La France se targue d’avoir eu une révolution, mais en fait, c’est une nouvelle élite encore plus puissante, qui lui a succédé, écrit Stephen Clarke dans The New York Times. Cette élite se sent si indispensable au pays qu’essayer d’en mettre en cause un de ses membres est un peu comme menacer de tirer sur un cheval de course prestigieux parce qu’il broute sur votre pelouse, estime-t-il. On s’attend à ce que vous vous taisiez et que vous le laissiez brouter.
Cela explique pourquoi l’establishment français considère que c’est M. Strauss Kahn la victime, et non pas celle dont la police new yorkaise affirme qu’elle a été agressée, la femme de chambre guinéenne traumatisée. Est-ce que les choses se seraient passées de la même façon à Paris ? Certainement pas, pour le journaliste. Les faits n’auraient jamais été révélés. On aurait tranquillement demandé à la femme de chambre si elle pensait que cela valait la peine de risquer son travail et son permis de séjour. On lui aurait aussi rappelé que c’était sa parole contre celle de DSK, et, franchement, qui voulez-vous que l’on croie ? L’homme rusé et célèbre, avec des amis influents, ou une insignifiante femme du peuple ?
L’appétit sexuel insatiable de DSK était bien connu des milieux journalistiques français, indique Rudolf Balmer dans le journal allemand Tageszeitung. Mais en France, la vie sexuelle des hommes politiques, et leurs préférences sexuelles, notamment, sont encore tabou. D’une certaine manière, il est même de bon ton, lorsque l’on brigue des responsabilités de haut niveau, de témoigner d’une bonne vitalité avec une vie sexuelle bien remplie, explique-t-il. Derrière les portes closes, on a toujours chuchoté à propos des aventures des présidents en poste, quand ce n’était pas à propos de leur double vie. Il en allait de même pour DSK, dont les tentatives cavalières de séduction étaient parfaitement connues des media.
Jusqu’à présent, tout le monde respectait cette loi secrète du silence. Les dérapages de DSK ont été étouffés, censurés, au nom du droit au respect de la vie privée. Avec des conséquences perverses dont on ne fait que commencer à voir l’étendue, probablement.