Alors que le Premier ministre présente son plan de lutte contre la radicalisation vendredi, un rapport administratif commandé par Beauvau fait état de nombreuses dérives identitaires et de remises en cause de la laïcité et préconise des mesures fortes.
C’est un document explosif, un rapport d’une quarantaine de pages qui met en lumière les failles du respect du principe de laïcité dans certains territoires. En amont de la présentation du plan de lutte contre la radicalisation, dévoilé vendredi par Édouard Philippe, le ministère de l’Intérieur a commandé au préfet Gilles Clavreul, proche de Manuel Valls, cet état des lieux intitulé Laïcité, valeurs de la République et exigences minimales de la vie en société, qui esquisse plusieurs mesures choc.
1 - Conditionner le soutien de l’État (subventions, emplois aidés) au respect de la laïcité
Estimant qu’il revient aux pouvoirs publics de « promouvoir les valeurs de la République », le préfet propose de « conditionner le soutien de l’État (attribution de subvention, agrément, soutien à un événement) à l’engagement de respecter et promouvoir » ces valeurs. Ainsi, en dépit des « réserves ou des commentaires » de l’Observatoire de la laïcité, il suggère par exemple de « faire signer une charte », comme le font certaines CAF et préfectures ; de « conditionner l’examen de subvention ou d’un emploi aidé à l’engagement de suivre une formation sur les valeurs de la République et la laïcité », comme le fait la préfecture des Bouches-du-Rhône ; ou encore d’« inciter le soumissionnaire ou le partenaire à conduire certaines actions, à contribuer à un évenement, ou à faire figurer la thématique "laïcité et valeurs de la République" dans un document partenarial ».
2- Former tous les agents de l’État à la laïcité « d’ici à 2020 »
Gilles Clavreul entend instaurer « une formation laïcité pour tous les agents de l’État d’ici à 2020 », en renforçant le plan de formation déjà déployé par le Commissariat général à l’égalité des territoires. Il envisage donc d’« élargir encore l’assiette des publics formés pour l’année en cours », en « réévaluant » à la hausse l’objectif 2018 qui table sur 13 000 personnes et en ciblant davantage les publics à former en priorité, à savoir « les adultes-relais, les membres des conseils citoyens, les agents des collectivités locales, les éducateurs sportifs, les intervenants dans le secteur péri-scolaire, les professionnels de la petite enfance, les acteurs de la prévention spécialisée, les agents du service public de l’emploi, ou encore les personnels de la fonction publique hospitalière ».
3 - Intégrer la laïcité dans les épreuves du BAFA
Autre secteur ciblé par le rapport : la jeunesse, qui constitue l’un des principaux enjeux en termes de laïcité. Ainsi, pour assurer une meilleure « transmission des valeurs de la République », le préfet propose de « renforcer les exigences de formation à la laïcité et aux valeurs de la République du brevet d’aptitude à la fonction d’animateur (BAFA) et au brevet d’aptitude à la fonction de directeur (BAFD) ». Il suggère également de « conditionner l’agrément des centres de formation au respect de cette exigence ».
4 - Cartographie des « situations problématiques »
Le rapport stipule la mise en place, « au niveau national, des diagnostics fiabilisés des incidents relatifs à la laïcité, à la contestation des valeurs républicaines, et au non-respect des exigences minimales de la vie en société ». Il s’agit d’établir une cartographie précise des « situations problématiques » rencontrées « dans le secteur sanitaire et social d’une part, et dans le milieu sportif d’autre part », pour réduire les « zones d’ombre » en matière de connaissance des dérives.
5 - Établir un « corps de doctrine » sur les « atteintes à la laïcité »
Pour « mieux établir un "corps de doctrine" s’agissant des atteintes à la laïcité », Gilles Clavreul dit vouloir « transformer » les Comités opérationnels de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (CORA) en « comités départementaux pour la laïcité pour la promotion de la laïcité et des valeurs de la République ». Pour ce faire, il entend « constituer, au niveau régional, une instance auprès de laquelle toutes les administrations pourraient évoquer des situations conflictuelles ou problématiques et solliciter un avis de sa part ». Si elle voit le jour, cette structure nouvelle serait alors « présidée par un magistrat de l’ordre administratif ».