Le film "Le réseau social" comporte une scène dans laquelle le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, explique à sa petite amie que le nombre de génies en Chine dépasse en nombre la population totale des États-Unis. Cette assertion est évidemment ridicule, mais elle témoigne de la grande inquiétude que la Chine suscite chez les Américains. Selon Goldman Sachs, en 2027, la Chine sera la plus grande économie du monde, mais selon un récent sondage Gallup, un Américain sur deux estime déjà que l’économie chinoise dépasse celle des Etats Unis.
Ces derniers mois, Les États-Unis ont été inondés de nouveaux livres dans lesquels les économistes et les auteurs tentent de formuler leur opinion concernant la façon dont l’Amérique doit gérer l’émergence de la superpuissance chinoise, notamment "The Comeback" de Gary Shapiro. Dans ces ouvrages, tous les auteurs sans exception insistent sur le concept que Shapiro a dénommé "l’exceptionnalisme américain", que des entreprises innovantes comme Apple, Amazon et Google ont mis en avant. "Cet exceptionnalisme est né du mélange riche et unique de la liberté individuelle, de la démocratie constitutionnelle, d’une intervention gouvernementale limitée, de la libre entreprise, de la mobilité sociale, de la diversité ethnique, de l’assimilation des immigrants, de la liberté intellectuelle, des droits de propriété et de l’État", écrit Shapiro.
Selon lui, ces avantages et caractéristiques ne peuvent pas être facilement dupliqués par d’autres pays. Pour lui, l’Asie est sous-développée en "logiciel d’innovation", impliquant qu’elle n’a ni l’organisation formelle, ni n’offre le cadre culturel nécessaire pour générer ce qu’il appelle le "code source". Mais le point sur lequel le consensus est absolument frappant est celui de l’apport de l’immigration. "L’Amérique est ce qu’elle est grâce à l’héritage de ses immigrants. Sans eux, nous perdons notre feu créateur", estime Shapiro.
Mais quelle valeur prennent ces points d’appui alors qu’aujourd’hui des dizaines de milliers d’étrangers repartent des États-Unis avec des diplômes de sciences et de mathématiques obtenus dans les meilleures universités américaines ? Ce qui constituait traditionnellement la base de sa compétitivité, c’est-à-dire attirer les meilleurs talents du monde entier, se trouve ainsi coupé. Et cela augmente dans le même temps la probabilité que le prochain Mark Zuckerberg ne verra pas le jour à Boston, mais à Pékin ou à Bangalore.
Il y a encore un monde de différence entre la qualité de vie, le droit, et même le bien-être matériel en Chine et aux Etats-Unis. Cependant, si leur gouvernement œuvre pour maintenir leur économie dynamique, les Etats Unis peuvent encore se donner les moyen de maintenir sur le sol américain des talents scientifiques et entrepreneuriaux du monde entier, attirés par un cadre de vie motivant, et des promesses de perspectives individuelles encore bien supérieures à celles qui leur sont proposées dans leur pays d’origine.
Audrey Duperron