Les Fables de Jean de La Fontaine
« Je me sers d’animaux pour instruire les hommes » disait sobrement Jean de La Fontaine de ses Fables. Celles-ci sont sa contribution majeure au rayonnement littéraire du Grand Siècle français, en même temps qu’elles portent à son point de perfection un genre considéré jusque-là comme mineur.
En quoi consiste cette perfection ? Pourquoi relire ces courts récits – le plus souvent animaliers ? Qu’est-ce qui justifie de surmonter l’éventuel agacement du souvenir scolaire ou du décor fané pour tapisseries d’Aubusson ?
Si on a pu dire que le monde est un livre à déchiffrer, il y a des livres qui nous aident à voir le monde. Ainsi des Fables de La Fontaine. Chacune d’elle lève un coin du voile de la comédie humaine et réserve aussi une leçon pour chaque âge de l’homme. Comme dans la Bible où les théologiens ont l’habitude de distinguer plusieurs sens au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la lecture littérale et qu’on accède aux sens moral, spirituel et allégorique, les Fables offrent des significations toujours renouvelées au-delà de la morale parfois explicitement formulée par l’auteur.
Un exemple, La Chauve-souris et les deux belettes : la chauve-souris, pour se tirer deux fois du faux pas où elle s’est mise, joue de son apparence ambivalente, distribuant aux uns : « Je suis Oiseau : voyez mes ailes » et donnant aux autres : « Je suis Souris : vivent les Rats ». L’épilogue de la fable en fait immédiatement l’application aux changements de parti des girouettes de la politique, mais le lecteur pourra y voir la plaisante image de formes plus profondes et moins conjoncturelles de la duplicité.
Souvenons-nous aussi de La Poule aux œufs d’or. C’est la fable de la cupidité vaincue par où elle croyait gagner, mais c’est aussi la représentation géniale de la folle prétention de celui qui, en croyant percer le secret des institutions, les ruine définitivement. Même le lecteur ingénu ou l’enfant ne quitte pas sa lecture sans savoir quoi penser, ce qui en soi est rassurant. Mais il devine déjà qu’il y a plus à penser et que la fable l’invite à en redécouvrir l’interprétation au gré de son expérience.
« Je me sers d’animaux pour instruire les hommes » : instruction, le mot est beau, il rappelle l’emploi, l’utilité de la fable, mais il résonne assez durement, quand le génie des Fables est d’instruire de façon plaisante et élégante.
Elégance : aucune qualité ne décrit mieux le style de La Fontaine. Avec lui, le fabuliste se donne l’air distrait, détaché, joue avec le lecteur, donne à voir, suggère, sans assommer. Et cela dans un style net, précis, d’une exemplaire simplicité, qui contribue à fixer les canons du français classique, la langue qui a ébloui l’Europe et qui ne demande qu’à faire retentir à nouveau ses vérités lumineuses.
Alors comment ne pas retourner étancher notre soif de beauté et de sagesse à cette onde pure comme au jour où elle a jailli de la plume de leur auteur.
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