Des milliers d’Egyptiens occupaient samedi soir la place Tahrir, désertée par la police après de violents affrontements qui ont relancé les tensions à moins de dix jours des premières élections législatives depuis la chute du président Hosni Moubarak.
Une personne a été tuée et 676 autres ont été blessées au cours des ces affrontements, selon un bilan fourni en soirée par le ministère égyptien de la Santé et des sources médicales.
L’homme tué, identifié comme Ahmed Mahmoud, 23 ans, a reçu une balle dans la poitrine, a précisé un médecin sur la célèbre place Tahrir, foyer de la révolte qui a renversé le président Hosni Moubarak le 11 février dernier.
La police anti-émeutes s’est retirée en début de soirée de la place emblématique de la révolte de janvier et février en Egypte, où plusieurs milliers de manifestants scandant des slogans contre le pouvoir militaire ont continué d’affluer.
De nombreux partisans d’un candidat salafiste déclaré à l’élection présidentielle dont la date n’est toujours pas fixée, Hazem Abou Ismaïl, sont notamment venus renforcer les rangs des manifestants, a constaté un journaliste de l’AFP.
Dans l’après-midi, les heurts s’étaient intensifiés, la police anti-émeutes répliquant aux jets de projectiles des manifestants par des tirs de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes.
Un responsable du ministère de la Santé, cité par l’agence officielle Mena, a fait état de 507 blessés, dont 19 policiers.
La place était jonchée de pierres, tandis que les manifestants ont monté une barricade, sous le regard de nombreux curieux qui assistaient aux affrontements, également retransmis en direct sur la télévision publique.
Dans l’après-midi un véhicule de la police a été incendié tandis que les manifestants, qui avaient également investi les rues reliant la place Tahrir au ministère de l’Intérieur, ont lancé des slogans hostiles au maréchal Hussein Tantaoui, dirigeant du Conseil suprême des forces armées (CSFA) et de fait à la tête de l’Egypte depuis le départ de M. Moubarak le 11 février.
Les affrontements ont débuté après que la police a tenté dans la matinée de disperser par la force un sit-in organisé depuis plusieurs jours par des personnes blessées lors de la révolte anti-régime du début de l’année.
Elles réclamaient le jugement des policiers et les dirigeants responsables des violences qui ont fait à l’époque officiellement 850 morts et des milliers de blessés.
M. Moubarak, son ministre de l’Intérieur Habib el-Adli et des responsables de la sécurité sont actuellement jugés, pour des accusations selon lesquelles il auraient ordonné de faire feu sur la foule.
"Ils nous ont dispersés violemment, sans distinction entre hommes et femmes. Le ministère de l’Intérieur doit prendre ses responsabilités. Nous avons une revendication : le conseil militaire doit partir", a déclaré à l’AFP Ali Abdel Aziz, un professeur de comptabilité de 32 ans qui participait au sit-in depuis le matin.
La veille, des dizaines de milliers de manifestants, en majorité issus des rangs des Frères musulmans et des mouvements salafistes, s’étaient rassemblés sur la même place.
Cette démonstration de force, menée par les islamistes, visait à réclamer le retrait d’une déclaration constitutionnelle présentée par le gouvernement, accusée de permettre aux militaires de garder des privilèges, en exemptant notamment le budget de l’armée de toute supervision parlementaire.
Les affrontements de samedi interviennent alors que les Egyptiens doivent voter le 28 novembre pour élire les représentants de l’Assemblée du peuple (chambre des députés), premier tour d’un scrutin législatif qui doit se dérouler au total sur quatre mois.
L’armée a promis de rendre le pouvoir aux civils après l’élection d’un nouveau président. La date de la présidentielle qui doit suivre les législatives n’est toutefois pas encore connue, ce qui suscite de nombreuses craintes de voir les militaires s’accrocher au pouvoir.