Le sénateur PS des Bouches-du-Rhône Jean-Noël Guérini, placé en garde à vue mardi, comme son frère Alexandre, à la section de recherches de la gendarmerie de Marseille pour y être entendu dans un dossier à caractère mafieux, en est ressorti en ambulance après un malaise cardiaque.
Le président du Conseil général a été transporté en fin d’après-midi à l’hôpital de la Timone, sans que son état de santé soit précisé. Son avocat, Me Dominique Mattei, est sorti de la caserne Beauvau sans faire de commentaires, se bornant à indiquer que la garde à vue n’était pas achevée.
Celle-ci pourrait se poursuivre ou pas mercredi après avis médical et décision du juge qui instruit le dossier.
Après une nouvelle levée de son immunité parlementaire en décembre, autorisant son placement en garde à vue, l’élu devait être entendu par les enquêteurs en janvier, mais avait alors été hospitalisé pour des problèmes intestinaux pour lesquels il devait prochainement être opéré. Début 2007, il avait déjà subi une opération du cœur.
M. Guérini était arrivé à la caserne peu avant 09H00, dans une voiture de fonction escortée par un véhicule de la gendarmerie. Son frère Alexandre a aussi été placé en garde à vue. Tous les deux sont déjà mis en examen dans un autre dossier du juge Charles Duchaine, relatif à des décharges exploitées dans les Bouches-du-Rhône par Alexandre Guérini.
L’affaire pour laquelle le sénateur était entendu mardi porte cette fois sur des malversations financières de grande ampleur touchant à des marchés publics remportés dans des conditions suspectes auprès de collectivités de Haute-Corse et des Bouches-du-Rhône. Il implique des membres présumés du grand banditisme dont Bernard Barresi, arrêté en 2010 après 18 ans de cavale et mis en examen en décembre.
Dans sa demande de levée d’immunité parlementaire, le juge avait évoqué un dossier à caractère mafieux, précisant qu’il n’envisageait aucune mesure de détention ou de contrôle judiciaire à l’encontre de M. Guérini à l’issue d’une éventuelle nouvelle mise en examen.
Plus d’une vingtaine de personnes - entrepreneurs, hommes de paille, élus, fonctionnaires - sont déjà mises en examen dans ce dossier tentaculaire dont les prémices remontent à 2005.
Le fisc s’intéresse alors à deux gérants de sociétés du Sud-Est, Patrick Boudemaghe et Damien Amoretti, qui roulent en Maserati. Il suspecte des fausses facturations autour de leur entreprise de maçonnerie à Gardanne (Bouches-du-Rhône), ABT, et de leur agence de location d’engins de chantier à Vallauris (Alpes-Maritimes), Riviera International.
Le parquet d’Aix-en-Provence est saisi en 2008 et la police judiciaire commence à enquêter, sans remonter jusqu’aux Guérini. La justice marseillaise et les gendarmes, alertés par un courrier anonyme qui met en cause les deux frères en février 2009, récupèrent le dossier huit mois plus tard.
Autour de Boudemaghe, arrêté en Espagne fin 2010, les enquêteurs repèrent alors une nébuleuse de sociétés - dont les ramifications mènent au Luxembourg et à Panama - soupçonnées d’avoir détourné et blanchi des millions d’euros issus de marchés publics présumés frauduleux.
Pour la justice, Boudemaghe n’agit pas pour son propre compte, mais appartient à un groupement permanent aux côtés d’Alexandre Guérini et de Bernard Barresi, malfaiteur notoire reconverti, sous des faux noms, dans le BTP et l’immobilier, sa compagne œuvrant dans le domaine de la sécurité, notamment pour le compte du département.
Le frère du sénateur servait de trait d’union entre le milieu et la bonne société, entre le monde économique et la sphère politique, avançait le juge dans sa demande de levée d’immunité. Selon le magistrat, par son entrisme au Conseil général, que son frère ne pouvait ignorer, Alexandre aurait obtenu que les entreprises de ses partenaires, en premier lieu ABT, soient favorisées dans certains chantiers (maisons de retraite, collèges, casernes de pompiers, etc.).
Dans ce système, quel était le rôle de Jean-Noël Guérini ? Plus difficile à cerner et surtout à critiquer, de l’avis du magistrat, il aurait assuré de façon systématique le succès des entreprises de son frère et de ses amis par ses interventions influentes, ses actions ou ses abstentions, dénoncées aux enquêteurs par des collaborateurs, anciens ou actuels, du Conseil général.