet des pays scandinaves et de leurs systèmes sociaux très progressistes, et puis, par un de ces détours sinueux propres à la conversation (surtout si tard et avec autant de verres de blanc derrière nous), mon ami se met à nous faire un petit exposé sur le rastafarisme, dont il arbore un symbole sur sa casquette, et à nous présenter les différentes communautés et les différentes visions du monde qui coexistent dans cette culture. Il évoque ensuite les musiciens issus de ces milieux et le succès international rencontré par certains avant de regretter que de nombreux chanteurs de reggae osent clamer haut et fort leur homophobie et soient suivis sans la moindre remise en question par un public important, souvent jeune et occidental. « C’est dû à leur vision traditionnelle » explique-t-il en faisant la grimace, un peu comme pour leur trouver des circonstances atténuantes. Je lui fais remarquer que la plupart des sociétés traditionnelles, quelles qu’elles soient, ne disent pas autre chose que les rastafaris sur la question de l’homosexualité, à commencer par une grande partie des chrétiens. De là à parler d’homophobie, le terme est peut-être un peu excessif. J’ajoute que pour nombre de communautés étrangères présentes sur notre sol, rien ne prête plus à rire que l’homophilie idéologique et forcenée de nos élites autochtones.
Mon ami, lui, ça ne le fait pas tellement rire. Il n’est ni catho-tradi ni musulman, il n’est pas homo non plus d’ailleurs, mais il a déposé deux motions à l’interne du Parti Socialiste pour intégrer dans le programme de campagne l’idée du mariage gay et de l’adoption d’enfants par des couples homosexuels. Mais, à sa grande déception, les deux motions ont été balayées par les dirigeants du Parti. Il peste contre cette "arrière-garde chrétienne et réactionnaire" qui sévit jusque dans les partis de gauche. Arrière-garde, vraiment ? « A mon avis, lui dis-je, ce ne sont peut-être pas leurs convictions qui sont en cause, mais tout simplement leur stratégie électorale. Qu’auraient-ils eu à gagner à accepter tes motions ? Est-ce que les électeurs socialistes n’attendent pas qu’on leur parle d’autre chose que du mariage gay ? C’est du sociétal tout ça, le peuple veut des propositions concrètes qui concernent sa vie de tous les jours. » Il n’est pas d’accord. Je poursuis : « Essaie de te mettre à la place de l’électeur moyen. Le poilu en bleu de travail qui vote PS depuis trois générations parce qu’on lui a dit que c’était le parti des travailleurs, qu’est-ce qu’il en a à fiche de l’émancipation des marginaux, des revendications ultra-communautaires et de tout ce foin ? Non seulement il s’en fout, mais en plus il trouve surement tout ça de très mauvais goût. » Mon ami me regarde avec des yeux ronds : « D’où tu sors tes poilus en bleu de travail ? L’électeur moyen du PS gagne six à sept mille francs suisses par mois (plus de 3700 euros). On a fait des statistiques là-dessus. »
Sur le coup, je suis scié. Non pas que je sois surpris, je sais que ça fait bien longtemps que le PS est un parti plutôt bourgeois, mais je suis abassourdi que ce soit justement un socialiste encarté, un membre du Parti, et de son aile gauche en plus, qui me le confirme avec une telle franchise et apparemment sans trop de complexe. « En ville, un électeur type du PS, c’est... disons un professeur d’université, ou en tout cas un haut salarié de la fonction publique » ajoute mon ami. « Dans ce cas-là, tu as raison, dis-je en soupirant. Si vous vous appuyez sur les bobos pour survivre, vous feriez certainement bien d’ajouter dans votre programme l’adoption d’enfants pour les couples homosexuels. Ca les inspirera certainement plus qu’un projet de caisse-maladie unique ou de baisse des loyers... » J’ai très froid soudain. Nous décidons d’un commun accord de continuer la conversation à l’intérieur. En passant le pas de la porte, j’essaie de voir le bon côté des choses : à plus ou moins brève échéance, le "social-démocratisme" est morte, c’est un fait, et nous n’allons pas passer un siècle à pleurer sur sa tombe. Entre une gauche bourgeoise et élitaire et une droite faussement populaire et réellement anti-sociale, une place reste à prendre, la place la plus importante. Celle d’un vrai front du peuple, d’un véritable mouvement social et patriotique. C’est précisément la ligne sur laquelle nous nous situons.
David L’Épée, coordinateur d’Unité Populaire, la section suisse d’E&R.
Source : http://unitepopulaire.over-blog.com
Comme à notre habitude, nous discutons de ce que pourrait être le modèle de société idéal. Nous commençons par débattre au sujet des pays scandinaves et de leurs systèmes sociaux très progressistes, et puis, par un de ces détours sinueux propres à la conversation (surtout si tard et avec autant de verres de blanc derrière nous), mon ami se met à nous faire un petit exposé sur le rastafarisme, dont il arbore un symbole sur sa casquette, et à nous présenter les différentes communautés et les différentes visions du monde qui coexistent dans cette culture. Il évoque ensuite les musiciens issus de ces milieux et le succès international rencontré par certains avant de regretter que de nombreux chanteurs de reggae osent clamer haut et fort leur homophobie et soient suivis sans la moindre remise en question par un public important, souvent jeune et occidental. « C’est dû à leur vision traditionnelle » explique-t-il en faisant la grimace, un peu comme pour leur trouver des circonstances atténuantes. Je lui fais remarquer que la plupart des sociétés traditionnelles, quelles qu’elles soient, ne disent pas autre chose que les rastafaris sur la question de l’homosexualité, à commencer par une grande partie des chrétiens. De là à parler d’homophobie, le terme est peut-être un peu excessif. J’ajoute que pour nombre de communautés étrangères présentes sur notre sol, rien ne prête plus à rire que l’homophilie idéologique et forcenée de nos élites autochtones.
Mon ami, lui, ça ne le fait pas tellement rire. Il n’est ni catho-tradi ni musulman, il n’est pas homo non plus d’ailleurs, mais il a déposé deux motions à l’interne du Parti Socialiste pour intégrer dans le programme de campagne l’idée du mariage gay et de l’adoption d’enfants par des couples homosexuels. Mais, à sa grande déception, les deux motions ont été balayées par les dirigeants du Parti. Il peste contre cette "arrière-garde chrétienne et réactionnaire" qui sévit jusque dans les partis de gauche. Arrière-garde, vraiment ? « A mon avis, lui dis-je, ce ne sont peut-être pas leurs convictions qui sont en cause, mais tout simplement leur stratégie électorale. Qu’auraient-ils eu à gagner à accepter tes motions ? Est-ce que les électeurs socialistes n’attendent pas qu’on leur parle d’autre chose que du mariage gay ? C’est du sociétal tout ça, le peuple veut des propositions concrètes qui concernent sa vie de tous les jours. » Il n’est pas d’accord. Je poursuis : « Essaie de te mettre à la place de l’électeur moyen. Le poilu en bleu de travail qui vote PS depuis trois générations parce qu’on lui a dit que c’était le parti des travailleurs, qu’est-ce qu’il en a à fiche de l’émancipation des marginaux, des revendications ultra-communautaires et de tout ce foin ? Non seulement il s’en fout, mais en plus il trouve surement tout ça de très mauvais goût. » Mon ami me regarde avec des yeux ronds : « D’où tu sors tes poilus en bleu de travail ? L’électeur moyen du PS gagne six à sept mille francs suisses par mois (plus de 3700 euros). On a fait des statistiques là-dessus. »
Sur le coup, je suis scié. Non pas que je sois surpris, je sais que ça fait bien longtemps que le PS est un parti plutôt bourgeois, mais je suis abassourdi que ce soit justement un socialiste encarté, un membre du Parti, et de son aile gauche en plus, qui me le confirme avec une telle franchise et apparemment sans trop de complexe. « En ville, un électeur type du PS, c’est... disons un professeur d’université, ou en tout cas un haut salarié de la fonction publique » ajoute mon ami. « Dans ce cas-là, tu as raison, dis-je en soupirant. Si vous vous appuyez sur les bobos pour survivre, vous feriez certainement bien d’ajouter dans votre programme l’adoption d’enfants pour les couples homosexuels. Ca les inspirera certainement plus qu’un projet de caisse-maladie unique ou de baisse des loyers... » J’ai très froid soudain. Nous décidons d’un commun accord de continuer la conversation à l’intérieur. En passant le pas de la porte, j’essaie de voir le bon côté des choses : à plus ou moins brève échéance, le "social-démocratisme" est morte, c’est un fait, et nous n’allons pas passer un siècle à pleurer sur sa tombe. Entre une gauche bourgeoise et élitaire et une droite faussement populaire et réellement anti-sociale, une place reste à prendre, la place la plus importante. Celle d’un vrai front du peuple, d’un véritable mouvement social et patriotique. C’est précisément la ligne sur laquelle nous nous situons.
David L’Épée, coordinateur d’Unité Populaire, la section suisse d’E&R.
Source : http://unitepopulaire.over-blog.com